Gilles Devers
Nous
perdons le sens des mots, et donc le sens des réalités. Réfugié ?
Obligé de fuir mon pays, je cherche une terre d’asile. C’est un droit
fondamental, constitutionnellement et internationalement reconnu, qui
illustre l’idée de l’homme sur terre, une terre qui est sa terre.
Il
faut réformer le régime du droit d’asile… Admettons… mais pourquoi et
au nom de quoi revient-il au ministère de l’Intérieur de piloter cette
réforme ? Les questions à traiter – statut des personnes, libertés
fondamentales, droits de la défense, droits de l’homme – relèvent
évidemment du ministère de la Justice.
Pendant
des années, le droit d’asile relevait du ministère des Affaires
Etrangères, ce qui plaçait la question sous l’angle de la diplomatie :
une prime à l’opportunité. Avec l’ami Sarko, la compétence est passée
au funeste « ministère de l’Identité Nationale » : l'étranger menace
notre identité… Sarko a ensuite refilé l’affaire au ministère de
l’Intérieur, et tous les braves gens de Gauche ont protesté : la
protection due aux réfugiés n’est pas une question d’ordre public ! Mais
– le changement c’est presque maintenant – Hollande a maintenu le choix de Sarko.
L’Intérieur
pour définir le cadre des libertés des réfugiés… C’est inadmissible,
mais dans notre société si tristement sécuritaire, ça passe comme une
lettre à la poste… Comme l’a si bien dit Rousseau, « Les esclaves
perdent tout dans leurs fers, jusqu’au désir d’en sortir ». Si nous
réagissons pas, la journée de l’esclavagisme va devenir notre fête
nationale.
Comme nous sommes dans les citations, en voici une belle, d’Emmanuel Kant.
« Hospitalité
signifie le droit qu’a un étranger arrivant sur le sol d’un autre de ne
pas être traité en ennemi par ce dernier […], le droit qui revient à
tout être humain de se proposer comme membre d’une société en vertu du
droit à la commune possession de la surface de la Terre, laquelle étant
une sphère, ne permet pas aux hommes de se disperser à l’infini, mais
les contraint à supporter malgré tout leur propre coexistence, personne,
à l’origine, n’ayant plus qu’un autre le droit de se trouver en un
endroit quelconque de la Terre. Cependant, ce droit à l’hospitalité,
c’est-à-dire le droit accordé aux nouveaux arrivants étrangers, ne
s’étend pas au-delà des conditions de la possibilité d’essayer d’établir
des relations avec les premiers habitants. C’est de cette manière que
les continents éloignés peuvent établir entre eux des relations
pacifiques, qui peuvent finir par être légalisées. »
Par quelle déliquescence de l’esprit pouvons-nous abandonner Kant au ministère de l’Intérieur ?
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