dimanche 17 août 2014

Moyen-Orient : l’aveuglant trompe l’œil (eyes wide shut)


Woodward et Newton

Youpi c’est reparti ! Deux frappes aériennes US jeudi et vendredi du côté d’Erbil au Kurdistan contre les troupes d’al-Baghdadi…Mais c’est quoi ce bordel ? 
 
 Petite session de rattrapage en 3 épisodes pour les Nuls qui aimeraient bien comprendre ce qui se passe au Moyen-Orient et savoir s’il ne s’agit pas d’une vaste campagne mondiale de diversion  pour nous faire oublier un moment que du côté de chez nous, la courbe du chômage refuse obstinément de s’inverser et qu’il vaudrait mieux oublier une fois pour toutes la fable du retour au 3% de déficit budgétaire quel qu’en soit l’échéance.

Tout et son contraire

Le Moyen Orient est sans doute l’endroit du monde qui illustre le mieux l’absence de stratégie à long terme des grandes puissances qui prétendent y jouer un rôle mais se bornent à appliquer l’adage : « les ennemis de mes ennemis sont forcément mes amis ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les citoyens ordinaires que nous sommes, n’y comprennent plus rien sur ces alliances contre nature.
En particulier sur les motifs véritables du soutien inconditionnel et aujourd’hui quasi unique de l’Oncle Sam à Israël, sur la responsabilité d’Israël dans la création et la montée en puissance du Hamas son meilleur repoussoir, à l’instar de son alliés US qui est à l’origine du phénomène Taliban, et sur l’incapacité de Washington à tirer les conséquences définitives des deux plus grands échecs de sa politique extérieures à savoir, l’Irak et l’Afghanistan où les Etats Unis se sont engagés lourdement en pure perte au nom de la lutte contre le terrorisme international.
L’Irak. Tout a déjà été dit et redit sur les prétendues armes de destruction massive et le tribut effrayant qu’a payé la société civile irakienne à l’aventure militaire américaine qui s’est terminée officiellement sans gloire en 2011.  
Dieu merci pour le complexe militaro-industriel mondial, sont apparus depuis dans le paysage de la région, deux phénomènes de nature à entretenir la tension locale et une consommation militaire soutenue : d’une part la révolte d’une partie des Syriens contre Bachar al-Assad auxquels sont venus prêter main forte, les multicartes du djihadisme planétaire, et d’autre part, l’apparition ex-nihilo dans le paysage local du « Calife Ibrahim » et sa petite équipe en apparence ultra performante de              12 000 hommes à peine, sur le point de défaire en quelques semaines, ce que les américains ont cru y faire en 12 ans. 
Lequel calife s’est mis en tête – et n’a rencontré jusqu’à présent qu’une très faible résistance – d’instaurer un Etat Islamique (EI) qui couvrirait l’Ouest de l’Irak et la Syrie orientale.

