dimanche 11 août 2013

Le design : un produit totalitaire

2CCR                

Le  design,  c’est  cool,  c’est  sympa,  n’est-ce  pas ? C’est Trendy diront certains pour être dans le coup. Ça  rime  avec  le  beau,  l’innovation,  le  progrès. Parfois  il  y  a  un  petit  côté  fascinant,  magique dirons-nous.  Si  ça  va  trop  loin  alors  c’est  de  la science-fiction, « mais c’est avant tout pour poser des  questions »  répondront  les  naïfs  la  bouche  en cœur. 
    
Un concept   fourre-tout :    design environnemental,    design   commercial,    design social,  design  numérique,  design  humanitaire… Bref, rien de bien méchant dans ce « quelque chose perdu entre l’art et l’industrie » que nul ne sait trop définir avec précision. Nous  allons  donc  tenter  d’expliquer,  ici,  ce  que  recouvre  ce  terme  et  ce  qu’il implique réellement sur et dans nos vies.
L’anglicisme  design,  issu  du  vieux  français  desseing  (1556),  conjugue  en  son sein   deux   concepts :   le   dessin   et   le   dessein.   C’est-à-dire   qu’il   est   une représentation mais également un projet qui nous parle de notre présent (tel un miroir) et nous permet de saisir ce qui se dessine (ou se projette) dans un futur plus  ou  moins  proche.  Le  design  est  donc  un  projet ;  un  projet  de  vie, ajouterons-nous pour être plus exact. Il est considéré comme l’un des grands métiers de la conception avec ceux de l’urbaniste  et  de  l’ingénieur.  Tous  des  métiers  totalitaires  car  totalisants :  ils inventent,  façonnent,  gèrent,  rationalisent,  planifient  et  s’imposent  à  nous,  sur nos vies, sans que nous leur ayons demandé quoi que ce soit. Le design n’est pas neutre   mais   bien   notoirement   politique ;  et   ce   d’autant   plus   qu’il   flirte constamment  avec  la  domination  et  qu’il  glorifie  perpétuellement  le  système technicio-logisticien. 
Le  design  est  né  au  XIX e   siècle  avec  la  révolution  industrielle,  processus historique, qui a fait basculer radicalement les sociétés d’un statut à dominante agraire  et  artisanal  vers  un  statut  commercial  et  mécanisé,  statut  qui  va  forger (renforcer  et  accroître)  à  son  tour  la  domination  capitaliste,  et  déposséder progressivement  les  sans-pouvoirs  de  la  maigre  prise  qu’ils  pouvaient  encore avoir  sur  le  monde  et  son  décors. Ainsi  le  design  prend-il  son  essor  dans  les puissances  capitalistes  et  impérialistes  de  l’époque :  la  Grande  Bretagne  et  la France, avant l’Allemagne et les États-Unis. À l’origine du design, nous retrouvons la conjugaison de certains mouvements artistiques  qui  ont  tenté  de  critiquer  la  montée  de  l’industrialisation.  Si l’industrialisation impliquait une modification accélérée de leur environnement et  des  rapports  sociaux,  ces  mouvements  artistiques  avaient  en  germe  une certaine mission émancipatrice. Ils ont, d’une certaine façon, essayé de rendre, au moins partiellement, plus vivable le  monde tel qu’il était en le délivrant de l’ennui   d’une   réalité  quotidienne   déjà   de   plus   en   plus   envahie   par   la marchandise. 
Ainsi, face à la concentration des individus (population ouvrière) dans les villes et les usines, avec leur lot de misère et d’environnement noirâtre, l’Art & Craft tentera  d’améliorer  le  quotidien  de  l’ouvrier  en  lui  créant  un  espace  de  vie agréable et beau (la maison et l’ensemble des objets qui la meuble), mais aussi en lui proposant un retour à la nature et la réappropriation d’un certain savoir-faire (l’artisanat). Toutefois, si à sa manière ce mouvement critiquait bel et bien le nouveau système de production, il ne manquait toutefois pas de s’y associer en rapprochant les Beaux-Arts et l’industrie, par le biais des Arts appliqués. Les mouvements qui suivront – Art nouveau, Bahaus et la plupart des avants gardes artistiques du vingtième siècle – ne cesseront dès lors de mener cette danse entre répulsion et attirance où vont s’échafauder des concepts abstraits qui, aisément récupérables  et  aisément  récupérés  par  le  système,  n’omettront  pas  d’aggraver l’immondisme ambiant : telle l’idée d’Art total qui s’applique à tous les aspects de  la  vie,  quoique  la  plupart  de  ces  mouvements  avant-gardistes  aient  d’abord voulu tout autre chose. 
Le design, lui, poursuivra son avancée avec les crises économiques, la société de consommation et les nouvelles technologies. Quant aux artistes, ils ne cesseront d’accroître  leur  connivence,  voire  leur  entier  ralliement,  avec  le  système capitaliste  industriel,  ce  que  montre  assez  bien  aujourd’hui  le  misérable spectacle que nous offre le (pseudo)-art contemporain. Deux exemples frappants et significatifs :
Le  designer  Brooks  Stevens  qui  popularise,  dans  les  années  50,  la  notion « d’obsolescence  programmée »,  créée  par  le  riche  philanthrope  américain Bernard London pour sortir le pays de la grande dépression des années 30.  
– Le  Pop  Art  et  son  chantre  Andy  Wharol  qui,  de  sa Factory,  n’a  fait  que  glorifier  le  système  ( sous couvert  d’en  questionner  les  dispositifs ) en  rendant artistiques  les  produits  qui  colonisaient  en  masse  nos sociétés  et  nos  têtes,  autrement  dit  en  fétichisant  la marchandise.  Standardisation,  sérialité,  technologie  et marchandisation :  le  spectacle  et  sa  société  à  leur apogée…
 Voir ici le texte complet du « Collectif Manuela Rodriguez »: fichier pdf design

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