Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République Française et à son
Ministre des Affaires Etrangères.
Merci de bien vouloir diffuser.
Monsieur le Président de la République Française,
Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères,
Merci de bien vouloir diffuser.
Monsieur le Président de la République Française,
Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères,
À l’image de nombreux syriens, je me retrouve père d’une victime de la guerre
qui se déroule dans notre pays. Pascale avait vingt ans lorsque le 9 octobre
dernier, le bus public qui la conduisait fut l’objet d’une attaque dans laquelle
elle périt, assassinée par une bande armée reconnue comme faisant partie de
l’Armée Syrienne « Libre » que vous soutenez, encouragez et alimentez depuis le
début du mouvement.
Des raisons d’Etat vous poussent peut-être à prendre position en faveur de
l’Armée Syrienne «Libre» (ASL) mais ne clamez surtout pas que c’est pour
libérer le peuple syrien de la dictature. Le régime syrien actuel et son
appareil politique n’est pas tendre, nous le savons depuis longtemps, mais les
«bandes» de l’ASL associent également l’arbitraire à la brutalité ; ce
mouvement porte en lui les germes d’une nouvelle dictature qui nous fera
certainement regretter la précédente.
Sous des slogans généreux de liberté, de démocratie et de participation au
pouvoir, vous avez, avec vos alliés, encouragé l’introduction sur notre
territoire de groupes extrémistes, salafistes et autres éléments de la mouvance
d’Al Qaïda qui viennent tuer et se faire tuer chez nous en détruisant ce qu’ils
peuvent sur leur chemin ; pourquoi donc nous les avoir envoyés ? Les Occidentaux
n’auraient-ils plus assez de courage pour les affronter eux-mêmes ? Si votre but
est d’anéantir la Syrie pour protéger Israël, croyez vous vraiment que réduire
le peuple syrien à la ruine et la misère va le pacifier et sécuriser
Israël ?
Vos prédécesseurs, y compris les révolutionnaires de 1789 ont toujours
apporté soutien et protection aux minorités chrétiennes de Syrie et d’Orient.
Aujourd’hui vos prises de position ont un effet contraire et aboutissent à leur
éradication. Croyez-vous en éradiquant les chrétiens apporter la
civilisation ?
Qu’il est étonnant de constater comment en peu de temps, la politique
française a réussi à nous faire douter du sens de sa révolution et de son
emblème : « liberté, égalité, fraternité » ! En Syrie, votre politique, au sens
de la pratique du pouvoir, a introduit l’arbitraire ; nous pouvons la résumer
par un autre slogan : liberté et égalité en Syrie, oligarchie et privilèges au
Qatar. Quant à la fraternité, elle régnait chez nous au sein du peuple et voilà
que vous avez encouragé la guerre confessionnelle fermant les yeux sur les
discriminations flagrantes qui se pratiquent dans d’autres pays arabes notamment
en Arabie-Saoudite.
On nous dit que le Christianisme n’a plus cours dans votre pays, mais l’on ne
voit guère apparaître une philosophie plus généreuse et plus cultivée que la
religion qui a bâtit les cathédrales. En quelques mois, vous êtes parvenus avec
vos alliés à transformer la fraternité islamo-chrétienne syrienne, que l’on doit
à ces deux religions, en une guerre presque confessionnelle. Et pourtant, cette
entente, est la garante d’un islam tolérant qui aurait pu se répandre dans le
monde.
En échange, la guerre que nous vivons, par la volonté de l’ASL et de ses
alliés semble transformer la coexistence en hostilité qui se répandra dans le
monde avec une plus grande élasticité que l’entente. Soyez-en presque certains,
les troubles que nous vivons actuellement, vous allez les vivre bientôt.
Qu’entend-on dans les rues d‘Alep ? « Après la Syrie, l’Europe ».
