vendredi 24 mai 2013

Embaucher 60.000 enseignants ? Un slogan... condamné par la Cour des Comptes

Gilles Devers                 

Je suis trop content pour mes petites chéries d’amour que sont les infirmières, et mes potes de toujours que sont les flics et les agents de probation. J’ajoute mes copains de bringue les contrôleurs du fisc, car on va faire rentrer de la monnaie, et grâce à eux, nos impôts vont baisser. La Cour des Comptes ratiboise la promesse du leader minimo : embaucher 60 000 enseignants. Une promesse? Même pas : juste un slogan. Etre gouverné par des publicitaires, ras-le-bol…


Le plus pourave des slogans de la campagne

Comme nous ne sommes pas des militants socialistes,… et on discerne vite la grosse combine derrière ce chiffre de 60.000 embauches. Le discours officiel : « je mise tout sur la jeunesse, alors on investit sur le potentiel de l’intelligence, et ça sera merveilleux ».
Les 60.000, c’est comme le 75%, et ça sort tout droit des fins esprits qui dirigeaient la campagne, Mosco et Valls. Pourquoi tout chez les enseignants et rien chez les infirmières ou les flics ? Parce qu’il fallait imposer un slogan : « Eh oui, mon pote, l’électeur est un abruti qui ne réfléchit pas et ne comprend rien. Donc, tu lui dis 75% ou 60.000 et il avalera ». Ces mecs nous méprisent, alors méprisons-les, c’est de la légitime défense. Y a-t-il eu une seule étude pour dire que le chiffre idoine c’était 60.000 ? Y a-t-il eu une seule étude pour dire qu’il fallait tout miser sur l’enseignement, et rien sur la santé ou la justice ? Aucune. 
Aussi, le rapport de la Cour des Comptes qui crucifie ces promesses débiles est particulièrement bienvenu. Sortons de la pub et entrons dans le domaine des faits. 

Que dit la Cour des Comptes ? 

Ce que dit la Cour des Comptes est « entre guillemets », et je m’autorise juste quelques commentaires (en italique).
La Cour pose l'enjeu : 
« En raison de leur nombre (837 000 en 2012, soit 44 % des agents publics employés par l’État) et du poids de leurs rémunérations (49,9 Md€ en 2011, soit 17 % du budget général de l’État), leur gestion est déterminante »(44% des emplois publics… Incroyable)

Le contexte

« L’éducation nationale ne parvient pas à répondre aux besoins des élèves. Notre pays se situe au 18e rang de l’OCDE pour la performance de ses élèves ; le système français est un de ceux où le poids des origines socio-économiques des élèves pèse le plus sur les résultats scolaires, et cette situation s’aggrave. (Le discours sur les valeurs du modèle républicain est dessoudé d’emblée).
« Elle ne parvient pas davantage à répondre aux attentes des enseignants. La France connaît une inquiétante crise d’attractivité du métier : en 2011 et 2012, plus de 20 % des postes proposés au concours du CAPES externe n’ont pu être pourvus dans six disciplines, dont l’anglais et les mathématiques (Alors, on embauche quand les postes ne sont pas pourvus ?...)
« Or, la France consacre à l’éducation des moyens globaux comparables, voire supérieurs, à ceux de pays qui assurent mieux la réussite de leurs élèves ».
Selon la Cour « ces résultats insatisfaisants ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants »(Donc : assez d’effectifs, il faut mieux les gérer).

Un statut juridique décalé des réalités

« Le métier d’enseignant a connu des évolutions importantes. Depuis 1989, la loi en a pris acte en reconnaissant le caractère global des missions des enseignants, qui va bien au-delà des heures de cours. Mais le ministère de l’éducation nationale n’en a pas tiré les conséquences sur la définition de leur temps de service (Merci aux amours éternels ministère-syndicat dominant, c’est une réussite !)
« Ainsi, la seule obligation à laquelle sont tenus les enseignants du second degré, en vertu de décrets dont la plupart date de 1950, est d’assurer, selon leur statut, entre 15 et 18 heures de cours hebdomadaires pendant les trente-six semaines de l’année scolaire. Toute autre mission que celle de « faire cours » est exclue du temps de service, en particulier le travail en équipe et l’accompagnement personnalisé des élèves (Pas possible… on en est resté à l’après-guerre !).
« Par ailleurs, la définition du service ignore le rythme variable des besoins durant l’année scolaire. Les heures de cours entrent dans un cadre hebdomadaire fixe, sans que cela corresponde nécessairement aux besoins des élèves, et alors que cela rend les remplacements plus coûteux et plus complexes à assurer.
« En outre, les objectifs que constituent l’acquisition par les élèves d’un socle commun de connaissances et de compétences à l’issue de leur scolarité obligatoire, d’une part, et l’accès de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat, d’autre part, ne sont pas pris en compte dans la gestion des enseignants. Celle-ci demeure fragmentée entre corps de fonctionnaires, ainsi qu’entre premier degré – où les enseignants sont polyvalents – et second degré – où ils sont spécialisés dans une seule discipline (Quelle misère ce ministère… Mais ils font quoi ? Ce qu’on lit ici est dra-ma-tique).

