Soudain, c’est l’enchantement à Tripoli : les rebelles débarquent par la mer, des commandos terrestres super-organisés attaquent des points névralgiques, et les imans appellent le peuple à se soulever pour la liberté. Sous nos yeux ébahis, une grande victoire populaire, spontanée.
Un porte-parole des rebelles annonce l’installation d’un régime démocratique et, bien sûr, laïc. Les gentilles télés nous ont même montré des uniformes en vrac sur une route, signe que les vilains soldats de Kadhafi ont pris la fuite.
Quel changement !
Quatre jours plus tôt, le ton était bien différent. On avait appris que les villes de Brega et Zaouïa, soit-disant acquises à la rébellion depuis des mois, étaient toujours sous contrôle gouvernemental. De tous côtés, c’étaient des témoignages sur des rebelles aussi courageux qu’inorganisés.
Le 28 juillet – pas même un mois – Abdel Fattah Younès, l’ancien ministre de l'Intérieur de Kadhafi, rallié à la rébellion et commandant des troupes rebelles, avait été assassiné. Les divisions profondes du CNT s’étalaient au grand jour, de même que son incapacité à décider quoique ce soit, et son gouvernement avait été dissous. Dans le même temps, Paris, Londres et Washington montraient leurs réticences à poursuivre le financement de cette opération militaire figée.
Et ce soir, badaboum ! Il nous faut saluer une réussite exemplaire. En trois semaines, ce gouvernement a restructuré les troupes, et organisé l’attaque coordonnée de Tripoli, sans base arrière, et avec un débarquement maritime.
Bien gentil celui qui peut croire à cette légende.
La seule réalité est que l’OTAN a dit ça suffit, et a organisé la bataille de Tripoli, sous le joli nom d’opération « sirène ». Il faudra du temps, bien du temps, pour savoir exactement ce qui s’est passé, mais le scénario est trop gros pour que ça passe.
L’action de l’OTAN est parfaitement illégitime. La résolution du Conseil de Sécurité s’inscrivait dans le régime général dit du « devoir de protéger », et n’autorisait ni la présence des troupes au sol, ni le renversement du pouvoir. Le seul but était d’empêcher la commission de crimes de guerre.
Kadhafi était et est un authentique dictateur, acteur revendiqué du terrorisme international, et qui n’a tenu que parce qu’il était assis sur le trésor du pétrole. Le cirque de la libération des infirmières bulgares et l’emballement de la France pour le recevoir, il y a deux ans, restent dans les mémoires.
Aussi, il faudrait beaucoup de bonne volonté pour le défendre, mais ça ne justifie pas tout, et surtout pas cette ingérence militaire, guidée par l’appât du gain.
Bon courage au peuple libyen. Ces terres de grande civilisation ont résisté à bien des épreuves...
Gilles Devers, avocat.
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