Dans quelques jours, il y aura 25 ans que la plus grande catastrophe industrielle de l’Histoire a eu lieu en Ukraine, entraînant une contamination radioactive irréversible d’une large partie de l’hémisphère Nord. L’accident du 11 mars 2011 qui a mis hors de contrôle 4 réacteurs nucléaires à Fukushima (Japon) risque bien de s’avérer par l’ampleur de ses conséquences humaines et écologiques, plus catastrophique encore que celui de Tchernobyl.
Ces catastrophes étaient prévisibles ; un sérieux avertissement avait été l’accident de Three Miles Island en 1979, aux Etats-Unis, le pays qui a vu naître l’industrie nucléaire dite pacifique. Le fait que les conséquences humaines de Three Miles Island aient été limitées, du moins en apparence, a pu entretenir l’illusion que les ingénieurs du nucléaire et les scientifiques concernés pouvaient garantir une maîtrise suffisante de la technologie pour que nous puissions vivre avec le nucléaire.
La catastrophe de Tchernobyl a ouvert les yeux de nombreux
responsables politiques qui ont bien dû admettre qu’une catastrophe
hautement improbable était possible. Le déclin de l’industrie nucléaire
dans le monde s’est concrétisé, faisant suite au coup d’arrêt donné aux
Etats-Unis par la perte de confiance générée en 1979 par les événements
de Three Miles Island.
Mais le lobby nucléaire n’a pas désarmé. Utilisant la pratique
particulièrement efficace de la désinformation, jouant sur l’argument de
la supériorité de la technologie occidentale et sur les prétendus
atouts du nucléaire face au réchauffement climatique, ce lobby,
cautionné par des institutions scientifiques apparemment indépendantes
ont progressivement réussi à réhabiliter le nucléaire comme solution
acceptable des problèmes énergétiques.
Le désastre de Fukushima est le troisième avertissement donné à une
humanité déboussolée. Il n’est pas sûr qu’il soit suffisant pour
convaincre les « responsables politiques » de l’absolue nécessité de se
passer d’une énergie potentiellement aussi dévastatrice.
En Europe, et c’est notamment le cas de la Belgique, plusieurs Etats
nucléarisés ont remis en cause l’option de sortie du nucléaire adoptée
il y a quelques années.
Nous espérons que les faits mis en évidence ci-après seront
suffisamment éclairants pour conscientiser les citoyens et ébranler
définitivement les décideurs.
2. La désinformation se porte toujours bien.
Qu’il s’agisse de Three Miles Island, de Tchernobyl et aujourd’hui
de Fukushima, le souci de protéger l’image de l’industrie nucléaire l’a
systématiquement emporté au point de travestir ou de cacher les faits,
au détriment des populations concernées.
2.1. A Three Miles Island,
la version officielle des événements veut que les rejets radioactifs
aient été très limités et n’aient pas eu d’incidence sur les populations
riveraines. En réalité, le bilan est loin d’avoir été négligeable :
- il y a eu, dans les premières heures qui ont suivi l’accident,
rejet massif (plusieurs millions de curies) de gaz rares radioactifs
(Xénon et Krypton), lesquels n’ont pas été mesurés, vu le désarroi
ambiant ;
- des relâchements périodiques de gaz radioactifs ont eu lieu au
cours des mois qui ont suivi (grandes quantités de krypton 85) ;
- les grands volumes d’eau contaminée présente dans l’enceinte et le
système de refroidissement (respectivement 2 millions et 350 000 litres
avec un taux moyen de contamination de 4 milliards de Bq par litre) ont
fait l’objet de rejets fractionnés étalés dans le temps.
Il est donc incorrect de classer l’accident au niveau 5 de l’échelle
INES comme le font les instances de contrôle internationales.
De plus, une étude portant sur la période 1979-1998, publiée en 2003 met en évidence une augmentation du taux de cancers du sein et
d’affections des tissus lymphatiques et hématopoïétiques en relation
avec le niveau évalué d’exposition aux rayonnements chez les résidents
proches de TMI.
En 1979, les responsables US de la sécurité nucléaire ont rejeté
l’éventualité d’une fusion du cœur du réacteur, laquelle avait pourtant
bien eu lieu.