Le Calife à la Rolex

Ibrahim Awad Ibrahim Ali al-Badri , Abu Bakr al-Baghdadi pour les intimes, arrive de nulle part ou presque. Le 29 juin, premier jour du premier mois du ramadan, il s’est proclamé Calife, autrement dit dirigeant politique et commandeur des croyants, et a appelé tous les musulmans à lui prêter allégeance lors d’un prêche dans la mosquée de Mossoul. Une requête fraîchement accueillie semble-t-il par la majorité de ses concurrents les plus directs. 
Mossoul est la ville que sa petite troupe a conquis quelques semaines plus tôt en mettant inexplicablement en déroute « l’armée irakienne » reconstruite à prix d’or par les américains qui, avant de boucler leurs paquetages, ont mis en place un régime fantoche dirigé par le Chiite – c’est fondamental – Nouri al-Maliki.
C’est en 2009 que Abu Bakr al-Baghdadi a rejoint les rangs de l’Etat Islamique en Irak, nouvelle marqué déposée par Al-Qaida en Mésopotamie.
Par chance pour lui, les chefs de l’association seront rayés de la carte en 2010 et c’est donc lui qui prend le relais. Très vite, il envoie des hommes en Syrie qui se joindront au combat contre le régime de Bachar al-Assad, et rebaptise – si l’on peut dire – son club très fermé d’obédience Sunnite, Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) qui lance une offensive surprise et foudroyante en Irak contre les troupes du premier ministre irakien Al-Maliki qui va demander – sans grand succès – l’aide des américains pour barrer la route de Bagdad au calife…
C’est bizarrement la raclée infligée aux Kurdes la semaine dernière, alliés de circonstances du gouvernement irakien, qui va précipiter la réaction yankee. Pas le moindre des paradoxes… 
Jeudi 7 août, 2 chasseurs F18 ont copieusement arrosé de bombes de 500 livres guidées au laser, une unité d’artillerie mobile qui faisait des dégâts du côté de la capitale régionale Kurde d’Erbil où un contingent américain de « conseillers militaires » est toujours stationné. 
La deuxième couche – provisoire ? – est passée le lendemain vendredi 8 août. D’abord avec un drone qui met en pièces une unité de mortier vers 10 heures du matin. Puis vers 11 heures et demi, c’est au tour de 4 chasseurs F18 de larguer 8 nouvelles bombes guidées au laser sur un convoi de 7 véhicules et une position de mortiers.
Sitôt les chasseurs rentrés de mission, le vice président américain Joe Biden a passé un petit coup de fil au président ornemental irakien Fouad Masum, pour lui dire que malgré le retard à l’allumage, l’Oncle Sam ne le laissait pas tomber.
Histoire de calmer l’opinion publique américaine qui se demande à quel jeu joue le pays, Obama avait néanmoins pris soin de déclarer la veille : « Je sais que beaucoup d’entre-vous sont légitimement soucieux de toute action militaire américaine en Irak, même des frappes limitées comme celles d’aujourd’hui. Je le comprend parfaitement. J’ai notamment fait acte de candidature à la présidence pour mettre un terme à la guerre en Irak et être présent pour accueillir nos troupes à leur retour, et c’est ce que nous avons fait. En qualité de Commandant en Chef, je ne laisserai pas les Etats Unis se voir impliqués dans une nouvelle guerre en Irak…. » .
Le retour des USA dans la danse irakienne, fut-ce sur la pointe des pieds, a fait monter d’un cran, les interrogations sur l’EIIL et son dirigeant Abu Bakr al-Baghdadi dont on sait de manière à peu près sûre qu’il a été arrêté en 2005 et a passé 4 ans en détention dans le camp d’internement militaire américain Bucca près de Umm Qasr au sud de l’irak de 2005 à 2008. Le camp a été fermé le 17/09/2009.
 Compte tenu de son pedigree, les conditions de sa libération alimentent aujourd’hui tous les fantasmes et les délires des complotistes assermentés : (« NSA doc reveals ISIS leader Al-Baghdadi is US, British and israeli Intelligence Asset »  qui donne en français, « un document de la NSA révèlerait que le chef de l’ISIS Al-Baghadi serait un agent des services de renseignement américains, anglais et israélien ».
Cryptome, site de whistleblowing américain de références et d’autres fins limiers, se sont immédiatement lancés sur la piste du document dont l’origine ne pourrait être que Edward Snowden en interrogeant tous ses distributeurs habituels dans les médias. Sans résultat pour l’instant. 
On trouve même sur la Toile depuis quelques jours, des affirmations selon lesquelles le « Calife Ibrahim » serait en réalité un comédien israélien du nom de Simon Eliott (Shamon Aylot) recruté par Israël et ses alliés pour mettre en œuvre l’opération « nid de guêpes » consistant à créer un pôle d’attraction suffisamment puissant pour mobiliser le gratin mondial du djihadisme sous une même bannière afin de les éliminer plus facilement.
Quoi qu’il en soit, comment expliquer qu’une armée au demeurant modeste ait pu obtenir de tels résultats en si peu de temps au nez et à la barbe du pouvoir Irakien et de son mécène US ?

Une première diversion ?

Rares sont les observateurs du bourbier Proche Oriental à souligner publiquement que le tour de chauffe US contre le « Calife à la Rolex » (qu’il arborait de manière fort singulière lors de son prêche de Mossoul) a eu comme première conséquence mécanique, d’atténuer un brin la pression qui pèse sur les épaules d’Israël à la suite de son opération dite « Bordures de Protection » contre Gaza et sa malheureuse population civile otage du coup de Calgon inexplicable du Hamas. 
Même si le gouvernement israélien fait mine d’être droit dans ses bottes, il n’en mène pas large sur la scène internationale. Au point que d’après la livraison de jeudi 7 août du quotidien New York Post, une délégation de parlementaires américains invitée à Jérusalem par l’AIPAC (Comité des Affaires Publiques Américaines et Israéliennes) le plus puissant organe de lobbying d’Israël aux USA, a été reçue par le Premier Ministre Binyamin Netanyahu mercredi 6 août qui leur a confié une mission singulière : activer tous leurs réseaux pour aider certains dirigeants israéliens à éviter de se retrouver devant la Cour pénale Internationale pour crimes de guerre ! 
C’est en tous cas ce qu’aurait confié au New York Post un certain Steve Israel, Représentant Démocrate de New York, du voyage à Jérusalem : (« …Le Premier Ministre nous a demandé de travailler ensemble afin de faire échouer la stratégie de la Cour Pénale Internationale. Il veut que les Etats Unis utilisent tous les moyens à leur disposition pour, premièrement, que le monde sache qu’Israël n’a pas commis de crimes de guerre, mais qu’ils l’ont été par le Hamas, et deuxièmement pour qu’Israël soit traité de manière impartiale et équitable… ».
 Des propos repris par le quotidien Jérusalem Post du même jour, qui précise en outre que : «… la radio israélienne a indiqué que le Haut Commandement militaire israélien se prépare à livrer des batailles judiciaires dans la perspective d’accusations de crimes de guerre dans les forums internationaux à la suite de la campagne de près d’un mois contre le Hamas dans la bande de Gaza… »

De plus et de manière assez troublante il faut bien en convenir, il est aujourd’hui établi qu’Israël accueille des combattants djihadistes grièvement blessés engagés dans le combat contre le régime de Bachar al-Assad pour leur prodiguer une assistance médicale. En février de cette année, le Premier Ministre Benyamin Netanyahu lui-même n’a-t-il pas été photographié dans l’un des centres de soins serrant la main de l’un d’entre-eux ? Il serait intéressant de découvrir la proportion de la grosse centaine de combattants blessés en Syrie et soignés en Israel, membre de l’Amicale d’Al-Baghdadi…

bakchich.info

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