Denis Pingaud
Il était
difficile de le rater durant sa première semaine comme Premier ministre :
magazines, presse, télés, Manuel Valls a soigné sa communication auprès du grand
public. Objectif ?
Faire vite oublier Jean-Marc Ayrault et préparer l’opinion à
son discours de politique générale censé ouvrir une « nouvelle
étape » du quinquennat. Mais le professionnalisme du Premier ministre, au
demeurant très classique dans la méthode, ne saurait suffire à renouer la
confiance avec les Français. Le teasing trop appuyé du premier grand discours de
chef de gouvernement pourrait provoquer un sentiment de déception dans
l’opinion.
Des fuites bien organisées et des images soigneusement
filtrées
Le plan com’ était presque parfait. Dès le surlendemain de sa nomination à
Matignon, Manuel Valls apparaît en « une » de Paris Match avec son
épouse. Puis, les fuites sont bien organisées à l’issue du premier Conseil du
nouveau gouvernement : le Premier ministre a donné des « consignes », souligne
son entourage, qui se veulent celles d’un entraîneur : clarté, efficacité,
solidarité. Vient alors la préparation du discours de politique générale à
l’Assemblée Nationale. Les confidences distillées dans le Journal du
Dimanche sont bientôt suivies, lundi, d’images télévisuelles soigneusement
filtrées sur les chaînes d’information. Le message ? La sérénité avant l’examen
de passage devant le Parlement, pour tirer notamment un trait sur l’échec des
négociations avec les écologistes lors de la formation de la nouvelle
équipe.
La mise en scène est on ne peut plus classique. Il s’agit de toucher deux
cibles : les Français, d’une part, agacés par le manque de résultats et les
cafouillages du précédent gouvernement ; les leaders d’opinion, d’autre part,
dont le soutien ou la prudence sont déterminants pour éviter un trop rapide
« Valls bashing ». La popularité de l’ancien Ministre de l’Intérieur, en effet,
était liée à sa fonction. Comme tout chef de gouvernement dans un pays
démocratique en crise économique et sociale, elle devrait logiquement
s’affaisser dans les mois qui viennent. La communication, toutefois, ne se
résume pas au décor ou aux petites phrases. Pour être efficace, elle suppose
d’emmener son public vers de nouveaux horizons, de nouvelles convictions. Le
discours du Premier ministre est-il de nature à faire naître une nouvelle
relation des Français avec le pouvoir ?
Un discours à l’odeur très technocratique
La première impression, à écouter Manuel Valls, est celle de l’exercice
imposé. Le nouveau chef du gouvernement s’est vite concentré, à coups de
milliards d’euros, sur un empilement de mesures d’exonérations fiscales pour les
entreprises et les salariés modestes. Particulièrement attendu, le passage du
discours consacré à la transition énergétique a duré 1 minute et 45 secondes,
sans surprise ni annonce. Les hochements de tête des co-présidents du groupe
écologiste face aux caméras apparaissaient, du coup, comme légèrement surjoués…
En revanche, les effets d’annonce sur la réforme territoriale ouvrent habilement
un champ infini à un débat bien français, qui devrait servir en partie de leurre
pour une opposition à la recherche de joutes politiques.
En vérité, le Premier ministre, dans un style moins « flottant » que son
prédécesseur, a déjà enfilé l’habit technocratique. La caricature en a été
donnée par cette phrase à propos de la réforme des rythmes scolaires : « Le
cadre réglementaire sera assoupli après les concertations nécessaires » ! Le
discours de politique générale manquait singulièrement de souffle et de vision à
l’heure où les Français viennent de sanctionner sévèrement les deux premières
années du quinquennat. Et ce n’est pas la critique de « l’inventivité fiscale »,
sonnant implicitement comme une mise en cause des vertus redistributives de
l’impôt, qui permet de donner sens à cette déclaration de politique générale. À
moins d’y déceler une posture beaucoup plus social-libérale que
social-démocrate…
En témoigne le grand écart soigneusement exécuté entre la confirmation des
allégements de charges pour les entreprises et la restitution de pouvoir
d’achat aux smicards. Le Premier ministre a manifesté énergie et volonté pour
souligner une forme de rupture avec son prédécesseur. En enfourchant le thème de
la force associé à celui de la justice – ce qui lui a permis une citation
classique de Pascal – il donnait une forme de « signature », comme disent les
publicitaires, à la marque Valls, en ligne avec celle du Président de la
République. Mais il n’a pas vraiment traité le sujet qu’il a lui-même évoqué au
début de son intervention.
« Trop de souffrances et pas assez d’espérance »,
telle est son analyse du vote sanction des Français. Son discours manquait
manifestement du volet « espérance », de nature à casser la défiance et éviter
la déception de l’opinion.
Com' c'est bizarre
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