Il était une fois un parfum qui doutait de la fleur. ( GP)
La carotte et le tracteur
Quand j’étais enfant, j’étais époustouflé par la Vie. La vraie :
celle que sait saisir un œil d’enfant. Le soleil, la pluie, la lumière,
les orages, les vers de terre, le charme des arcs-en-ciel et la vie des
autres. Parce que la vie des autres est aussi notre vie. Elle fait
partie de ce NOUS qui nous permet d’être UN.
Tout le monde semble avoir oublié.
On manquait souvent de carottes et de pommes de terre. Et les pommes,
on les mangeait quand elles arrivaient l’automne. Ça n’avait pas
d’importance. On s’étonnait des pommes, des fraises des champs, des
filles aux parfums d’été, ne sachant trop si c’était l’étourderie des
fleurs ou celle de leur chaire encore rose.
La Vie.
Comme une œuvre d’art, non pas dans un musée, mais mouvante.
Elle ne s’accroche pas aux murs. Les toiles sont belles, mais elles sont mortes, séchées.
Puis arriva le tracteur.
Et autres machines pour nous aider à passer l’hiver. À mieux cultiver.
Je trouvais que le voisin avait des vaches qui produisait tellement de merde que c’en était dégueulasse.
C’était rien. La Vie se nourrit de la merde.
Le tracteur, c’était bien.
Jusqu’à ce que les compagnies qui vendaient des tracteurs eurent l’idée d’en produire aux seules fins de produire de l’argent.
Le bonheur cessa de passer par l’éblouissement. Le fabricant de
tracteurs finit par penser que le bonheur passe par la possession de la
machine qui permet d’acheter toutes les carottes du monde. Puis
d’acheter tous ceux qui sont en manque de carottes. Pour ça, il faut de
la paperasse. Pour ça nous devinrent tous paperassiers.
Et de force.
Le comptable, l’administrateur, investit la pomme, s’y logea et
vendit le meilleur produit au monde : des machines à faire de l’argent,
sans carottes et sans égards aux buts premiers de l’existence.
Nous étions trahis.
Le tracteur et la banque
Il n’y a pas de lapins à manger dans une banque. Il n’y a pas de
poules qui pondent. Il n’y a qu’un outil – l’argent – pour simplifier le
tout. Le tout devint d’une telle complexité que la recette se vendit
dans les écoles et se répandit comme la peste dans un nouveau dogme,
délaissant les religions, ou leur message réel, toute forme de
spiritualité. Même celle-ci devint marchande, hypocrite, trompeuse,
voire méchante.
Devant les grandes réussites technologiques, l’Homme perdit le peu de
tête qu’il avait, et toute son âme. Fasciné par le tracteur, il en vint
à la conclusion qu’il devait y avoir dans le cosmos une usine à
fabrication de tracteurs. Rien que pour la production.
Le pissenlit fut maltraité. La tomate tachée rejetée.
Dieu était un tracteur.
Ou le fabricant des vendeurs de tracteurs.
Plus tard, les tracteurs purent se parler entre eux, sans fil.
Évidemment, comme on voulait toutes les carottes, on se dit qu’il
fallait défendre tous les terrains sur lesquels pouvaient pousser toutes
les carottes.
L’homme devint une carotte pensante
Soulé de ses réussites, il se dit alors qu’il n’avait plus besoin de
dieu et qu’il n’était pas habité d’aucune vie autre que cette machine
magique. Sa recette était corrompue, sale, plus puante que les bouses
des vaches de mon voisin, enfant.
L’Homme, celui qui se berce et se bombe le torse de l’Histoire de la
philosophie, ne se rendit pas compte qu’il avait découpé ce monde deux
morceaux : la connaissance inutile qui enivrait ceux qui s’y adonnaient.
Les rapports entre les humains ne furent plus les mêmes.
C’était la fête au village global. Le procédé infiltra tout les
systèmes, lentement, insidieusement, injectés dans tous les esprits qui
finirent par percevoir de ce monde que Dieu avait été surpassé par le
tracteur.
École et société
Les humains devinrent des graines à produire. Non pas pour grandir,
mais pour nourrir la compagnie à numéro qui fabriquait des tracteurs.
Car il y a la pensée-tracteur, automatique, aisée, séparant les carottes de la terre…
De là débuta tout le phénomène qui devint épiphénomène.
Les carottes finirent par être des éléments pouvant « nourrir » les banques.
Les effets de la mécanisation et des systèmes paperassiers
Toute belle et affriolante, grimée qu’elle est, cette mécanisation
s’est glissée dans les rapports humains. Elle les a même profondément
transformés. Mais au lieu de les rapprocher, elle les a éloignés. Plus
le système est gros, plus il conserve et attise son attraction pour
cette maladie dont nous sommes tous porteurs. Elle est légitime pour
notre développement, mais de par la résonance sociale, elle peut être
utilisée à mauvais escient. Ce n’est qu’un besoin individuel
inconsciemment ou consciemment utilisé pour une élite dont l’agilité de
l’intellect devient synonyme « d’intelligence ».
Dans le « privé » de l’intellect il n’y a pas de place pour le reste
abandonné, simplement parce qu’il ne peut être encore défini clairement
et transformé en une entité comptable. Quand on est incapable de
l’intégrer, on la met de côté. Obliquement, on s’en départi. Ne sachant
qu’en faire, on se débarrasse du « morceau qui nuit ».
L’erreur du comptable est d’avoir confondu chiffres et humains. La mécanisation a elle aussi été confondue à la Vie.
Le tracteur joue aux dés
La réussite est là. La réussite des vendeurs.
Les gens ont peur de mourir, de ne pouvoir emporter leur ordi là-haut, de disparaître comme les fleurs sous la neige.
On a appris à vivre en comptant ses jours. On a tous un compteur dans le derrière…
Les tracteurs ont une vie. Nous aussi. Une fin. Nous aussi.
Mais c’est tout de même beau de se lever à 5 heures, l’été, et de voir
toute cette bande d’oiseaux chanter, se faire des nids avec des
brindilles, sans être allés à l’université. Et si vous passez en
dessous, il ne vous tombe pas dessus…
Ben ! Ce doit être ça la vie…
Je ne sais pas si vous avez noté… Les oiseaux ne font pas de nids en forme carré ou quadrilatère.

Les gens ont abandonné l’église pour la banque.
C’est elle qui nous a tous mis à genoux…
Ça a été long, ce beau progrès que nous n’étions même pas une pièce de tracteur, ni une carotte… Rien au fond.
C’est ce qu’on a voulu…
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