Cette
question est aujourd’hui posée comme une évidence, un passage obligé, un
impératif économique catégorique.
Ce qui sont pour l’affichent clairement. Ceux
qui sont contre prennent des chemins
tortueux, et pas évidents à suivre pour exprimer une idée dont on n’est pas
toujours sûr qu’elle soit claire.
Avant d’aller plus loin quelques rappels
utiles.
Travail et force de travail
Parler de coût du travail est en fait un abus de
langage. En effet, le travail ne coûte pas… l’activité travail crée la valeur… et
ceci quel que soit le système
économique.
Ce qui « coûte », c’est ce qui effectue ce travail, c'est-à-dire celle ou celui qui travaille. Et quel
est son coût ? Ce dont il a besoin pour exister en tant que producteur de
valeur… autrement dit travailler et vivre socialement..
Dans le système de l’esclavage, le maître est tenu
d’entretenir son esclave, dans le système féodal, le serf se débrouille seul, ou
en communauté, et doit une partie de sa production au seigneur qui le
« protège ». Dans le cas du salariat,
si le chef d’entreprise veut une force de travail, il va la louer sur le marché
dit « du travail »,… en fait de la force
de travail.
Le salaire est à la fois le coût que doit supporter l’employeur pour
disposer d’une force de travail dont il a besoin pour son entreprise, mais c’est
aussi un revenu, indispensable pour
le salarié pour assurer sa subsistance.
La force de
travail, et non le travail, est
donc une marchandise. Valeur d’usage pour l’employeur qu’il la
paie à sa valeur et la consomme. Valeur
d’échange pour le salarié qui, en échange de sa force, acquière les moyens
de sa subsistance.
Le marché
de la force de travail apparaît comme parfaitement équitable. Le contrat de travail entérine l’accord
entre l’employeur et le salarié. L’usufruit de l’utilisation de la force de
travail est le profit, propriété de
l’acheteur de la force.
Sauf que… l’employeur a tendance à « louer » le moins
cher possible cette force de travail, et le salarié, la céder le plus cher
possible.
Les luttes des salariés pour améliorer leurs
conditions de rémunération : salaire minimum, conventions collectives,
limitation de la durée du travail, surpaiement des heures supplémentaires,
charges patronales,… sont des conquêtes importantes qui ont fait perdre de vue
l’essentiel – et qui réapparaît aujourd’hui –
Revenons maintenant à la question
initiale.
Faut-il réduire le "coût du travail" ?
On comprendra qu’il faut entendre, en fait, le « coût de la force de travail ».
Pour l’employeur c’est une évidence. D’ailleurs
l’essentiel des conflits depuis que le salariat existe porte sur cette
question : si, à la limite, le chef
d’entreprise pouvait se passer totalement de salariés, il n’hésiterait pas une
seconde. Or, cela il ne le peut pas, simplement parce que c’est le travail, et lui seul, qui crée la
valeur. Notons que même, le capital technique (les machines), n’est
socialement, qu’un produit du
travail. Autrement dit, seul le
travail est créateur de valeur.
Le problème, si l’on peut dire, c’est que le progrès technique, rend de plus en plus
efficace l’acte de travail au point que l’on a besoin de moins en moins de force
de travail pour produire,… et que celle que l’on utilise doit être, d’abord
déqualifiée, puis du fait de l’automatisation généralisée, de plus en plus
qualifiée.
On comprend donc la logique de l’employeur qui, entre
financer un progrès technique qui accroîtra sa productivité, donc sa capacité de
concurrence, et continuer à payer des salaires… a vite fait le choix.
S’ils ne peuvent pas, l’employeur, et l’Etat garant
de ce système, pour des raisons de paix
sociale, licencier massivement et ne garder qu’un petit nombre de salariés, ils
vont donc être obligé d’agir sur le niveau des salaires.
Or, nous l’avons vu, le salaire est la valeur d’échange de la marchandise force de travail. C’est lui qui assure la subsistance et
l’existence du salarié.
