C’est une sentence cinglante qui a été infligée aux
Etats-Unis d’Amérique et aux Nations Unies par le Tribunal Russell sur la
Palestine, à New York.

Le Tribunal Russell sur la Palestine est un tribunal
d’opinion, sur le modèle de celui institué par Bertrand Russell lui-même avec
Jean-Paul Sartre à propos de la guerre du Vietnam. Il est composé de citoyens du
monde connus pour leur engagement moral pour les droits humains et pour la
justice et la paix (1). La quatrième session du TRP s’est tenue à New York les 6
et 7 octobre 2012.
L’impunité dont bénéficie Israël, cette « politique des deux
poids deux mesures » qui révolte nombre d’Etats et de citoyens dans le monde
entier, discrédite le système entier des Nations Unies, censé assurer la paix et
la justice mondiale.
Une aide militaire colossale
Cette complicité n’étonne évidemment pas de la part des
Etats-Unis, protecteurs de l’Etat d’Israël (en violation de ses propres lois) et
surtout de l’industrie de l’armement qui transforme ce petit Etat en monstre
surarmé et en puissance nucléaire au service des intérêts stratégiques
américains au Proche-Orient. Les routes du pétrole sont proches. Et puis, il
fallait au début contenir l’influence soviétique notamment dans l’Egypte de
Nasser et ensuite la montée d’un islamisme contestant les dictatures arabes
mises en place par les grandes puissances. Dictatures corrompues qui ont laissé
dans la plus grande pauvreté des masses populaires ne trouvant plus que dans les
structures religieuses l’aide nécessaire à leur survie. Le célèbre activiste
américain Noam Chomsky a présenté au tribunal sa lecture incisive de l’histoire
des relations israélo-américaines.
Une politique du nettoyage ethnique
Israël n’est pas le modèle démocratique que sa propagande
veut laisser croire. C’est ce qu’a démontré devant le TRP l’historien israélien
Ilan Pappé analysant l’impact du sionisme sur la société israélienne et qui a
institué le judaïsme comme nationalisme ainsi qu’une mythologie présentant le
Palestinien comme un agent étranger occupant une terre qui était celle des Juifs
dans l’antiquité. Le Palestinien est présenté comme une menace démographique à
supprimer par le nettoyage ethnique, comme un éternel responsable de ce qui lui
arrive : il n’avait qu’à accepter de se laisser déposséder de ses terres, de sa
culture ainsi que le prévoyaient les Nations Unies en créant l’Etat d’Israël. Le
problème est que le nettoyage ethnique avait commencé avant la résolution des
Nations Unies fixant les territoires respectifs des uns et des autres ! Et ce
nettoyage ethnique, reconnu pourtant comme crime contre l’humanité, se poursuit
depuis plus de 60 ans dans le silence assourdissant de la communauté
internationale, paralysée par les vétos successifs des Etats-Unis aux Nations
Unies.
La paralysie des Nations Unies
C’est bien cela qui était au cœur des travaux du Tribunal
Russell sur la Palestine. Les analyses juridiques très fouillées, les
témoignages les plus poignants ont mené à cette tragique conclusion : la
colossale aide économique et militaire des Etats-Unis à Israël lui permet de
poursuivre sa politique d’occupation des terres palestiniennes, d’oppression, de
discrimination, d’emprisonnement, de mort lente du peuple palestinien. La Cour
Internationale de Justice a détaillé tout cela dans son avis sur le Mur, datant
de 2004. Et cela n’a pas été suivi d’effet par les Nations Unies, à savoir par
les gouvernements des Etats membres. La moindre tentative de s’opposer à ces
crimes contre l’humanité est bloquée par un véto étatsunien. De plus, ce pays
menace les gouvernements et les agences des Nations Unies qui oseraient
s’opposer à lui de restrictions d’aides et de budget. Cependant, les Nations
Unies sont tenues d’assurer l’aide humanitaire, indispensable à la survie de
millions de Palestiniens, réfugiés dans leurs « bantoustans » dont le plus grand
est la Bande de Gaza, véritable prison à ciel ouvert. Elles paient ainsi le prix
de l’occupation et de la colonisation illégale des terres palestiniennes sans
mesures de rétorsion contre l’occupant. Cela fut aussi dénoncé au tribunal par
un ancien commissaire des Nations Unies, Peter Hansen, et par des juristes
spécialisés dans le droit humanitaire et celui des réfugiés.
La révolte des citoyens du monde
Conclusion du Tribunal Russell sur la Palestine: devant cette
paralysie des instances internationales, une mobilisation plus importante encore
de l’opinion publique, des médias, des réseaux sociaux est indispensable, la
campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanction) en est un exemple
remarquable.
Un autre moyen de pression consiste à porter plainte contre
ces violations des droits des Palestiniens devant les juridictions pénales
nationales. Plus urgent encore serait une plainte du Conseil de sécurité devant
la Cour Pénale Internationale ou l’acceptation par cette Cour d’une plainte du
gouvernement palestinien qui a accepté sa compétence. Tout cela est
juridiquement possible mais bloqué politiquement.
Le TRP souligne donc qu’il faut impérativement réformer le
fonctionnement du Conseil de sécurité pour supprimer le système de véto,
foncièrement antidémocratique car symbole de la loi du plus fort. Ou alors, il
faut que l’assemblée générale des Nations Unies décide d’élargir le nombre de
membres de ce conseil dans l’espoir d’une démocratisation accrue. Cela
correspondrait à l’évolution actuelle des rapports de forces : l’Empire US est
vacillant, des pays puissants émergent, comme la Chine, l’Inde, le Brésil à côté
de la Russie. Un monde multipolaire qui succède au bipolaire du temps de la
guerre froide et à l’empire US en déclin actuellement.
Les Nations Unies
redeviendraient alors les protecteurs des peuples, ainsi qu’il est précisé dans
sa Charte fondatrice et spécialement des plus faibles. Voilà pourquoi le
problème palestinien est exemplaire : il représente un défi pour la démocratie
mondiale telle que voulue par de plus en plus de citoyens du monde. Le défi de
la justice et de la paix.
Gabrielle Lefèvre - Journaliste -
Notes
(1) Les membres du jury de la session de New York :
Michael Mansfield (avocat GB), Alice Walker (écrivaine US), John Dugard (juriste
sur-africain et ancien rapporteur des N.U. sur les Droits de l’Homme dans les
territoires palestiniens), Stéphane Hessel (ambassadeur de France et président
honoraire du TRP), Dennis Banks (défenseur des droits des « natives »
américains), Roger Waters (musicien US, cofondateur du groupe Pink Floyd),
Mairead Corrigan Maguire (Irlande du Nord, Prix Nobel de la Paix), Angela Davis
(activiste politique US, enseignante universitaire), Miguel Angel Estrella
(pianiste argentin et ambassadeur à l’Unesco), Cynthia McKinney (ancienne membre
du Congrès US et membre du Parti Vert),Ronald Kasrils (écrivain sud-africain,
politicien et activiste).
L’enregistrement des quatre sessions du Tribunal Russell
sur la Palestine est visible sur le site www.russelltribunalonpalestine.com
© 2012 Association
belgo-palestinienne
Source : ABPhttp://www.association-belgo-palestinienne.be/... |
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