dimanche 22 septembre 2013

Les douleurs et les droits humains

Ahmed Halfaoui                              

Toutes les douleurs humaines ne sont pas égales. À la limite des possibles, il y a celles des plus nombreux, des multitudes. Celles des exclus du pouvoir de l'argent qui les enferme dans les angoisses d'une impuissance insoutenable. Celles-là sont indicibles.

Celle de ce père qui ne peut se rendre au chevet de sa fille souffrante, qui ne peut acheter le billet d'avion et couvrir les frais pour le faire.
Celle de cette mère qui ne peut payer les soins de son fils, malade d'une affection rare dont le traitement est hors de prix ou le manteau de celui qui va à l'école par les matins froids et pluvieux.
Et puis toutes les autres innombrables, toutes aussi insupportables les unes que les autres, qu'une simple redistribution des richesses que produit le monde pourrait supprimer. La bonne conscience inscrite dans la morale universelle aura inventé la charité humaine, qui apaisera ici et là quelques souffrances, qui consacrera ce faisant l'ordre des choses, qui inscrit ce fait accompli que le malheur n'a pas de recours en dehors de la magnanimité des riches.
Parfois, à plus grande échelle, à celle des grandes tragédies, ce sont des millions de personnes qui n'ont même pas de quoi manger. Là, la charité prend, parfois, la mesure d'une mobilisation des nations qui organisent en grande pompe l'acheminement et la distribution des rations alimentaires, nécessaires à la survie. La vie en elle-même devenant secondaire en de pareilles circonstances. Il arrive même que la survie, elle-même, n'intéresse pas. Des centaines de milliers d'enfants, de femmes et d'hommes peuvent mourir, sans que la moindre caméra soit déplacée pour les montrer aux gardiens de la morale mondiale. Comme cela s'est passé récemment dans certaines régions du monde. Il faut dire, à juste titre, que les caméras ne fonctionnent plus guère que sous l'impulsion de ces gardiens. Et pour cause le droit à l'alimentation ne figure pas dans la liste des droits humains pour les Etats-Unis. Surtout pas comme le définissent ses promoteurs, aux Nations Unies, comme n'étant pas le droit à " une ration minimum de calories, protéines et autres nutriments spécifiques, ni un droit à être nourri ". Mais en tant que "garantie du droit à se nourrir, qui ne requiert pas seulement que la nourriture soit disponible, que le ratio de production soit suffisant pour la population, mais aussi qu'elle soit accessible".

Des définitions qui ne sont pas des euphémismes, qui ont pourtant la prudence de ne pas trop creuser la problématique qui voudrait que soient ainsi, si les droits humains sont sélectifs au point de nier ce droit de base, il ne faut pas chercher loin pour comprendre que l'ordre qui est en place intègre bien, dans sa conception que les hommes ne doivent pas espérer au même statut en ce monde. Et si on en est là, les douleurs dispersées, par milliards, compteront encore beaucoup moins et ne sont pas près de trouver leur fin. Elles feront le bonheur des bonnes âmes à la recherche des gestes qui les béatifieront, qui leur donneront le paradis peut-être.

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