Inutile de détailler les conséquences de la réduction
du salaire pour le salarié.
On peut objecter qu’une diminution des salaires
directement, ou indirectement (réduction de la contribution sociale des
entreprises qui obligera les salariés à compenser), entraînant, dans tous les
cas, une baisse de pouvoir d’achat, va porter atteinte à l’intérêt de ces mêmes
entreprises… les consommateurs étant les salariés.
Ceci est vrai, ou plutôt était vrai, lorsque nous
fabriquions l’essentiel des produits manufacturés que nous consommions. Or ce ne
plus tout à fait le cas aujourd’hui. Beaucoup de produits manufacturés sont des
produits d’importation… Une politique de la demande relancerait
donc les importations, aggravant le déséquilibre de la balance commerciale, tout
en accroissant les coûts de production intérieurs, faisant baisser la
compétitivité des produits intérieurs et exportables.
C’est donc tout à fait logiquement que le MEDEF et le
gouvernement optent pour une politique de l’offre (réduction des
coûts de production, relance de l’investissement, allègement des charges des
entreprises) qui ne dit pas son nom.
Le problème à résoudre est : comment faire passer une telle politique de
manière indolore ?
« Pacte » ou « choc » de compétitivité ?
Les mots ont leur importance car, à défaut d’innover
en matière de politique économique-« tendance austérité », les différences se
font plus sur la forme que sur le fond.
Pour la Droite, ce n’est pas compliqué, elle assume
parfaitement. Pour la Gauche c’est, en principe et politiquement, plus délicat
car, traditionnellement elle opte pour une politique de la demande ; or, nous
venons de le voir, celle-ci ne fonctionne plus dans le cadre du capitalisme
mondialisé actuel. Il faut donc, cette fois, sans faux semblants, assurer, et
assumer, un total changement d’orientation.
Pour ce faire, rien de tel qu’un « bon rapport », fait par un « expert compétent » qui explique en long
et en large qu’il n’y a pas d’autres solutions.
La mesure phare du dispositif actuel – suite au
rapport Gallois - résume bien la problématique économique du
Gouvernement.
« Crédit
d’impôts » plutôt que « réduction des
charges sociales » des entreprises (préconisée par le rapport ). Pas de différence sur le
fond, mais le « crédit d’impôt » donne moins l’impression d’un cadeau aux
entreprises. Au total ceci équivaut à une baisse de 6% du « coût du travail ».
On ne touche donc pas directement, par cette mesure, au niveau des salaires.
Dans les faits, ce dispositif est financé par une hausse modulée de la TVA (que
le PS avait juré ne pas toucher), ce qui porte atteinte au pouvoir d’achat des salariés et
chômeurs.
Pour en revenir à nos concepts de départ, la valeur
de la force de travail est
indirectement dévalorisée, non pas au niveau du salaire (sa valeur), mais du fait de la
réduction du pouvoir d’achat de ce
salaire. Nous avons ici une baisse implicite déguisée du salaire. De la
rémunération du capital (dividendes) il n’en ai nullement question et pour
cause… gestion du système oblige !
La cerise sur
le gâteau est incontestablement la mesure qui consiste à « introduire des représentants des salariés
dans les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises de plus de
5000 salariés ». Mesure qui va aboutir à une cogestion du système, autrement dit à
faire assumer – cas de l’Allemagne – par les salariés les contraintes imposées
par un système dont ils sont les principales victimes.
Le rapport social salarial demeure, la force de
travail demeure une marchandise, l’intérêt du système passe par la domination
des banques, de la finance, le pouvoir réel est toujours entre les mains des
actionnaires,… et les salariés vont être conviés à accepter les mesures de
limitation des salaires, précarisation de l’emploi, réduction de leur protection
sociale et tout cela au nom de… la défense de leur emploi
( ?).
S’il y a un « vrai changement maintenant », c’est
celui de l’adhésion parfaite, par le Gouvernement socialo-écologiste, et sans réserve, aux
règles du libéralisme économique. Désormais, la boucle est
bouclée.
Patrick Mignard
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