lundi 14 avril 2014

Valls ne touchera pas au coeur du problème français : la fiscalité

Noël Mamère  

Pas un mot sur l’écofiscalité dans le discours de Manuel Valls, attaque de l’écotaxe par Mme Royal : le gouvernement ne veut pas toucher au système fiscal, profondément injuste et anti-écologique.

Ségolène Royal n’a pas attendu 24 heures pour montrer quelle orientation allait être la sienne durant son mandat. En critiquant la « pollutaxe », elle tentait un coup double : tendre la main aux Bonnets rouges tout en marginalisant les écologistes désignés comme les boucs émissaires du « toujours plus d’impôts ». En fustigeant « l‘écologie punitive », elle tentait de mettre de son côté aussi bien les anti-écolos primaires que les classes populaires exaspérées par l’empilement de règles fiscales illisibles et injustes qui remettent en cause le rôle même de l’impôt comme élément de redistribution des richesses.
Les déclarations de la quatrième ministre de l’écologie du quinquennat (!), fondées sur un subterfuge, nous éloignent du vrai et indispensable débat sur la fiscalité écologique. En escamotant les termes de la controverse, l’ex - candidate malheureuse à la présidence de la République fait reculer de plus de dix ans les maigres avancées dans ce domaine sensible de la fiscalité. Ce retour en arrière signe une nouvelle défaite de l’écologie en rase campagne.
Autant le Grenelle de l’environnement avait permis des progrès, qui n’étaient pas seulement sémantiques, en permettant de confronter les positions syndicales patronales et écologistes, autant la capitulation du gouvernement, si elle se confirmait, est une régression qui aura des conséquences à long terme.
Entendons-nous bien, la pollutaxe est loin d’être un impôt parfait. Nous ne l’avions d’ailleurs pas votée à l’époque. Sa mise en place par la société Ecomouv’ ressemble même à un scandale d’Etat. Mais le principe d’une pollutaxe permettant de financer les transports en commun, le fret ferroviaire, le rééquilibrage rail-route est le B.A. BA d’une politique écologique dans les domaines des transports et de l’énergie. Le principe pollueur-payeur, au fondement de cette taxe, est un des éléments essentiels de la régulation écologique.
Les transports routiers pèsent pour 100 à 200 milliards par an dans le produit national brut, si l’on inclue la pollution atmosphérique , le bruit, l’effet de serre, la dépendance pétrolière, le coût des accidents, les infrastructures… La pollutaxe sur les poids lourds ne s’attaque donc qu’à une petite partie de ce coût. Mais ce signal est positif. En le délégitimant, la ministre nie les effets induits des transports routiers sur l’air, la santé, les dégradations de l’environnement. De la part d’une ministre de l’écologie qui doit assurer la préparation de la Conférence Climat en 2015, on pouvait s’attendre à une autre vision du monde. Comment pourra-t-elle porter une loi sur la transition écologique avec un discours réactionnaire au sens premier du mot, sur l’écofiscalité ? La contradiction montre, une fois de plus, que les socialistes n’ont rien compris à l ‘écologie.
Les déclarations de madame Royal n’ont fait que conforter le sentiment d’une politique fiscale illisible autant qu’inefficace, et qui conforte les inégalités. Les niches fiscales des plus favorisés n’ont pas été touchées durant les deux premières années du quinquennat et l’évasion fiscale continue de plus belle malgré les discours lénifiants.
Le tout contribue à délégitimer le consentement à l’impôt qui est pourtant l’un des instruments les plus justes pour mettre en oeuvre des politiques publiques. De ce point de vue, François Hollande a commis deux grandes fautes : la première, de refuser de s’engager, dès l’été 2012, dans la grande réforme fiscale défendue par Thomas Piketty et reprise en grande partie dans son propre programme. La deuxième, de s’engager à reculons dans la mise en place d’une écofiscalité qui aurait changé les bases mêmes de l’impôt. Le déplacement d’une partie des prélèvements du travail vers des taxes environnementales permettrait pourtant de rééquilibrer le financement des dépenses publiques et de contenir les prélèvements sociaux.
À l’automne dernier, Jean-Marc Ayrault avait compris qu’il fallait rompre avec l’immobilisme en matière fiscale en menant de front les réformes de la fusion entre l’impôt sur le revenu, le prélèvement à la source et l’introduction de la fiscalité écologique. Non seulement il n’a pas été suivi mais la désignation du tandem Sapin/ Montebourg au ministère de l’Economie inaugure mal la politique du gouvernement Valls en ce domaine.
Le discours de politique générale du nouveau Premier Ministre vient de le confirmer : la réforme fiscale n’est plus à l’ordre du jour. Pas un mot sur l’écofiscalité. Cela m’a conforté dans ma décision de ne pas voter la confiance à ce gouvernement qui s’entête dans une politique aussi éloignée des préoccupations écologiques.

Il est décidément urgent que les forces de gauche et écologistes, que celles de la société civile qui refusent d’être soumises à la politique des lobbies, se rassemblent pour proposer une alternative sociale, écologique et démocratique.

Photo : NPA

reporterre.net

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