Ahmed HALFAOUI
À considérer les cris d’indignation de la grande presse et des dirigeants des
grandes démocratie contre la dictature des Mujao et Ançar Eddine, nous devrions
croire que l’intervention de la Françafrique au Mali n’est que l’aboutissement
d’une volonté de voler au secours d’une population en danger et d’un pays en
perdition. Mais, heureusement que, en marge du vacarme médiatique et de la doxa
dominante, il y a des amoureux de la vérité qui veillent, même si leur voix ne
se fait pas beaucoup entendre.
Ce sera autant de gagné pour la postérité et pour que l’ignominie
colonialiste ne lamine pas tous les principes moraux. Parmi les esprits lucides,
peu enclins à se laisser intoxiquer, il y a Jean Batou, professeur d’histoire
contemporaine à l’université de Lausanne, qui nous apporte un éclairage sur la
situation. Il nous invite, d’abord, à considérer les conditions économiques et
sociales qui ont conduit le Mali à son éclatement. Nous devons savoir qu’« en
2011, le PNUD classait le Mali en 175e position sur 187 pays en termes de
développement humain », que « les femmes donnent naissance en moyenne à 6,5
enfants vivants, dont un sur 6 décède avant l’âge de 5 ans (la moitié de ceux
qui survivent souffrent d’un retard de croissance) », que « neuf ménages sur 10
ne disposent pas d’électricité » et que « les ménages de Gao, de Tombouctou ou
de Kidal dans le nord dépensent moins de la moitié de ceux de Bamako) et du
nombre absolu de pauvres ». Tout cela sous le règne d’une politique dictée par
la France et par le Fonds monétaire international, dénommée « cadres
stratégiques de lutte contre la pauvreté ». Avec le succès que nous pouvons
observer aujourd’hui.
À ce moment là, il n’était pas question de s’apitoyer ou de s’émouvoir sur le
sort des populations. Les caméras n’ont pas non plus trouvé d’intérêt à aller
cueillir des images pour les montrer au monde, tel que cela s’est produit quand
il a fallu accompagner les tambours de guerre. Tout allait pour le mieux et
pouvait perdurer, pourvu que rien ne vienne déranger la « stabilité » si chère
aux investissements qui pompent les richesses locales ou qui envisagent de le
faire. Et puis, tout compte fait et tant qu’à faire, l’occasion est toute
trouvée pour mettre le pays en coupe réglée et faire, du même coup, un pied de
nez à tous les concurrents, à commencer par la Chine. Il suffisait de gonfler la
menace constituée par les groupes armés, de dresser un tableau apocalyptique des
conséquences d’une non-intervention et de ne rien laisser comme solution que
l’implication des forces françaises.
Le Mali sera donc reconstitué selon la
stratégie de la métropole et reconstruit en conformité avec les visées
économiques des multinationales. Pour ne rien gâcher, les choses se feront,
cette fois-ci, avec l’assentiment de Maliens débordants de reconnaissance à
l’égard d’une armée de « sauveurs ». Du moins, tant que ceux-ci ne s’apercevront
pas du coût qu’ils auront à payer à la « générosité » de l’État français.
Ce
jour-là sera comptabilisé le prix du « sauvetage » et sera mesuré le degré de
«développement» que connaîtront les Maliens sous la domination des chasseurs
de profit.

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