Youpi c’est reparti ! Deux frappes aériennes US jeudi et vendredi du
côté d’Erbil au Kurdistan contre les troupes d’al-Baghdadi…Mais c’est
quoi ce bordel ?
Petite session de rattrapage en 3 épisodes pour les Nuls qui
aimeraient bien comprendre ce qui se passe au Moyen-Orient et savoir
s’il ne s’agit pas d’une vaste campagne mondiale de diversion pour nous
faire oublier un moment que du côté de chez nous, la courbe du chômage
refuse obstinément de s’inverser et qu’il vaudrait mieux oublier une fois pour toutes la fable du retour au 3% de déficit budgétaire quel qu’en soit l’échéance.
Tout et son contraire
Le Moyen Orient est sans doute l’endroit du monde qui illustre le
mieux l’absence de stratégie à long terme des grandes puissances qui
prétendent y jouer un rôle mais se bornent à appliquer l’adage : « les
ennemis de mes ennemis sont forcément mes amis ». C’est d’ailleurs la
raison pour laquelle les citoyens ordinaires que nous sommes, n’y
comprennent plus rien sur ces alliances contre nature.
En particulier sur les motifs véritables du soutien inconditionnel et
aujourd’hui quasi unique de l’Oncle Sam à Israël, sur la responsabilité
d’Israël dans la création et la montée en puissance du Hamas son
meilleur repoussoir, à l’instar de son alliés US qui est à l’origine du
phénomène Taliban, et sur l’incapacité de Washington à tirer les
conséquences définitives des deux plus grands échecs de sa politique
extérieures à savoir, l’Irak et l’Afghanistan où les Etats Unis se sont
engagés lourdement en pure perte au nom de la lutte contre le terrorisme
international.
L’Irak. Tout a déjà été dit et redit sur les prétendues armes de
destruction massive et le tribut effrayant qu’a payé la société civile
irakienne à l’aventure militaire américaine qui s’est terminée
officiellement sans gloire en 2011.
Dieu merci pour le complexe militaro-industriel mondial, sont apparus
depuis dans le paysage de la région, deux phénomènes de nature à
entretenir la tension locale et une consommation militaire soutenue : d’une part la révolte d’une partie des Syriens contre Bachar al-Assad
auxquels sont venus prêter main forte, les multicartes du djihadisme
planétaire, et d’autre part, l’apparition ex-nihilo dans le paysage
local du « Calife Ibrahim » et sa petite équipe en apparence ultra
performante de 12 000 hommes à peine, sur le point de
défaire en quelques semaines, ce que les américains ont cru y faire en
12 ans.
Lequel calife s’est mis en tête – et n’a rencontré jusqu’à présent
qu’une très faible résistance – d’instaurer un Etat Islamique (EI) qui
couvrirait l’Ouest de l’Irak et la Syrie orientale.
Le Calife à la Rolex
Ibrahim Awad Ibrahim Ali al-Badri , Abu Bakr al-Baghdadi pour les
intimes, arrive de nulle part ou presque. Le 29 juin, premier jour du
premier mois du ramadan, il s’est proclamé Calife, autrement dit
dirigeant politique et commandeur des croyants, et a appelé tous les
musulmans à lui prêter allégeance lors d’un prêche dans la mosquée de
Mossoul. Une requête fraîchement accueillie semble-t-il par la majorité
de ses concurrents les plus directs.
Mossoul est la ville que sa petite troupe a conquis quelques semaines
plus tôt en mettant inexplicablement en déroute « l’armée irakienne »
reconstruite à prix d’or par les américains qui, avant de boucler leurs
paquetages, ont mis en place un régime fantoche dirigé par le Chiite –
c’est fondamental – Nouri al-Maliki.
C’est en 2009 que Abu Bakr al-Baghdadi a rejoint les rangs de l’Etat
Islamique en Irak, nouvelle marqué déposée par Al-Qaida en Mésopotamie.
Par chance pour lui, les chefs de l’association seront rayés de la
carte en 2010 et c’est donc lui qui prend le relais. Très vite, il
envoie des hommes en Syrie qui se joindront au combat contre le régime
de Bachar al-Assad, et rebaptise – si l’on peut dire – son club très
fermé d’obédience Sunnite, Etat Islamique en Irak et au Levant
(EIIL) qui lance une offensive surprise et foudroyante en Irak contre
les troupes du premier ministre irakien Al-Maliki qui va demander – sans
grand succès – l’aide des américains pour barrer la route de Bagdad au
calife…
C’est bizarrement la raclée infligée aux Kurdes la semaine dernière,
alliés de circonstances du gouvernement irakien, qui va précipiter la
réaction yankee. Pas le moindre des paradoxes…
Jeudi 7 août, 2 chasseurs F18 ont copieusement arrosé de bombes de
500 livres guidées au laser, une unité d’artillerie mobile qui faisait
des dégâts du côté de la capitale régionale Kurde d’Erbil où un
contingent américain de « conseillers militaires » est toujours
stationné.
La deuxième couche – provisoire ? – est passée le lendemain vendredi 8
août. D’abord avec un drone qui met en pièces une unité de mortier vers
10 heures du matin. Puis vers 11 heures et demi, c’est au tour de 4
chasseurs F18 de larguer 8 nouvelles bombes guidées au laser sur un
convoi de 7 véhicules et une position de mortiers.
