samedi 30 mars 2013

Financer les violations du droit humanitaire et des droits de l'homme

Ramona Wadi
 
Dans la pensée collective, l'UNRWA fournit "assistance et protection" aux réfugiés palestiniens en les aidant à "atteindre le plein potentiel de leur développement humain, dans l'attente d'une solution juste à leur sort", mais cette affirmation ne saurait être isolée de trois facteurs importants : l'occupation illégale de la Palestine par Israël, les réponses des Nations-Unies aux atrocités israéliennes et les mécanismes d'aide et de financement à l'échelle internationale qui illustrent le lien existant entre l'aide humanitaire et les violations des droits de l'homme. Prenant en considération l'ensemble du scénario, la rhétorique du "plein potentiel" montre une approche erronée qui pourrait servir de clef à une accentuation du détachement de la communauté internationale et de l'isolement des Palestiniens dans leur lutte solitaire contre les atrocités.                  

 
Alors que l'aide fournie par l'organisation aide les Palestiniens à construire un semblant de dignité, elle permet aussi à la communauté internationale de soulager sa conscience fugace après qu'elle ait échoué à faire respecter le droit humanitaire international vis-à-vis de décennies de déplacement et d'atrocités.

L'UNRWA opère en vertu de la résolution 302 (IV) des Nations-Unies, qui a été constamment renouvelée et prolongée jusqu'en 2014. L'opposition d'Israël au Droit au Retour du peuple palestinien, son déplacement forcé, les colonies de peuplement et les pratiques d'apartheid ont tous contribué à un nombre croissant de réfugiés d'environ 5 millions entre Gaza, la Cisjordanie , la Syrie, la Jordanie et le Liban. La complaisance de la communauté internationale a joué un rôle déterminant dans l'expansion de l'oppression d'Israël et dans la recrudescence des violations des droits de l'homme ratifiées par le droit israélien et financées par les alliés d'Israël, en particulier les Etats-Unis.

L'Etat d'Israël s'est construit sur les politiques sionistes qui prônent l'élimination de la population palestinienne - un point de vue embrassé et mis en pratique au sein d'un cadre juridique oppressif que la communauté internationale répugne à affronter. Le droit humanitaire international, un emblème de justice proclamé par l'Occident, est adroitement évité quand il s'agit d'Israël. Ainsi, les alliés d'Israël restent volontairement entravés par leur complicité dans des pratiques coloniales et d'apartheid ; ils trouvent consolation dans le rôle de pure forme des Nations-Unies et ses misérables efforts pour construire les bases d'un discours pertinent fondé sur la validité des droits de l'homme.

Bien qu'elle se présente comme défenseur des droits de l'homme, la position de l'ONU n'a jamais été ni impartiale ni exhaustive. Les déclarations faites au fil des ans ont assumé une approche biaisée en faveur d'Israël et son discours sur le terrorisme palestinien. L'ONU a viré vers la propagande, abandonnant tout semblant de responsabilité afin de soutenir les fabrications d'Israël sur le droit à se défendre. Ce faisant, l'ONU a donné à voir une administration qui prospère sur la défense de l'illégalité - le droit humanitaire international est cité comme vérité universelle et appliqué de manière sélective. L'absence de processus judiciaire qui garantisse que l'ONU respecte le droit international renforce l'immunité de l'organisation, une immunité qui permet la diffusion d'un discours humanitaire qui influence l'opinion publique en faveur du maintien d'un programme humanitaire sans obligation de se conformer aux droits de l'homme.

Le montant de l'aide humanitaire donné à l'UNRWA pour les réfugiés palestiniens est presque négligeable comparé aux milliards qui soutiennent l'occupation guerrière et les atrocités d'Israël. Les Etats-Unis sont le bailleur de fonds le plus important de l'UNRWA, avec 239 millions de dollars en 2011. Cependant, ces fonds sont insuffisants pour couvrir les besoins des réfugiés. On dit que la qualité des services s'est détériorée - un signe qu'aider les réfugiés palestiniens à développer leur "plein potentiel" n'est rien de moins qu'une impression trompeuse.

