Capitaine Martin
J’ai écrit cet article pour Résistance depuis mon ordinateur, puis l’ai mis en
ligne sur le site. Un certain nombre de webmestres l’ont également reçu et
peut-être ont-ils fait la même chose que moi. Nos lecteurs respectifs ont pu
lire cet article le lendemain.
Quelqu’un cependant l’a lu avant eux, ou était
tout du moins en mesure de le faire. Ce n’était pas ni un membre de Résistance,
ni les webmestres qui en ont été destinataires. Je ne connais pas ce quelqu’un.
Il ne vit certainement pas en Franc. Il opère loin d’ici, au-delà de l’océan… Je
ne suis pas un terroriste, je ne suis pas recherché et je paie mes impôts. Bref,
je suis un citoyen lambda. Mais ce quelqu’un sait tout de moi. Il sait à qui je
téléphone parce qu’il a accès à mes données sur mon smartphone. Il sait à qui
j’écris et surtout ce que j’écris, car il est capable de surveiller tous mes
mouvements sur Internet. Il prend note de mes achats en ligne, consigne tout et
scrute mes mouvements sur mon compte bancaire de telle sorte qu’il sait ce que
je gagne. Mon patrimoine n’a aucun secret pour lui.
L’utilisation de Facebook lui facilite grandement la tâche. Parce que
l’internaute met sa vie à nu sur le plus grand réseau social du monde. Il nous
renseigne sur son cercle d’amis, publie des photos amusantes, insolites, et
parfois intimes, sans se rendre compte qu’un jour, tout ceci pourrait un jour se
retourner contre lui. Il ne se doute pas que ce qui est posté sur Facebook ne
peut être supprimé, même lorsque ses contacts ou le quidam n’y ont pas accès.
Toutes ses informations restent gravées dans une énorme mémoire, suspendues en
quelque sorte sur un nuage virtuel qu’il ne peut atteindre. Il perd ainsi le
contrôle de son passé et du présent.
Certains se remémoreront immanquablement la Vie des autres, film dans lequel la Stasi
surveillait dans le Berlin des années quatre-vingt les intellectuels soupçonnés
de critiquer le régime d’Erich Honecker. Le parallèle avec l’URSS, la Chine et
tous les pays supposés autoritaires ou dictatoriaux sera rapidement fait. On
leur oppose notre culture démocratique et la liberté. Les lois sont d’ailleurs
censées nous préserver de toute intrusion. L’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme ne proclame-t-il pas le droit de toute personne
au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance » ?
Les révélations faites par l’ancien employé de la CIA et de la NSA Edward Snowden sont pourtant inquiétantes.
Microsoft, Google, Apple, Yahoo, BlackBerry, Facebook, etc., collaborent, de
leur plein gré ou sous la contrainte, avec la National Security
Agency (NSA), la super agence des services secrets étasuniens, lui
octroyant un accès privilégié à leurs données. Un peu comme si un étranger avait
accès à une porte secrète de votre maison sans que vous n’en déteniez les
clefs…
Aujourd’hui, un agent secret n’aurait plus besoin d’allumer mon ordinateur et
de télécharger mon disque dur. Le processus est en grande partie automatique. De
temps à autre et à mon insu, mes données peuvent être collectées et transmises
je ne sais où. Ce qui est remarquable, c’est que tout cela se produit dans les
pays qui ne sont apparemment pas totalitaires. Ces derniers se revendiquent au
contraire tous de la démocratie. Pourtant, ces faits s’inscrivent dans un
processus aux conséquences potentiellement désastreuses.
Le 11 Septembre en a été l’acte fondateur. Capitalisant sur le choc provoqué
par les attentats dans les opinions internationales, la lutte contre le
terrorisme a permis de justifier la plupart des actions menées par les
États-Unis. Les menaces terroristes qu’on brandit à dessein permettent de
renforcer les structures de contrôle de la population.
Nous ne savons pas
aujourd’hui ce que la NSA, le FBI ou la CIA ont pu faire de nos informations
personnelles, ce qui, dans un État de droit, relève de l’inconcevable. Les
conséquences de ce paradoxe sont colossales. Notre intimité est désormais mise à
nu et partagée par autrui sans qu’on puisse y faire quoi que ce soit. Plus
personne ne pourra désormais se sentir totalement en sécurité. Sommes-nous tout
simplement encore libres ?
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