L’analyse de Gilles Bellec sur le prix des énergies renouvelables, publiée le 16
août, a suscité plusieurs réponses de lecteurs, en voici deux.
Lecteur assidu de Reporterre, je trouve que la place faite à "Qui paiera pour les énergies
renouvelables ?” est un abus de votre espace de réflexion, dans la
mesure où l’approche de la question économique des énergies renouvelables est
abordée ici dans l’optique d’un économisme néo classique dont vous reconnaîtrez
qu’elle ne brille pas par ses résultats.À tout le moins votre rédaction pourrait mentionner Negawatt ici encore. D’un point de vue purement économique, Sapir a clairement démontré – précisément dans le cas de l’énergie – l’inanité des évaluations intemporelles d’une part et le défaut fondamental de la Théorie de l’équilibre général, en ceci qu’elle ne tient pas compte des phénomènes de raréfaction et d’impact environnemental..
Faire payer l’ensemble de cette surcharge aux riches serait bien sûr tentant – sauf pour eux (et ils détiennent beaucoup de pouvoir) et sauf aussi qu’ils ne sont pas assez nombreux comme le montre l’étude. Pour ma modeste part, je me suis livré à une évaluation grossière mais recoupant plusieurs lectures.
Considérer le nucléaire à coût fixe c’est nier la réalité : l’électricité du nucléaire subira une hausse de 30% si l’on poursuit simplement la voie actuelle alors que cette augmentation serait en effet de l’ordre de 50% pour en sortir.
Evidemment le raisonnement vaut encore plus pour les énergies fossiles. Nous payons bien une assurance pour les risques automobiles, pourquoi ne pas considérer que 20 ou 30 euros par mois nous épargneraient les risques du nucléaire... et ceux liés à l’approvisionnement de nos énergies à partir de pays sous tension ?
Quant à différer la sortie des énergies carbonées, c’est accroître dramatiquement non seulement les conséquences mais aussi les coûts directs de l’effet CO2. Cette transition aurait un coût que beaucoup d’experts situent sur 40 ans pour la France à un niveau de d’ordre de 1000 milliards environ – moyennant quoi nous mettons fin à l’importation des énergies fossiles (60 milliards par an).
Toute la question est de savoir comment produire cette énergie, avec quel niveau de décentralisation – pistes qu’explore avec brio Rifkin dans son livre sur La troisième révolution industrielle.
Bref, prendre ses sources auprès de l’excellent quotidien Les Echos n’est pas la garantie d’une approche économique très visionnaire. Il est regrettable de tourner en rond autour de la nécessaire et courageuse décision d’une transition énergétique. Il est essentiel de commencer à poser clairement le débat devant les citoyens sans rien cacher des temps à venir qui seront moins riches monétairement – raison de plus pour en faire des temps de démocratie, de justice, de courage et de solidarité mondiale. Tim Jackson, avec La prospérité sans croissance complète cette approche des limites et rappelle que le monde a surtout besoin de repenser un projet de société dans ce sens.
En un mot : cessons de conduire l’œil rivé sur le rétroviseur.
Xavier Cholin :
Incroyable proposition de Gilles Bellec : faire payer le nucléaire par tous et les EnR par les seuls volontaires !
Cela fait 50 ans que nos impôts permettent d’imposer, sans le moindre contrôle démocratique, une énergie à très haut risque et il ne trouve rien à y redire.
Par contre les bénéfices pour l’ensemble de la société qu’apportent les EnR (moins de pollution, moins de maladies liées aux pollutions, moins de risques de conflits, ressources préserves...) devraient être supportés par quelques volontaires !
Il oublie (volontairement ?) plusieurs aspects de la problématique du prix de l’électricité :
- Le nucléaire a une courbe d’apprentissage négative et EdF réclame au moins 30% de hausse rapide [des tarifs], alors même que tout son développement a été financé par l’impôt et que c’est encore largement le cas de son aval (le traitement des déchets sur des dizaines de milliers d’années) ;
- Les EnR ont à l’inverse une courbe d’apprentissage très positive
- Le financement par le consommateur plutôt que par le contribuable a un intérêt majeur pour la société et la planète qui est celui de pousser à la sobriété et à l’efficacité énergétique.
Une solution se dessine pour éviter que le prix ne pèse sur les plus faibles et n’augmente la précarité énergétique : le tarif progressif de l’électricité. En effet aujourd’hui plus on consomme, moins on paie ! Demain, le gouvernement s’y est engagé, les kWh "essentiels" seront bon marché, les kWh superflus (et ils sont aujourd’hui de loin les plus nombreux) seront de plus en plus chers. Alors le terme "volontaire" de Gilles Bellec désignera les adeptes de l’ébriété énergétique, et je serai d’accord avec lui : à eux de payer !
Un prix c’est le produit d’une quantité par un prix unitaire ; pour diminuer le prix il est possible d’agir sur chacun des 2 termes...
N’oublions donc pas l’essentiel pour un avenir énergétique radieux : il faut drastiquement diminuer notre consommation par l’arrêt de l’ébriété énergétique et une amélioration de l’efficacité énergétique. J’ai bien dit diminution de consommation, cela ne signifie pas diminution du service énergétique (en tout cas de celui dont on a réellement besoin...). Alors le coût ne sera plus un problème
Source : Courriels à Reporterre
Image : Chronique ONU

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