D'un autre côté, l'aide bilatérale US à Israël s'est élevée au cours des années à 115 milliards de dollars - un facteur important qui a permis à l'armée israélienne de se doter d'une technologie sophistiquée. Les Etats-Unis justifient leur collaboration militaire avec Israël par son "isolement" dans la région et les "menaces potentielles" des pays voisins, d'où la nécessité pour Israël de maintenir "un avantage militaire qualitatif" au Moyen-Orient. Alors que la rhétorique officielle est conforme à la description de ces stratégies comme étant "dues aux récents conflits," dans les années 1980, Israël a recherché une collaboration militaire plus étroite en invitant les Etats-Unis à stocker des armes dans les bases israéliennes ; une proposition qui a été acceptée une décennie plus tard. Les accords prévoient que les Etats-Unis peuvent autoriser l'utilisation du stock pendant des "conflits".

Bien que la Loi sur le contrôle de l'exportation des armes déclare que l'aide militaire peut être interrompue si les pays qui la reçoivent l'utilisent pour des raisons autres que "la légitime défense", ses principes n'ont jamais été appliqués, à part lorsque l'administration Reagan a décidé en 1982 d'interdire la vente des bombes à fragmentation pendant six ans. Israël a également utilisé des bombes à fragmentation dans la guerre contre le Liban en 2006. Toutefois, les rapports du Département d'Etat des Etats-Unis sur l'utilisation des bombes à fragmentation et les morts des civils en parlent comme d'une hypothèse plutôt que comme une violation des droits de l'homme, bien que ce même Département d'Etat ait mis en oeuvre un programme sur les mines et les munitions non explosées.

L'incohérence entre le fait de financer de l'aide humanitaire tout en allouant simultanément un budget énorme pour la violation de droits de l'homme a clairement été démontrée par Noam Chomsky dans son livre : "Power and Terror: Conflict, Hegemony and the Rule of Force". Chomsky explique la dynamique entre la guerre, les droits de l'homme et les concepts occidentaux de démocratie. Alors que l'Occident prône la démocratie comme force participative, sa manipulation et sa mise en oeuvre ont révélé par ailleurs que le monde se dirige vers une structure impérialiste dominée par les Etats-Unis. L'aide n'est accordée que lorsque les conditions des violations des droits de l'homme sont créées ; en conséquence, la structure de l'assistance humanitaire est dévoyée. L'absence de dissuasion en matière de violations de droits de l'homme encourage la poursuite des infractions. Le véritable terrorisme perpétré par Israël contre les Palestiniens, avec l'aide des Etats-Unis, ne mandate aucune intervention internationale de protection des civils. Il est même considéré comme nécessaire pour mettre en avant un conflit, par opposition à la réalité de l'apartheid. Le détachement de la communauté internationale a joué un rôle décisif pour que les gouvernements se conforment au discours dominant au sujet des Palestiniens - celui qui consiste à dénaturer la résistance et la faire passer pour du terrorisme, de manière à fermer les yeux sur la domination coloniale d'Israël.

En mai 2002, Colin Powell a déclaré que la Colombie répondait aux normes de Washington en matière de droits de l'homme. La dissonance est éphémère. Si l'on considère que les Etats-Unis ont été les principaux instigateurs de coups d'Etats militaires et d'installation de dictatures, l'analogie peut s'appliquer facilement vis-à-vis des antécédents des USA et d'Israël en matière de droits de l'homme en Palestine occupée. Prodiguer de l'aide militaire à Israël pour permettre la consolidation de sa domination coloniale nous rappelle la culture d'impunité réservée à ces deux alliés. Le début et la fin des atrocités israéliennes dépassent la fameuse règle des Nations-Unies - les Etats-Unis et Israël se sont déjà, à travers leurs actions, mis au-dessus de la primauté du droit humanitaire international.

Une dernière observation sur le site en ligne de l'UNRWA au sujet de l'utilisation du language et de la diplomatie : la référence de l'organisation humanitaire au colonialisme et à l'apartheid comme à un "conflit" porte atteinte à l'efficacité de l'aide, comme au droit humanitaire international. Peut-être la terminologie est-elle nécessaire pour rester dans la ligne du discours des Nations-Unies, ainsi que pour calmer les Etats-Unis dans leur rôle de donateur et d'oppresseur. Cependant, parler de "conflit" au lieu d'occupation illégale alimente l'idée fausse d'aide humanitaire, en enfermant les Palestiniens dans un système de décisions soigneusement choisies pour étouffer la question cruciale de l'auto-détermination.
Traduction : MR pour ISM
Article original en anglais paru le 15 février 2013 sur MEMO.

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