Victor San Pedro

On veut vous harceler, même si vous n’êtes que le petit
ami d’un journaliste engagé et que vous
collaborez avec lui, comme cela lui est
arrivé à David Miranda. (1) On est en train de légaliser la guerre perpétuelle
contre nous tous. Cela avait déjà été appliqué à José Couso.
(2)
La
protection des droits constitutionnels liés à la liberté d’expression sera
limitée à ceux qui touchent un salaire des médias ou qui sont inscrits dans les
facultés de communication des universités. Vous avez ici la rédaction complète de cette proposition de
loi. Vous pouvez constater que là où il était écrit « personne », ils
veulent que l’on utilise maintenant « journaliste », afin que ce dernier
(qu’ils reconnaissent en tant que tel) soit le seul détenteur du droit à
dénoncer le pouvoir. Votre licence sera décernée par ceux-là mêmes qui auront
payé votre salaire et qui auront validé votre diplôme.
Cette
initiative sert à répondre au défi posé par Wikileaks,
car elle contient une clause déjà connue comme « clause Assange ».
Ce qu’ils appellent aujourd’hui un « covered journalist »
(journaliste couvert) exclut de façon délibérée « toute personne ou entité (…)
dont la fonction principale (…) consiste à publier des documents provenant de
sources originales ayant été révélées sans autorisation ». C'est-à-dire que
cette clause a pour seul objectif de blinder les médias conventionnels, dont la
plupart
sont devenus des bureaux de presse et de relations publiques. Elle va droit au
cœur
du quatrième pouvoir qui se profilait, inauguré par
Wikileaks.
Le
journaliste « embedded »,
que le Pentagone « embarquait » parmi ses troupes au front, est désormais
complété par le journaliste « couvert ». Celui qui touche ou paie une
inscription pour devenir journaliste sera le compagnon sans uniforme à
l’arrière-garde. L’on veut que les rédactions soient leurs bataillons de
réserve. Et les Facultés, leurs académies militaires, spécialisées en
désinformation
et en guerre psychologique.
Après
le Vietnam,
le Pentagone autorisa les journalistes les plus dociles à être des témoins
(plutôt des propagandistes) de ses exploits militaires. Alors les exclus, comme
Couso
et bien d’autres, sont devenus des dommages collatéraux par les « tirs amis »,
des cibles à abattre par les troupes « humanitaires ». Maintenant, la guerre
perpétuelle s’élargit chez nous. L’arrière-garde civile qui se dresse contre
leurs guerres est la prochaine cible.
Victor San Pedro est professeur d’université en
communication politique (URJC)
Traduction : Collectif Investig'Action
Article originalement paru à Propolis-colmena
Notes :
1/
José Couso,
journaliste assassiné par l'armée américaine lors de l'attaque contre l'Hotel
Palestine (où se logeait la presse internationale) à Bagdad, en
2003.
Javier Couso est son frère, lui aussi journaliste. Avec d’autres collègues
présents lors de l’attaque, il a travaillé sans cesse depuis des années pour
dénoncer et envoyer aux tribunaux les responsables de l'attaque planifiée par
l'armée pour intimider les journalistes.
investig'action
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