mercredi 6 février 2013

Parlement/Comité National d’Ethique : De la loi à la morale

Gilles Devers

Le personnel politique nous gave,... mais on va voter. C’est dire notre foi républicaine, avec l’idée qu’un p’tit gars peut se révéler un bon soldat quand il se trouve au front et sous l’uniforme. C’est dire que nous attendons des élus qu’ils assument leurs fonctions. Le monde souffre trop d’imbéciles prétendant à des fonctions qu’ils sont dans l’incapacité d’exercer.
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Au regard de ces critères sains comme l’air du grand large, examinons ce qui se passe avec la loi PMA. Je veux dire PMA tendance gay, car la PMA est inscrite dans la loi depuis 1994. 

D’un côté le Parlement 

Selon l’article 6 de la Constitution, « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ». Nickel.
Les pouvoirs du Parlement sont définis par l’article 24 : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ».
Là, premier problème. Le Parlement voulait vite voter une loi PMA, mais le Gouvernement a imposé un report en fin d’année, si tout va bien. Sous mes yeux ébahis, le Parlement n’a rien contrôlé, et le Gouvernement l’a bien contrôlé. Yurghhh !
Et pourquoi ce délai ? Pour attendre un avis du Comité consultatif national d'éthique. 

De l’autre, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE)

Ce comité (Décret n°83-132 du 23 février 1983) dépend des ministres chargé de la recherche et de la santé... et pas du Parlement. Ouille, ouille, ouille… j’ai mal à mon vote !
Sa mission est donner son avis « sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ». Donc, la morale à partir des questions de recherche.
Me voici derechef ébahi, car la loi mariage gay repose sur un principe juridique, l’égalité, et pas sur la morale. Pourquoi bloquer le Parlement pour un arbitrage moral ? Et puis, il n’y a aucune problématique de recherche, la loi visant seulement à étendre un peu le domaine de pratiques de PMA parfaitement connues. Substituer la morale à la loi ? Ah les petits coquins… La loi, c’était donc « la morale pour tous » ?
Je me suis alors intéressé à la composition de notre arbitre moral.
Le président du Comité est nommé par décret du Président de la République, pour un mandat de deux ans renouvelable, ce qui lui confère une indépendance totale.
On trouve ensuite cinq personnalités désignées par le Président de la République «appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles».
Re-re-ébahissement : le Gouvernement suspend les travaux du parlement laïc pour recueillir l’avis des religieux ! Les mêmes qui ont manifesté contre le projet de loi… Un véritable attentat contre la laïcité commis par des intégristes laïcards, ah ah ah !
Viennent ensuite dix-neuf personnalités « choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d'éthique », dont seulement un membre de l'Assemblée nationale et un membre du Sénat, puis quinze autres appartenant au secteur de recherche. Les parlementaires sont 2 sur 35. Super.
Alors, loi ou morale ?
La décision du Gouvernement est anti-démocratique, car on bloque le processus législatif pour lui substituer un oracle moral. Le Parlement est ce qu’il est, mais au moins il représente le peuple et ses débats sont publics. Avec la CCNE, on entre dans un tunnel de six mois de réflexions secrètes, et le Gouvernement entérinera nécessairement le résultat.
C’est un renoncement.
Le pouvoir dispose de solides majorités parlementaires, il est entouré de services ultra-compétents dans les chambres ou les ministères, et il peut consulter maints organismes, genre hauts conseils de ceci ou de cela, qui pullulent. Mais il arrête tout pour attendre la sentence morale des religieux et des scientifiques. Voir le Parlement qui suspend ses travaux pour recevoir une leçon de morale… 
Alors, le socialisme normal est un moralisme, c’est ça ? Tout ça pour ça ?

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