Sitôt les chasseurs rentrés de mission, le vice président américain
Joe Biden a passé un petit coup de fil au président ornemental irakien
Fouad Masum, pour lui dire que malgré le retard à l’allumage, l’Oncle
Sam ne le laissait pas tomber.
Histoire de calmer l’opinion publique américaine qui se demande à
quel jeu joue le pays, Obama avait néanmoins pris soin de déclarer la
veille : « Je sais que beaucoup d’entre-vous sont légitimement
soucieux de toute action militaire américaine en Irak, même des frappes
limitées comme celles d’aujourd’hui. Je le comprend parfaitement. J’ai
notamment fait acte de candidature à la présidence pour mettre un terme à
la guerre en Irak et être présent pour accueillir nos troupes à leur
retour, et c’est ce que nous avons fait. En qualité de Commandant en
Chef, je ne laisserai pas les Etats Unis se voir impliqués dans une
nouvelle guerre en Irak…. » .
Le retour des USA dans la danse irakienne, fut-ce sur la pointe des
pieds, a fait monter d’un cran, les interrogations sur l’EIIL et son
dirigeant Abu Bakr al-Baghdadi dont on sait de manière à peu près sûre
qu’il a été arrêté en 2005 et a passé 4 ans en détention dans le camp
d’internement militaire américain Bucca près de Umm Qasr au sud de
l’irak de 2005 à 2008. Le camp a été fermé le 17/09/2009.
Compte tenu de son pedigree, les conditions de sa libération
alimentent aujourd’hui tous les fantasmes et les délires des
complotistes assermentés : (« NSA doc reveals ISIS leader Al-Baghdadi is US, British and israeli Intelligence Asset » qui donne en français, « un
document de la NSA révèlerait que le chef de l’ISIS Al-Baghadi serait
un agent des services de renseignement américains, anglais et israélien ».
Cryptome, site de whistleblowing américain de références et d’autres
fins limiers, se sont immédiatement lancés sur la piste du document dont
l’origine ne pourrait être que Edward Snowden en interrogeant tous ses
distributeurs habituels dans les médias. Sans résultat pour l’instant.
On trouve même sur la Toile depuis quelques jours, des affirmations
selon lesquelles le « Calife Ibrahim » serait en réalité un comédien
israélien du nom de Simon Eliott (Shamon Aylot) recruté par Israël et
ses alliés pour mettre en œuvre l’opération « nid de guêpes » consistant
à créer un pôle d’attraction suffisamment puissant pour mobiliser le
gratin mondial du djihadisme sous une même bannière afin de les éliminer
plus facilement.
Quoi qu’il en soit, comment expliquer qu’une armée au demeurant
modeste ait pu obtenir de tels résultats en si peu de temps au nez et à
la barbe du pouvoir Irakien et de son mécène US ?
Une première diversion ?
Rares sont les observateurs du bourbier Proche Oriental à
souligner publiquement que le tour de chauffe US contre le « Calife à la
Rolex » (qu’il arborait de manière fort singulière lors de son prêche
de Mossoul) a eu comme première conséquence mécanique, d’atténuer un
brin la pression qui pèse sur les épaules d’Israël à la suite de son
opération dite « Bordures de Protection » contre Gaza et sa malheureuse
population civile otage du coup de Calgon inexplicable du Hamas.
Même si le gouvernement israélien fait mine d’être droit dans ses
bottes, il n’en mène pas large sur la scène internationale. Au point que
d’après la livraison de jeudi 7 août du quotidien New York Post, une
délégation de parlementaires américains invitée à Jérusalem par l’AIPAC
(Comité des Affaires Publiques Américaines et Israéliennes) le plus
puissant organe de lobbying d’Israël aux USA, a été reçue par le Premier
Ministre Binyamin Netanyahu mercredi 6 août qui leur a confié une
mission singulière : activer tous leurs réseaux pour aider certains
dirigeants israéliens à éviter de se retrouver devant la Cour pénale
Internationale pour crimes de guerre !
C’est en tous cas ce qu’aurait confié au New York Post un certain
Steve Israel, Représentant Démocrate de New York, du voyage à
Jérusalem : (« …Le Premier Ministre nous a demandé de travailler
ensemble afin de faire échouer la stratégie de la Cour Pénale
Internationale. Il veut que les Etats Unis utilisent tous les moyens à
leur disposition pour, premièrement, que le monde sache qu’Israël n’a
pas commis de crimes de guerre, mais qu’ils l’ont été par le Hamas, et
deuxièmement pour qu’Israël soit traité de manière impartiale et
équitable… ».
Des propos repris par le quotidien Jérusalem Post du même jour, qui précise en outre que : «… la
radio israélienne a indiqué que le Haut Commandement militaire
israélien se prépare à livrer des batailles judiciaires dans la
perspective d’accusations de crimes de guerre dans les forums
internationaux à la suite de la campagne de près d’un mois contre le
Hamas dans la bande de Gaza… »
De plus et de manière assez troublante il faut bien en convenir, il
est aujourd’hui établi qu’Israël accueille des combattants djihadistes
grièvement blessés engagés dans le combat contre le régime de Bachar
al-Assad pour leur prodiguer une assistance médicale. En février de
cette année, le Premier Ministre Benyamin Netanyahu lui-même n’a-t-il
pas été photographié dans l’un des centres de soins serrant la main de
l’un d’entre-eux ? Il serait intéressant de découvrir la proportion de
la grosse centaine de combattants blessés en Syrie et soignés en Israel,
membre de l’Amicale d’Al-Baghdadi…
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