Serge Grossvak
Monsieur le Président de la République, je
remets entre vos mains qui peuvent tant une demande pour des humains qui n’en
peuvent plus.
Monsieur le Président, j’ai reçu un message par
internet de mon ami Ziad Medhouk. Mon ami qui demeure à Gaza. Mon ami poète et
brillant enseignant de français. Mon ami sous les bombes, cette fois encore, et
encore, et toujours. Mon ami enfermé et sans pays, ailleurs qu’en son
cœur.
Monsieur le Président, ce soir j’ai reçu un
e-mail de mon ami. Un e-mail terrible, un e-mail horrible. Il me dit que
l’immeuble qui jouxte le sien a été soufflé par les bombes. Il me dit que, lui
qui ne pleure jamais, pleure aujourd’hui les larmes de son corps. Il me dit que
dans cet immeuble de 5 étages qui n’existe plus vivait la famille Dalou. Dans
cette immeuble pulvérisé, 12 morts, 12 cadavres, 12 horreurs. Et une montagne de
larmes et de souffrances. Et le regard sans âme d’une barbarie méprisante…
Monsieur le Président, vous n’avez pas le
temps, je ne vous parlerai pas des blessés, pas des angoisses, pas des deuils
impossibles, pas même de tous ces morts. Je vous parlerai des enfants, juste des
enfants… Vous aurez bien un tout petit peu de temps, pour des enfants, pour ces
obscures enfants entrés dans la mort. Il est important que vous pensiez à eux,
eux pour qui il est trop tard. Pour eux vous ne pouvez plus rien. Puis vous
pensez aux autres, envers qui vous pouvez tant.
Monsieur le Président, j’ai vu ces enfants, ces
enfants sortis des photos, sortis de ce trou et des gravats souvenir de ce qui
fut un immeuble de vie. Je vois ce sauveteur, ce voisin, ce parent ( ?) sortant
ce petit corps pantelant. Sur une autre photo je vois un brancard, un pauvre
brancard tout petit où sont posés collés l’un à l’autre ces corps minuscules,
comme endormis, comme se touchant l’un l’autre pour se rassurer, comme pour se
dire que ce n’est que la mort.
Monsieur le Président, ne me dites pas que vous
ne pouvez rien. Que vous compatissez mais ne pouvez rien.
Monsieur le Président, je dois aussi vous
parler de Nathan Blanc. Il a 19 ans et demeurait à Haifa. Il est israélien.
Aujourd’hui il demeure en prison. Nathan n’avait pas connaissance de ce
témoignage de Ziad, mais il savait ce qui était en train d’advenir. Nathan a eu
le courage de dire non, au prix de la prison.
Monsieur le Président, vous ne pouvez pas
abandonner Nathan, ce tout jeune pacifiste israélien, et dans le même mouvement
tourner le dos à mes amis israéliens, juifs comme moi, qui ont le courage
d’affronter cette folie guerrière. Au nom de mon pays la France, au nom de ce
pays qu’ont rejoint mes grand parents avec un énorme espoir de liberté et de
dignité vous devez vous engager, clairement, fermement. Monsieur le Président,
les pacifistes israéliens attendent de nous, les pacifistes palestiniens
attendent de nous. N’abandonnez pas au désespoir Leïla Shahid
confrontée au mur colonial.
Après l’horrible opération « plomb durci » qui
avait vu le massacre d’un habitant sur 1000, 5 sur 1000 blessés, le « crime de
guerre voire contre l’humanité » avait été évoqué. Et puis rien. Et puis le
silence. Et puis pas de Tribunal. Alors, alors ça recommence, cette danse
macabre des êtres sans conscience, sans dignité, sans humanité. Monsieur le
Président, les silences, les lâchetés, libèrent les bêtes sauvages. Monsieur le
Président, le silence est un crime de lâcheté. Simplement appeler à « de la
retenue » est un silence, une fuite devant les responsabilités.
Monsieur le Président, vous pouvez tant pour
mettre fin à cette horreur. Vous pouvez clamer que la France ne se taira plus,
que ça suffit. Vous pouvez affirmer l’engagement de la France pour l’application
du Droit International, sans faiblesse, pour que la Palestine entre à l’ONU,
pour que les frontières intégrales de 67 soient reconnues et imposées.
Vous pouvez, Monsieur le Président, appeler à
la convocation du Tribunal International que ceux qui commettent ces morts
répondent de leurs actes.
Monsieur le Président, la paix demande du
courage. La paix demande de la détermination. La paix demande du Droit. En vous
honorant d’œuvrer pour le Droit vous défendrez la vie, vous porterez la place et
l’histoire de notre pays.
Serge Grossvak
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