Ghaza/Beit Ezeitoun
Premier tableau
La petite fille aux yeux bleus a cinq
ans. Elle a vu saigner les poules et égorger le mouton de l’Aïd El Kébir. Elle
sait qu’on tue les animaux pour se nourrir de leur chair. Elle a aussi entendu
parler de la mort. Ce mot qu’on voudrait qu’elle ignorât, elle le prononce
parfois ; il provoque en elle de graves réflexions ; « les gens on ne les tue pas,
pourtant… », se dit-elle ; et un jour, levant vers son père ses
yeux d’un bleu candide, elle demande : «Papa,
les gens, comment qu’ils font pour être morts… ».
Deuxième tableau
La petite fille aux yeux bleus, un jour
où son père était absent, sort dans la rue et voit des cadavres d’enfants. Elle
les regarde. En haut, dans le ciel, des avions passent en lâchant des boîtes.
Pour la petite fille c’est des boîtes qui font boum !
Elle a vu saigner les poules et égorger
le mouton de l’Aid. Elle n’avait jamais vu mourir des enfants et se faire tuer
avec des boîtes qui font boum !
Elle a eu peur, s’est mise à pleurer et
rentre paniquée à la maison.
Troisième tableau
- «Papa,
j’ai vu tomber du ciel des boîtes qui font boum et des enfants mourir
comme les poules et le mouton de l’Aïd.»
- «Oublie ça, ma fille, ce ne sont que des boîtes. Tu comprendras quand tu seras grande».
-
« Et quand je serais grande ? »
-
«Peut-être, si Dieu le veut, bientôt»
-
« Et je verrai des boîtes tomber, quand je serai grande».
-
« Je n’en sais rien, ma fille.»
-« Papa,
j’ai vu des enfants morts comme les poules et le mouton de l’Aid. Ca aussi je le verrai quand je serai grande.»
-
« Je n’en sais rien, ma fille. Peut-être pas.»
-
« Papa, achète-moi des boîtes pour tuer les poules et le mouton de l’Aïd.
Je ne tuerai pas des enfants.»
-
« Non ma fille, je ne t’achèterai pas des boîtes pour tuer les poules et
le mouton de l’Aïd. Je t’achèterai des boîtes de bonbons pour les offrir à tous
les enfants du monde.»
Abderrah
ane Zakad – Urbaniste/Romancier – Alger – Août 2014
* Le mot HUMOUR paraîtrait déplacé à
certains alors que des Gaghaouis meurent par centaines. Je rappelle que
l’humour est un moyen et une arme de dérision qui permet l’éveil. Les poètes,
les écrivains, les billettistes (assassinat de Mekbel) ont été à l’avant-garde
du combat par l’esprit. Pour la justice et la liberté. (A.Z)


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