
La Boétie, Discours de la servitude volontaire.
Vu du Maghreb, l’emballement des Français pour le produit Made in USA
teinté d’une prétention « culturelle »
grotesque, risque de provoquer chez certains, fascinés par la
culture française légendaire, incompréhension, indignation et sarcasme.
D’autres moins « exposés » à la grandeur de cette
culture, n’ont vraiment aucune opinion, étant trempés dans la même
soupe : américanisation, globalisation, acculturation etc. etc.
Pendant
que ces Maghrébins apprennent et chérissent encore la culture
française, certains Français préfèrent mimer des Américains
égocentriques qui moquent et sapent tout ce qui n’est pas américain.
Les Français qu’on rencontre dans les « Centres et Instituts culturels français » au Maghreb, sont souvent une caricature du
soi-disant « rêve américain », qui n’existe d’ailleurs que sur écran. Et je ne parle pas des « touristes » et des autres…
Mais il
y a la France et la France. Des Français et des Français. Il y a la
France imbécile et aveugle et la France intelligente. Des
Français mesquins et des Français d’une grandeur remarquable. Je
m’insurge pour la France intelligente et les Français intelligents.
Intelligents et généreux.
I- Mens sana in corpore
sano…
Mens sana in corpore sano, « un esprit sain dans un corps sain », est une citation extraite de la dixième
Satire du poète satirique latin Juvénal.
J’ai
trouvé malheureux pour ne pas dire scandaleux, qu’un pays comme la
France, considéré comme le pays de la Gastronomie et de la
restauration, soit classé par une récente étude [1]
au deuxième rang des amateurs de burgers américains en Europe.
Scandaleux et dangereux, si on connait les
conséquences de cette
« malbouffe » et de cette « culture » de la société de consommation,
qui n’est qu’un malin euphémisme pour ne pas dire la société de
consommation américanisée.
Avant la sortie fracassante et ensanglantée [2]
du dernier Batman « The Dark Knight Rises », l’autre film ou connerie nationaliste américaine The
Avengers, a semble-t-il, dépassé tous les autres films en terme d'entrées en France.
Ni rire, ni pleurer. Comprendre…
Rien de
choquant pour les gardiens du temple du divertissement. Le
divertissement est nécessaire, oui, je sais. Mais un divertissement
produit de la société et de sa propre culture. Comme l’explique
Edgar Morin, le rôle du cinéma par exemple, est essentiellement culturel
au sens ethnographique [3]
du terme, car il diffuse des mythes, des valeurs et des modèles.[4]
Mais voilà que le divertissement et le cinéma, depuis papa Zukor et David Sarnoff [5],
comme dirait l’écrivain soviétique Ilhya Ehrenbourg [6],
sont dominés par le Made in USA. Par des mythes, des valeurs et des modèles américains.
La culture américaine et donc son produit de divertissement [7],
sont dominés par le nationalisme, le messianisme et la folie de la
droite chrétienne américaine. Les exceptions, sont l’œuvre de penseurs
et d’artistes qui ont quitté leur pays une seule fois au
moins, découvrant et bénéficiant ainsi des bienfaits du
multiculturalisme.
Faut-il un autre fiasco Madonna pour que le public français comprenne que le Show made in America est en train
d’agoniser ?
En ces
temps de crise, alors que son spectacle est annoncé comme un événement
exceptionnel, la place a coûté entre 90 et 276 euros
pour un show à l'Olympia qui n'a duré que 45 minutes.
Ainsi,
si on fait le calcul, le Français lambda a payé 2 euros la minute, et le
VIP plus de 6 euros la minute pour cet « appât de la
servitude ». La servitude aux mythes, aux valeurs et aux modèles
américains.
J’avoue ne pas comprendre la « culture » de ces Français. Une « culture supérieure », à en croire Claude Guéant,
François Fillon et l’autre… Henri Guaino. Ces « leaders» américanisés
qui flattent le cheval français dès sa naissance pour l'habituer à servir, comme dénoncerait La Boétie.
III- L’homme fasciné et l’homme raisonnable
J’avais, autrefois, travaillé sur les questions de l’informatique, de l’informatisation du risque [8]
et de la vie privée. L’ouvrage d’André VITALIS [9],
à l’époque, m’avait été d’un grand secours et l’ouvrage de Michel SERRES [10]
d’une
grande inspiration. Il était question de la tentation et de l’influence
de cette technologie sur l’homme fasciné et l’homme
raisonnable.
L’accès gratuit aux articles du philosophe Manuel de Diéguez sur « L'avenir intellectuel et politique de l'Europe face à l'Empire américain », m’avait permis par la suite, de
comprendre la trame de la question motrice et d’affiner ainsi mes idées.
Aplatis,
l’Europe et les Européens s’auto-sodomisent et s’auto-ridiculisent en
évoquant et célébrant paresseusement et docilement
devant les Américains « Nos racines et valeurs judéo-chrétiennes communes ».
Des
racines et des valeurs qui coûtent 6 euros la minute !
[1]
Une étude du cabinet NPD
[2]
Lors d'une avant-première du film "Batman : The Dark Knight Rises", une fusillade dans une banlieue de Denver (Colorado,
Etats-Unis) a fait au moins 12 morts et 58 blessés.
[3]Ethnographique :
qui se rapporte à l’étude des divers groupes humains (ethnies),
de leurs caractères anatomiques, biologiques, sociaux etc.
[4]
Edgar Morin, « le rôle du cinéma », Revue Esprit, Juin 1960
[5]Zukor
est l'un des co-fondateurs de la Paramount Pictures.
David Sarnoff est un
producteur et homme d'affaires américain, pionnier dans la radio et la télévision commerciale.
[6]
Cf. Ilhya Ehrenbourg, Usine à rêves, traduit du russe par Madeleine Etard, Gallimard.
[7]
Monté et vendu par des entreprises américaines.
[8]
Scoring, centrales positives et négatives etc.
[9]
André VITALIS, Informatique, pouvoir et libertés. Economica. Paris 1981
[10]
Michel SERRES, Hermès III, la traduction, Éditions de Minuit, Paris 1974
© Photo An American flag unfurled near the Eiffel Tower,
Associated Press
© Photo Batman assassin, la Une pour cette semaine de Télérama
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