Citons à ce sujet, Philippe Jamet, commissaire de l’Agence de
sécurité nationale française (ASN) qui s’exprime ainsi en 2006 dans la
Recherche : « Si l’injection de sécurité ne fonctionne pas, le niveau
d’eau dans la cuve va encore baisser, le cœur va se découvrir, le
combustible chauffe, les gaines qui le protègent vont se fissurer
largement et des gaz et des produits de fission vont être émis. Cela
peut aller jusqu’à la fusion du cœur du réacteur. C’est ce qui s’est
passé en 1979 à Three Miles Island, aux Etats-Unis. A l’époque, personne
n’y avait cru. Ce n’est que six ans plus tard, grâce à une sonde
envoyée dans la cuve du réacteur, que l’on a eu la preuve que le cœur
avait bel et bien fondu : il faut se figurer un magma, de la lave à 3000
degrés. Le corium, résultat de la fusion des métaux du cœur et de
l’uranium combustible, avait coulé sur le côté et atteint le fond de la
cuve. Il ne l’a pas traversée, mais on n’en a sans doute pas été très
loin. Les opérateurs de la centrale ont réussi in extremis à sauver le
cœur en injectant tardivement de l’eau. ». En clair, après 6 ans de
désinformation, il a bien fallu reconnaître, très discrètement
d’ailleurs, des faits dérangeants révélant le désarroi des experts face à
des événements imprévus et leur ignorance de scénarios catastrophiques
potentiels.
2.2. À Tchernobyl, en 1986, les autorités
soviétiques ont tout fait pour camoufler l’ampleur du désastre et
empêcher une information correcte de se diffuser. Des ordres ont été
donnés par les responsables politiques à destination du milieu médical
pour refuser tout lien entre certaines pathologies et l’exposition aux
rayonnements, notamment chez les 600 000 liquidateurs. Certains
gouvernements occidentaux n’ont pas été en reste ; le gouvernement
français et les responsables de la sécurité nucléaire du pays ont fait
passer le message d’une protection totale du territoire national contre
tout risque d’irradiation. La cacophonie européenne s’est manifestée en
Belgique par des décisions incohérentes en matière de confinement du
bétail : la Région wallonne considérant le risque de contamination des
herbages comme négligeable, au contraire du gouvernement fédéral qui
recommandait le maintien des bovins à l’étable pendant quelques jours
pour éviter l’ingestion d’iode radioactif.
Au fil des années, les agences internationales ont volontairement
minimisé les conséquences sanitaires de la catastrophe. Les estimations
fournies conjointement par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et
l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) publiées en 2005
font état d’une cinquantaine de morts parmi les liquidateurs et de 4000
décès par cancer dans les trois pays les plus touchés par les retombées
radioactives, soit le Belarus, l’Ukraine et la Russie.
Plus récemment, les mêmes instances ont fini par concéder que
quelques milliers de cas de cancers de la thyroïde ont affecté les
enfants dans les régions les plus contaminées (tout en insistant sur le
fait que le cancer de la thyroïde est le plus souvent curable !).
L’accident aurait selon l’OMS provoqué au total moins de 10 000
morts, le nombre de malades ne dépassant pas 200 000. Ces estimations
sont essentiellement basées sur la modèle de risque internationalement
accepté émanant de la Commission internationale pour la protection
contre les rayonnements ionisants, modèle contredit par de nombreux
faits et remis en question par les études effectuées sur le terrain par
les scientifiques russes, ukrainiens et biélorusses, études totalement
ignorées par les différentes instances internationales.
L’analyse des données relatives à la Biélorussie, à l’Ukraine et à
la région de Russie la plus proche de Tchernobyl montre notamment que
depuis la catastrophe :
la morbidité générale des enfants s’est sensiblement accrue en Biélorussie ;
le
phénomène de vieillissement précoce se manifeste clairement : L’âge
biologique des personnes vivant de manière permanente dans les
territoires contaminés d’Ukraine surpasse l’âge réel de 7 à 9 ans ;
le
syndrome de vieillissement précoce est caractéristique chez les 600 000
liquidateurs qui ont construit le sarcophage de Tchernobyl ; de
nombreuses maladies apparaissent chez eux 10 à 15 ans plus tôt que dans
la population générale ;
les
atteintes génétiques sont clairement mesurables par la détection très
répandue d’aberrations chromosomiques. Les conséquences génétiques de la
catastrophe atteindront des centaines de millions de personnes ;
selon
les experts, près de 1 500 000 personnes sont menacées par une
affection thyroïdienne, le cancer étant la forme la plus grave de ce
type d’affection.
En Biélorussie, l’incidence de toutes les affections cancéreuses a augmenté de 40% entre 1990 et 2000.