L’islam modéré est très fragile car le prophète met en garde les musulmans
contre une alliance avec des non-musulmans pour s’opposer à des musulmans. En
laissant proliférer l’islam intégriste vous fragilisez encore plus, les
musulmans modérés. Vous jouez même contre-eux. L’islam intégriste a toujours le
dernier mot car les modérés sont faibles et paralysés par les versets du coran
dans la lutte contre les extrémistes.
Le proverbe arabe dit : «Qui prépare un repas vénéneux est le premier à
mourir car il doit le goûter» ; le proverbe français ne dit-il pas "Bien mal
acquis ne profite jamais" ? Les Etats-Unis ont créé Ben Laden, ils ont eu le 11
Septembre.
Certes, bien des raisons inviteraient les chrétiens syriens à se distancer de
l’appareil du régime syrien actuel, mais je puis vous dire que nous, syriens
chrétiens, nous ne voyons guère de raisons de détruire notre pays et de laisser
tuer nos enfants pour passer d’une corruption à une autre qui serait tout
simplement au service d’autres intérêts.
Mieux vaut garder la politique que nous tenons plutôt que d’en suivre une
autre que nous ne pressentons guère meilleure. Votre politique n’est rien
d’autre qu’un encouragement à l’installation d’un Etat confessionnel en Syrie
avec adoption de la loi coranique. Le Président Mursi, membre des frères
musulmans, à l’instar de ceux qui sont promis en Syrie, n’a-t-il pas exprimé son
intention d’imposer la « Charia » même aux Chrétiens d’Egypte ? Lorsque nous
l’aurons chez nous, grâce à vous, il n’y aura plus qu’à vous la souhaiter et la
souhaiter à vos femmes.
Pourquoi cette lettre ouverte d’un père atteint dans ce qu’il a de plus
cher ? Est-ce pour exprimer un cœur meurtri par le chagrin ou bien pour que
cette meurtrissure clame tout haut ce qu’un cœur tiède et indifférent est
incapable de suggérer ?
Monsieur le Président de la République Française, Monsieur le Ministre des
Affaires Etrangères, admettez que je vous invite à une réorientation de votre
politique pour en déployer une plus courageuse et plus virile.
Admettez que mon invitation soit une supplication mais ne restez pas plus
longtemps des suppliés. Au nom de la liberté et de ce qu’il en reste, au nom de
l’égalité et de ce qu’on en a fait et au nom de la fraternité humaine réduite en
miettes, je vous supplie, avec des milliers de proches, d’arrêter de soutenir et
de financer ces bandes armées qui proclament que votre tour arrive après le
nôtre.
Ayez pitié de familles blessées et désarmées, des familles en deuil, des
familles qui n’ont plus de toits, des jeunes par centaines de milliers qui n’ont
plus d’espoir.
Avez-vous vu comment Alep, la cité ancienne est devenue une ville fantôme ?
Vous êtes-vous seulement imaginé Paris, ville fantôme, où des centaines de
milliers de familles françaises cherchent refuge pour éviter les tirs et les
obus de l’arbitraire, du fanatisme et de la brutalité ?
Vos alliés sur place se sont acharnés sur Alep avec ses bazars qui ont
alimenté l’Europe durant des siècles ; ils se sont attaqués à des ruines. La
basilique Saint-Siméon entourant la colonne du célèbre stylite l’ancien, est
désormais une ruine de ruines. Des dizaines d’Eglises, des Mosquées, des usines,
des écoles, des universités ont été la cible de leurs tirs et que dire des
trésors archéologiques qui sont volés et dispersés pour nous apporter la
démocratie !
Nous vous en supplions, Monsieur le Président de la République Française,
Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères de la République Française, cessez
votre soutien aux éléments armés qui n’obéissent à aucune loi et revenez à ce
qui a fait la gloire de la France.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République Française,
Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères de la République Française,
l’expression de ma très haute considération.
Claude ZEREZ - dimanche 14 octobre 2012 -
Père de Pascale décédée à Homs à l’âge de 20 ans le 9 octobre
2012.
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