Si
je vous dis que Christophe Oberlin est un ami, vous ne serez pas
surpris. Il écrit et parle de la Palestine, car il la connait très bien.
Chirurgien à l'hôpital Bichat, professeur de médecine à Paris VIII, il
effectue des séjours réguliers à Gaza depuis 2001, où il exerce au
service de la population, avec ses confrères, que sont les grands
médecins de Gaza. Ce peuple palestinien, saigné et meurtri par la
violence des dirigeants d'Israël, aura-t-il le droit d’accéder à la
justice internationale ? Tant de forces s'y opposent...
Voici le texte rédigé par Christophe Oberlin, ce 15 août.
Shayma al-Masri, 4 ans, blessé dans un raid aérien israélien qui a tué sa mère et deux de ses frères et sœurs,
dans un hôpital de la ville de Gaza, le 15 Juillet 2014
* * *
Le
14 aout 2014, Mme la procureure de la Cour Pénale Internationale (ICC) a
rendu sa réponse à Mr Saleem Al Saqqa ministre de la justice
palestinien qui avait déposé le 25 juillet 2014 une plainte pour les
crimes de guerre commis à Gaza (assortie, comme c’est la règle, d’une
déclaration de compétence, c’est-à-dire d’un engagement du plaignant à
coopérer pleinement à l’instruction).
Mme
la procureure a décidé que la Palestine ayant accédé en 2012 au titre
d’Etat non membre de l’ONU, elle ne transmettra pas la plainte pour
instruction à la Chambre préliminaire (pre-trial chamber) au motif que
la plainte initiée en 2009 ne serait plus valable. Les deux procédures
sont donc bloquées. Comme si la Palestine avait changé de nature depuis
ce vote de l’ONU.
Or
la finalité de la Cour est de permettre que les victimes de crimes de
guerre puissent faire juger leurs bourreaux. Le statut de la Cour
Pénale Internationale ne stipule aucunement que les Etats seuls ayant
signé la procédure d’adhésion à la Cour Pénale Internationale peuvent y
recourir. Plusieurs autres procédures sont ainsi prévues. Un simple
procureur peut saisir la Cour, et c’est ce qui a été fait par Mr
Ismaeel Jaber procureur de Gaza. La demande conjointe de Mrs Jaber et Al
Saqqa était parfaitement recevable comme l’ont déclaré plus de 130
professeurs de droits. En arguant de la situation d’Etat non membre de
l’ONU, Mme Bensouda sort de son domaine de compétence juridique pour une
affirmation d’ordre politique, alors que la Cisjordanie est occupée, la
bande de Gaza est soumise à un siège atroce, le président est illégal,
le parlement est fermé, les forces de l’ordre ne sont pas unifiées. Au
nom de quoi bloquer une action en Justice de la Palestine quand elle
veut faire condamner ceux qui, par les armes, empêchent son plein
exercice du pouvoir ?
Le
statut de la Cour Pénale Internationale, en ouvrant d’autres procédures
que celle de la ratification par les Etats, offre la possibilité de
saisine en situation de guerre, et pallie justement à la situation
actuelle de la Palestine qui est celle d’un Etat sous occupation
militaire depuis des décennies. Mme Bensouda a pris le parti d’un clan
occidental militairement surpuissant mais en faillite morale, alors que
la finalité de la Cour est de protéger les victimes.
En
bloquant une procédure légale qui pouvait déboucher sur l’inculpation
de dirigeants israéliens pour crimes de guerre, Mme Bensouda prend
clairement une position politique qui profite à Israël et expose
durablement les populations civiles de Gaza aux canons israéliens. En
dépêchant son ministre des Affaires Etrangères à la Haye pour bloquer la
plainte du 25 juillet 2014, Mr Abbas donne un feu vert à Mr Netanyahu
pour poursuivre son activité meurtrière. Mme Bensouda et Mr Abbas vont
porter conjointement une part de la responsabilité pour chaque crime de
guerre qui se produira à Gaza à partir de ce jour.
Le
blocage de la saisine du 25 juillet 2014 pose la question de la
partialité de la Procureure de la Cour Pénale Internationale, et celle
de poursuites contre certains responsables palestiniens le jour où
s’installera un état de droit en Palestine.
Actualités du Droit
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