Signalons qu’en Europe de l’Ouest, certaines régions sont à ce jour
encore contaminées par la radioactivité notamment au nord de la
Scandinavie, en Allemagne, en Ecosse et en Pologne, au point que
certains produits qui en sont originaires restent impropres à la
consommation (gibier, poisson, champignons), de l’aveu même de la
Commission européenne. Au plan sanitaire, les travaux de Martin Tondel
et al. (5) sur le cancer dans le Nord de la Suède ont montré un
accroissement significatif de 11% du taux de cancer pour une
contamination au Césium 137 de 100kBq/m².
Les travaux du CERI (Comité européen pour le risque de
l’irradiation) publiés en 2003 et mis à jour en 2010 se basent
largement sur les conséquences de Tchernobyl pour remettre en question
le modèle de risque de la CIPR et plus particulièrement l’approche des
risques dus à la contamination interne, sous-estimés selon eux d’un
facteur allant de 200 à 1000 selon le type de contamination. Le modèle
CERI a le mérite de rendre compte des faits observés depuis l’avènement
de l’énergie nucléaire et montre la sous-évaluation systématique des
risques dus aux faibles doses de rayonnement et à la contamination par
les radio-isotopes issus de l’industrie nucléaire.
2.3 Depuis le 11 mars, jour où ont eu lieu le
tremblement de terre et, en conséquence, le tsunami qui ont provoqué la
perte de contrôle des réacteurs nucléaires de Fukushima, les
informations en provenance de Tepco, propriétaire de la centrale, de
l’Agence de sécurité japonaise et du gouvernement ont toutes laissé
entendre que si la situation était grave, la catastrophe pouvait encore
être évitée. Evalué initialement au niveau 4 sur l’échelle INES de
gravité des accidents nucléaires, ensuite au niveau 5 (comme à TMI),
l’accident vient depuis quelques jours d’être réévalué au niveau 7
(comme à Tchernobyl).
Manifestement les responsables japonais visent avant tout à faire
croire qu’ils maîtrisent ou sont en voie de maîtriser la situation. Les
dissimulations et mensonges de TEPCO au cours de ces dernières années
donnent peu de crédit à leurs propos et à leurs prévisions. Mais il y a
tout lieu d’être tout aussi méfiants et critiques à l’égard des messages
émanant de l’AIEA qui a pour mission de continuer à promouvoir
l’énergie nucléaire dans le monde comme le prévoient ses statuts. On ne
manquera pas de remarquer à nouveau le silence de l’OMS qui, comme
attendu, se contente de répéter les propos et analyses de l’AIEA. Quant
aux retombées dans l’hémisphère nord et, en particulier, en Europe et en
Belgique, on ne peut pas dire qu’elles font l’objet d’informations
précises depuis le 11 mars dernier.
3. Fukushima : un désastre pire qu’à Tchernobyl ?
Il est trop tôt pour faire un état des lieux pertinent des
conséquences de la dissémination radioactive dans le monde, d’autant
plus que la situation est loin d’être stabilisée. Cependant, il semble
bien que les quantités totales d’Iode131 et de césium 137 émises par les
réacteurs endommagés à ce jour sont du même ordre de grandeur qu’à
Tchernobyl. Les retombées de ces rejets affecteront l’hémisphère Nord
avec apparition de zones de concentration dues à la pluie.
Les rapports techniques de l’exploitant (TEPCO) et la NISA (autorité
de sûreté japonaise) laissent craindre des rejets pendant des semaines
voire des mois. Il est possible que de nouveaux relâchements de vapeur
aient lieu afin d’éviter de nouvelles explosions d’hydrogène ; ainsi des
phases de rejets massifs peuvent encore avoir lieu.
En outre, il semble légitime de suspecter la survenue d’épisodes de
criticité dans les piscines de désactivation ; c’est ce que semble
confirmer la mesure de hauts niveaux d’iode 131 dans l’eau de la piscine
du réacteur n° 4. Ceci signifie que de nouveaux rejets d’iode 131 sont
possibles dans un avenir proche.
