Gilles Devers
Je
suis un opposant radical des primaires, ce sondage géant qui est un
déni de la vie politique. À Marseille, les valeureux soc’ ont bien
savonné la planche à leur futur candidat… tous seuls, comme des grands.
Les
primaires pour les présidentielles avaient, et c’est leur nature, donné
la victoire au chouchou des médias, et on a vu le résultat : elles ont
conduit à un gouvernement tendance chouchou… Des amateurs aux dents
blanches, bien mignons sur les plateaux télé… On mesure maintenant le
désastre. Ce gouvernement de gamins n’a jamais tenu les rênes du pays,
et de gros gros nuages bouchent l’horizon.
L’action
politique, la vraie, est compliquée. Elle doit être intelligente,
programmatique, tactique et directive, et elle ne peut être tenue que
par les partis. Ça plait ou ça ne plait pas, mais c’est comme ça. Or,
tout le travail d’analyse et de contrôle du parti disparaît devant ce
concours de beauté que sont les primaires. L’illusion de croire que par
un vote ouvert à tous on s’approche de la démocratie… Qu’il y ait un
vote pour les investitures, oui, bien sûr… mais à l’intérieur du parti,
et après un travail de calibrage par les instances dirigeantes. Il faut
un minimum d’engagement politique, et même si leur fonctionnement est un
repoussoir, les partis doivent rester les éléments de base de la
démocratie.
Regardons un peu ce qui se passe à Marseille, avec ce premier tour des primaires qui déjà donne le sourire… à Gaudin.
À Marseille, comme à Paris et à Lyon, la loi électorale fait que les
électeurs ne votent pas pour une liste conduite par le candidat maire,
mais par des listes de secteur. Si le secteur bascule, il donne une nette majorité
de conseillers, qui se retrouvent tous ensuite à la première réunion du
conseil municipal pour élire le maire. Donc, tout se joue dans les
secteurs, et si tu veux gagner, il ne sert pas à grand-chose de faire un
gros score dans les secteurs qui sont à toi. En revanche, le jeu est de
faire tomber un secteur tenu par le camp d’en face.
Le jeu politique à Marseille se joue sur huit secteurs de deux arrondissements chacun, pour un total de 101 conseillers municipaux, qui, réunis à la mairie centrale, élisent le maire. Les deux camps, Droite et Gauche, tiennent chacun quatre secteurs, mais la
Droite est élue dans des secteurs qui comptent plus de conseillers, et
c’est ce qui fait la différence. On est donc en situation limite, et
pour la Gauche, l’objectif est clair : tenir ses places fortes, donc les
blinder, et tout miser sur un ou deux secteurs de Droite pour les faire
basculer. Si un secteur tombe, tu es à cinq contre trois, et tu gagnes à
la mairie centrale.
C’est
pile poil ce qui avait été fait. On laissait bien tranquilles les maires
sortants, dont Patrick Mennucci sur le 1° secteur, et Samia Ghali sur
le 8°. À eux de tenir la place. Pour gagner, le PS visait le secteur le
plus prenable, soit le 3° secteur, qui regroupe les 4° et 5°
arrondissements. Bruno Gilles, le sénateur maire UMP, est bien ancré,
mais au regard des votes nationaux, il y a de la marge. Le plan du PS
national était simple : on présente une femme, Marie-Arlette Carlotti,
assez dégagée des jeux bizarres de la fédération, et on la nomme
ministre, pour lui donner de l’autorité et des moyens de fonctionnement.
Carlotti avait reçu de tels engagements qu’elle s’était étranglée quand
elle a appris que des primaires allaient être organisées….
Tous
les sondages la donnaient en tête, et elle s’est laissée endormir.
Ajoutez l’ambiance locale, le talent de Ghali, les jeux en sous-main de
Guérini et Gaudin, et on a vu le résultat : Carlotti s’est pris une
bâche mémorable, éliminée en finissant 3°, et elle a aggravé le climat
par des déclarations incendiaires, qu’elle a du corriger sur ordre de
Ayrault… Au final, la Droite a toutes les raisons de penser qu’elle
gardera le 3° secteur, vital, car on n’imagine mal la perdante Carlotti
se refaire en un mois un moral de gagnante pour aller affronter un Bruno
Gilles en pleine forme (et qui doit bien rigoler).
Le
jeu de massacre continue. Le second tour oppose deux maires de secteur –
Ghali et Mennucci – qui vont s’étriper, alors que le jeu était qu’ils
restent sereins dans leurs territoires, pour conforter leurs positions.
Or, grâce à ces géniales primaires, l’un des deux sera le grand battu de
dimanche prochain… Une réussite avant de se lancer dans la vraie
campagne !
Le
8° secteur restera à Gauche, quoi qu’il arrive. Mais Ghali représente
un vrai dynamisme, et la casser sera totalement contreproductif… Mais quid
si c’est Mennucci qui perd, alors qu’il est devenu le candidat officiel
de Matignon, après les ralliements imposés contre promesses par Ayrault
?... Et comment espérer gagner un autre secteur si tout le PS officiel a
été mis dans les choux, contre une Ghali qui va devoir jouer
l'opposition interne ?
Les primaires, oui, c’est vraiment super, et ce n’est pas Gaudin qui dira le contraire…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire