Matt Carr
La mort de Nelson Mandela est un événement attristant, mais sa
vie merveilleuse est quelque chose à célébrer, pour son courage moral exemplaire
et pour le combat héroïque mené contre un des systèmes les plus répressifs et
les plus vils qui aient jamais été créés. Il a symbolisé ce combat et aidé à le
mener à bien après avoir passé 27 années de sa vie en prison en tant que
“terroriste”.
Peu
de politiciens ont réalisé autant que lui et peut ont suscité autant de
sympathie durant leur propre existence. Bien avant sa mort, Mandela avait acquis
– au-delà de ses propres intentions – le statut de célébrité universelle et une
sainteté laïque, et l’aura qu’il avait créée avait déjà attiré certains
admirateurs très douteux.“Ils
s’enfuient de moi au point que je m’interroge”,
écrivait le poète Thomas Wyatt. Dans le cas de Mandela, c’était le contraire. Le
mois dernier, McCain assista à la présentation du film biopic de Mandela “Long
Walk to Freedom” (Longue Marche vers la Liberté) et il déclara : “Il est difficile de ne pas regarder Nelson Mandela avec
crainte et respect. Son caractère est intimidant, son courage, son endurance, sa
modestie, sa sagesse. L’Histoire offre peu d’exemples de gens qui se sont autant
dévoués ou sacrifiés pour une cause dépassant l’intérêt
personnel.”
McCain est allé jusqu’à louer “la
capacité de Mandela à pardonner. Emprisonné injustement pendant 27 ans, il ne
témoigna pas de haine envers ceux qui l’avaient privé de sa liberté et nié sa
dignité”. Ainsi, l’homme qui avait un jour chanté
“Bombardez, bombardez, bombardez, bombardez
l’Iran” a cité la relation personnelle de Mandela
avec un de ses gardiens comme une preuve d’un “respect mutuel que les haines anciennes n’ont pu empêcher.
L’amour, vous voyez, surgit davantage que la haine dans le cœur
humain”. Nobles
paroles.
Mais que faisait McCain pendant que Mandela était en prison ? Eh bien,
en 1987, il a voté à plusieurs reprises pour convaincre l’administration Reagan
de soutenir l’organisation Renamo dans sa violente campagne contre le
gouvernement de gauche du Frelimo au Mozambique. Créée au départ par les
services secrets rhodésiens, la Renamo ou ‘Résistance Nationale Mozambicaine’
devint un instrument de l’Afrique du Sud dans sa stratégie globale contre les
Etats de la ligne de front anti-apartheid.
L’apport de la Renamo fut de faire régner une terreur absolue dans
les campagnes du Mozambique, massacrant plus de cent mille civils. Lancée et
armée par le régime d’apartheid, cette campagne n’hésita pas à mener une
campagne ‘militaire’ contre les forces de sécurité du Mozambique. Sa
‘résistance’ fut à ce point criminelle que même l’administration Reagan ne
l’aurait pas touchée avec des pincettes. McCain avait moins de scrupules. En
1987, il vota avec le raciste Jesse Helms et d’autres sénateurs pour s’opposer à
la nomination d’un ambassadeur US au Mozambique, jugé trop peu favorable à la
Renamo.
Voilà
ce qu’il en est de l’amour et du pardon. Les gens changent ? Oui. Mais il n’y a
aucune preuve que McCain l’ait fait et son pieux hommage à Mandela est un sommet
d’hypocrisie.
Et
il n’est pas le seul. Plus près de nous, notre Premier ministre, qui a décrit
Mandela comme la personne qu’il admire le plus, louant sa “grâce et absence totale d’amertume”. De
quoi s’agit-il ? En 1989, Cameron visita l’Afrique du Sud de l’apartheid, non
pour montrer sa solidarité envers le prisonnier de Robben Island, mais pour une
mission d’enquête bidon organisée par la firme du lobby anti-sanctions du
Strategy Network International (SNI).Bien
d’autres ont rendu hommage à Mandela afin de bénéficier de la belle réputation
qui l’entoure. Certains sont carrément ridicules. Comme Donald Trump qui a
twitté “Mandela et moi avions une relation
merveilleuse, c’était vraiment un homme spécial et il nous
manquera”. Ou Lindsay Lohan qui a tweeté à sa
mort : “Un grand cœur et un grand cœur, ce sera
toujours une combinaison formidable”.
Elle en
sait quelque chose. Lohan est juste une idiote. Mais trop de ces politiciens et
autres célébrités qui défilent pour rendre hommage à Mandela le louent pour des
choses qu’ils n’imagineraient jamais réaliser eux-mêmes, juste afin de cacher ce
qu’il a réellement fait.
On ne
devrait pas le leur permettre, et s’ils le font quand même, on devrait les
mettre dehors. Car l’héritage de Mandela ne devrait pas être laissé aux mains de
politiciens hypocrites, de milliardaires et de personnalités imbéciles,
cherchant à se baigner dans le prestige qui l’entourait. Ses funérailles ne
devraient pas devenir un “Regarde-qui-est-là !” des personnalités obscurcissant
le combat qu’il a mené.
Car il
fut un temps où il n’était ni célèbre, ni puissant, mais avait choisi de se
battre pour la vérité, la justice et l’égalité, sans savoir s’il réussirait
jamais.
C’est
ce qui a fait sa grandeur. Qui pourrait en dire autant parmi tous ceux qui le
célèbrent aujourd’hui mais n’ont jamais fait que rechercher la gloire, le
pouvoir et l’argent ?
Traduction : Michel Collon - pour
Investig’Action -

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