Ce qui est maintenant certain, c’est qu’un vaste territoire centré
sur Fukushima est rendu inhabitable pour des décennies. Au-delà de la
zone d’évacuation, élargie à 30 Km depuis peu, des zones de forte
contamination justifient elles aussi une évacuation définitive. Selon
NIRS (Nuclear Information and Resource Service- USA), la ville de Namie,
située à l’extérieur de la zone d’évacuation, a été exposée à une
irradiation globale de l’ordre de 1,7 rems soit 17 fois la dose annuelle
considérée comme acceptable pour le public par la CIPR et les
institutions internationales. En ce qui concerne le milieu marin,
riverain du site de Fukushima-Daiichi, les mesures effectuées à plus ou
moins grande distance du site montrent une pollution radioactive
importante. Les teneurs en césium 137 et en iode 131 ont atteint
respectivement 47 000Bq/litre et 74 000 Bq/l à comparer aux valeurs
mesurées dans l’eau du littoral japonais avant l’accident (quelques
milliBq/litre de césium 137 et aucune détection d’iode 131). Cette
pollution se propagera dans tout le Pacifique et contaminera les espèces
vivantes pour longtemps sachant que le césium 137 a une période de 30
ans. Par ailleurs, le phénomène de reconcentration par les espèces
vivantes conduit à des teneurs nettement plus élevées que dans l’eau (x
50 pour les mollusques et x 400 pour les poissons, en ce qui concerne le
césium 137).
4. Plus vieux, plus dangereux.
L’évolution du risque d’incident grave ou d’accident au long de la
vie d’un réacteur nucléaire peut être schématisée par une courbe en
baignoire. Le risque est élevé pendant les premiers temps après couplage
au réseau (rodage), pour diminuer nettement dans la suite et remonter
au niveau de départ en fin de vie (vieillissement). À Three Miles
Island, on se trouvait clairement dans la période de rodage. Les
réacteurs de Fukushima sont par contre à classer dans la période de fin
de vie puisque tous ont été mis en exploitation commerciale
respectivement en 1971, 1974,1976 et 1978 pour les unités Fukushima 1,
2, 3 et 4. Lorsqu’on évoque le vieillissement, on pense logiquement au
vieillissement lié au fonctionnement, lequel provoque une fragilisation
généralisée des matériaux du fait de l’accumulation des sollicitations
thermiques et mécaniques et du bombardement neutronique. Cette
fragilisation peut conduire à des défaillances graves ou des ruptures de
pièces importantes ; elle peut aussi contribuer à une aggravation
imprévue d’incidents a priori mineurs. Mais le vieillissement ne touche
pas seulement la structure et la machinerie des réacteurs, il touche
aussi à leur conception et à leur design.
L’accident de Three Miles Island en 1979 a suscité un important
travail de réévaluation visant à tirer les leçons de l’accident pour la
filière PWR. On comprend donc que les réacteurs plus anciens, qui ont
démarré avant 1979 ont été conçus sans prise en compte de ce retour
d’expérience. Ils sont donc doublement vieux, comme Tihange 1, Doel 1 et
Doel 2. Les réacteurs de Fukushima-Daïchi sont du type BWR, filière
sœur des PWR, qui est née aux Etats-Unis dans les années 60. La filière
BWR (à eau bouillante), lancée par General Electric, n’a pas eu le
succès commercial escompté, du fait d’un phénomène gênant de fissuration
des boucles de recirculation entraînant des pertes de disponibilité
importantes des réacteurs. Malgré le succès de la filière au Japon,
General Electric a donc révisé dans les années 80 la conception de son
réacteur ; elle a développé, en coopération avec les Japonais le modèle
dit « avancé » ou ABWR (advanced boiling water reactor) présentant un
niveau de risque de fusion du cœur plus faible. Les réacteurs de
Fukushima 1, 2,3 et 4 étaient donc eux aussi doublement vieux.
5. Ne pas confondre très improbable et impossible.
La spécificité de la catastrophe de Fukushima réside avant tout dans
son origine externe (tremblement de terre) et dans la conjonction de
deux types d’évènements (tremblement de terre et tsunami) le second
étant provoqué par le premier.
En ce qui concerne les tremblements de terre, il est bien connu de
longue date que le Japon est très vulnérable face au risque sismique. En
2006, les normes de sécurité anti-sismiques japonaises ont été
renforcées. Le sismologue Ishibashi Katsuhiko, professeur à l’Université
de Kobe avait averti les autorités de ce que les mesures prises
seraient insuffisantes en cas de séisme de grande ampleur. Les faits lui
ont malheureusement donné raison. Le 16 juillet 2007, un tremblement de
terre a entraîné un incendie et une fuite de radioactivité à la
centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa. Cette centrale a été mise à
l’arrêt pendant plus de 2 ans.
Avant cela, un autre séisme s’était produit en août 2005, affectant
la centrale d’Onagawa au Nord de Fukushima ; un autre en mars 2007, dont
l’épicentre était à 16 km de Shrika.