Une gestion de masse uniforme et inégalitaire

« Les modalités de gestion des enseignants, en particulier leurs règles d’affectation et de mutation, ne permettent pas au système éducatif de s’adapter pour répondre aux besoins des élèves sur le terrain.
« Le ministère de l’éducation nationale ne sait pas mesurer les besoins scolaires des élèves de façon fiable et représentative pour en tirer les conséquences sur les moyens à mettre en œuvre au sein de chaque établissement. Les postes d’enseignants sont répartis sur le territoire selon des critères qui ne caractérisent que partiellement et indirectement les difficultés des élèves (On ne sait même pas mesurer les moyens… et on veut embaucher en masse !)
« Ainsi, les enseignants du secteur public ne sont affectés dans une école ou un établissement ni en fonction des besoins des élèves concernés, ni en fonction de leurs compétences individuelles. Ils sont choisis informatiquement, par l’application d’un barème automatique que le Conseil d’Etat a jugé à trois reprises illégal (Le ministère viole la loi, et s’en tape).
« De façon plus globale, la prise en compte du mérite dans la rémunération des enseignants est particulièrement faible pour des cadres de la fonction publique. L’avancement selon des barèmes privilégiant l’ancienneté demeure dominant (Avancement à l’ancienneté… C’est un massacre collectif).
« Dans ces conditions, les règles de gestion créent des effets pervers au détriment des jeunes enseignants et des postes les plus sensibles pour les élèves. Dans le second degré, 45 % des jeunes enseignants affectés sur leur premier poste le sont dans les deux académies les moins attractives, provoquant par la suite des départs massifs. Le système fonctionne donc au détriment des établissements qui accueillent les élèves les plus fragiles et des enseignants les moins expérimentés (Non, mais vous avez lu ! C’est grave grave grave grave).

Gestion des ressources humaines : nul

« Les enseignants appartiennent aux cadres de la fonction publique de l’État, c’est-à-dire aux catégories A et A+. Dans ce contexte, leur rémunération apparaît faible à plusieurs égards.
« La rémunération nette annuelle des enseignants est inférieure de 35 % à celle d’un cadre non enseignant de la fonction publique, essentiellement en raison d’un niveau de primes plus faible. Par ailleurs, les enseignants français gagnent entre 15 et 20 % de moins que leurs homologues des États membres de l’Union européenne et des pays membres de l’OCDE, à leur début de carrière comme après 15 ans d’ancienneté. Même corrigées du temps de travail, ces données restent sensiblement défavorables aux enseignants français, surtout dans le primaire (On se croirait en Soviétie de la belle époque… La Cour des Comptes n’a rien contre les enseignants : elle les estime trop nombreux, mal gérés et mal payés).
« Historiquement, le choix a donc été fait de favoriser le nombre d’enseignants plutôt que le niveau de leur rémunération (Et le compagnon de Valérie veut en ajouter 60.000... Stop !!!)
« S’agissant du déroulement de leur carrière, les enseignants, dans leur grande majorité, n’ont pas de perspective de carrière autre qu’une mobilité géographique. A défaut de parcours de carrière se traduisant par une prise de responsabilité progressive, la plupart des enseignants exercent les mêmes fonctions tout au long de leur vie professionnelle. (Ca me tue de lire çà)
« L’environnement des enseignants apparaît par ailleurs peu adapté au partage des difficultés qu’ils rencontrent au quotidien : l’équipe pédagogique n’a pas toujours de réalité, la relation avec l’encadrement est plus ou moins distante, il n’existe pas de personne ressource dédiée à l’appui des enseignants au sein des établissements. La formation continue est également insatisfaisante (Attendez, vous avez bien lu : l’équipe pédagogique n’a pas toujours de réalité… C’est dingue !)

Conclusion

« Le système éducatif ne parvient ni à répondre aux besoins des élèves, ce dont atteste la dégradation des résultats de la France, ni aux attentes professionnelles des enseignants. Dans cette situation, le problème n’est pas celui du nombre d’enseignants ou d’une insuffisance de moyens : la réduction du nombre d’enseignants au cours de la révision générale des politiques publiques, comme son augmentation programmée sur cinq ans, sont vaines si elles se font à règles de gestion inchangées. C’est l’utilisation des moyens existants qui pose problème : la gestion des enseignants se caractérise en effet depuis de nombreuses années par de multiples dysfonctionnements (Vous avez bien lu : dans cette situation, le problème n’est pas celui du nombre d’enseignants… Et si après çà, le leader minimo persévère, c’est vraiment qu’il se fout du monde).
« La Cour estime, au terme de son enquête, qu’une réforme d’ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants est nécessaire. Il faut renverser la logique, issue de la massification de l’enseignement et de la pression d’un égalitarisme de façade, selon laquelle tous les enseignants sont interchangeables et tous les élèves ont les mêmes besoins. Enseignants comme élèves ont tout à y gagner ».

 Alors on fait quoi ?

« Dans ce contexte, la Cour formule une série de recommandations, qui forment un tout indissociable et s’articulent autour de quatre axes :
1.  Redéfinir le métier enseignant en adaptant en particulier les obligations réglementaires de service ;
2.  Mieux valoriser les ressources humaines, au niveau individuel et des équipes ;
3.  Affecter les enseignants en fonction de la réalité des postes et des projets d’établissement ;
4.  Assurer une gestion de proximité. »

Donc on arrête le délire d’embaucher 60.000 enseignants, et on traite les questions jamais traitées depuis 1950. Merci la Cour.

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