En 2008, une secousse de magnitude 6.8 a ébranlé l’Est de Honshu, près d’Onagawa et de Fukushima.
Les avertissements se sont donc multipliés depuis 2005 justifiant la mise en garde du professeur Katsuhiko.
L’attitude de l’opérateur TEPCO et celle du gouvernement japonais et
des instances de contrôle peuvent donc être qualifiées
d’irresponsables. Au cours des années 70, le risque sismique n’était
guère pris au sérieux en ce qui concerne l’implantation et la capacité
de résistance des installations nucléaires. Ce fut le cas avec Tihange
et plus particulièrement avec Tihange 1 ; les études effectuées sur le
graben du Rhin indiqueraient que celui-ci se rapprocherait beaucoup plus
de Tihange qu’on ne le croyait. Même si les experts consultés après le
tremblement de terre du 8 novembre 1983 dans la région liégeoise sont
arrivés à la conclusion que les unités de Tihange possédaient une marge
suffisante pour faire face à un tel tremblement de terre, il n’y a
aucune raison de croire qu’un tremblement de terre plus important ne
puisse avoir lieu. En tout état de cause, la conjonction de plusieurs
évènements graves doit être prise en considération pour évaluer le
risque, en ce compris la possibilité d’un accident dans une usine
classée à haut risque (Seveso), ce qui pourrait empêcher une gestion
correcte d’un incident dans une centrale nucléaire.
Faut-il rappeler que la région anversoise où se situe Doel abrite 63
sites Seveso à haut risque et que la région liégeoise en comprend 12
dont plusieurs à proximité de Tihange.
6. Le système de refroidissement de secours de Tihange 1 est-il efficace ?
L’autorité de Sûreté Nucléaire française (ASN) a récemment averti de
ce qu’en cas de fuite importante du circuit primaire, le circuit
d’injection d’eau de sécurité pourrait s’avérer incapable d’empêcher la
fusion du cœur dans les réacteurs de 900MW du parc nucléaire
français. « Le système d’injection d’eau de sécurité est le seul
dispositif qui permette de retarder une fusion du cœur nucléaire lors
d’une fuite importante d’eau du circuit primaire. Son rôle est
d’injecter massivement de l’eau borée dans ce circuit pour étouffer la
réaction nucléaire et refroidir le cœur. Or EDF découvre, alors que les
premiers réacteurs 900 MW tournent depuis plus de 30 ans, qu’elle est
incapable de mesurer si l’eau injectée par ce système se répartit
uniformément dans les trois boucles du circuit primaire de ces
réacteurs ; de l’aveu de l’ASN, cela pourrait ne pas permettre de
refroidir suffisamment le cœur du réacteur. »
On remarquera que sont concernées 34 unités nucléaires en France,
parmi lesquelles les 6 réacteurs de Gravelines, à proximité du
territoire belge. Il est clair que le réacteur de Tihange 1, qui
appartient à la même génération, est de la même époque et de la même
conception et engage en partie le même exploitant, est susceptible de
présenter la même anomalie.
Conclusions
1. Un certain nombre de leçons sont à tirer des évènements graves
qui ont affecté l’industrie nucléaire dans un passé récent, la
catastrophe de Fukushima malheureusement toujours en cours n’ayant pas
été à ce jour complètement élucidée.
2. Il n’est plus acceptable d’évaluer le risque nucléaire sur base
de calculs de probabilité manifestement non pertinents en la matière.
3. L’accident de niveau 7 (Tchernobyl et Fukushima) est socialement,
humainement et écologiquement inacceptable. Il ne peut pas avoir lieu
une troisième fois.
4. Les stress tests proposés au plan européen ne peuvent avoir pour
seule fonction de sécuriser l’opinion publique en condamnant l’un ou
l’autre réacteur jugé inapte tout en maintenant l’option nucléaire ou en
prolongeant la durée de vie des autres. Ils doivent conduire à la
fermeture à bref délai des réacteurs les plus dangereux et à la
définition (ou la confirmation) d’un calendrier de sortie du nucléaire
accélérée.
5. Le gouvernement belge doit entamer un dialogue avec le
gouvernement français à propos de la sûreté des réacteurs frontaliers
dans une optique de fermeture programmée.
6.Le gouvernement belge doit impulser un processus européen de sortie du nucléaire et d’abrogation du traité Euratom.
Paul Lannoye, Docteur en Sciences, Député européen honoraire, Administrateur du GRAPPE
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