samedi 16 août 2014

On peut dire qu’il s’agit du commencement de la fin.

Tom Dispatch    

La semaine dernière s’est éteint à l’âge de 93 ans, Theodore Van Kirk dit le « Hollandais », le dernier des douze hommes qui composaient l’équipage de l’Enola Gay (ainsi nommé en l’honneur de la mère du pilote), l’avion qui largua la bombe atomique sur Hiroshima.

Quand cette première bombe A a été larguée de la soute du bombardier à 8h15 le 6 août 1945 et a commencé sa descente vers son objectif, le pont Aioi (« Vivre Ensemble » en japonais), elle portait une série de messages adressés au Japon, dont certains étaient choquants : « Salutations à l’Empereur, de la part de l’équipage de l’Indianapolis ». (L’Indianapolis était le nom du navire qui avait convoyé jusqu’à l’île de Tinian, dans le Pacifique, les pièces détachées de la bombe qui allait transformer Hiroshima en enfer de fumée et de feu – « cet affreux nuage » selon les mots de Paul Tibbetts Jr., le pilote de l’Enola Gay – L’Indianapolis fut par la suite torpillé par un sous-marin japonais, entraînant la perte de plusieurs centaines de marins).
La bombe, surnommée Little Boy, en gestation dans le ventre de l’Enola Gay, ne représentait pas seulement la fin d’une âpre guerre mondiale qui avait causé une destruction presque inimaginable, mais aussi la naissance de quelque chose de nouveau. Son utilisation s’était inscrite dans la lignée d’une évolution de la tactique militaire : prendre de plus en plus les populations civiles comme cible d’attaques aériennes (une chose qui peut être encore observée aujourd’hui avec le carnage à Gaza). L’histoire de cette sinistre évolution remonte aux bombardements aériens de Londres par l’Allemagne (1915), en passant par Guernica (1935), Shanghai (1937) et Coventry (1940), jusqu’aux bombardements incendiaires de Dresde (1945) et Tokyo (1945) dans la dernière année de la Seconde Guerre mondiale. Cette tendance a même eu une histoire évolutive dans l’imaginaire des hommes, puisque pendant des décennies, des écrivains (entre autres) avaient rêvé de la libération sans précédent de formes d’énergie inconnues à des fins militaires.
Le 7 août 1945, une époque s’achevait et une autre commençait. À l’ère du nucléaire, les armes capables de détruire des villes entières allaient proliférer et se propager depuis les superpuissances vers de nombreux autres pays, dont la Grande-Bretagne, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël. Parmi les cibles des plus grands arsenaux nucléaires de la planète allaient figurer non seulement les civils non pas d’une seule, mais de dizaines de villes, voire de la planète entière. Le 6 août, il y a 70 ans, la possibilité d’une apocalypse est passée des mains de Dieu ou des dieux à celles des hommes, ce qui voulait dire qu’une nouvelle page d’Histoire avait commencé, à l’issue imprévisible. Nous savons cependant qu’un conflit nucléaire même « limité » entre l’Inde et le Pakistan dévasterait non seulement l’Asie du Sud, mais sèmerait une famine étendue sur toute la planète, en raison du phénomène connu sous le nom d’hiver nucléaire.
En d’autres termes, 70 ans après, l’apocalypse, c’est nous. Pourtant aux États-Unis, la seule bombe nucléaire dont vous entendrez jamais parler est celle de l’Iran (même si ce pays ne possède pas une telle arme).

Pour une discussion sérieuse à propos de l’arsenal nucléaire américain, soit plus de 4 800 armes de moins en moins bien entretenues qui pourraient vitrifier plusieurs planètes de la taille de la Terre, il ne faut pas lire les principaux journaux du pays ou écouter les journaux télévisés, mais plutôt écouter le comique John Oliver ou encore lire le chroniqueur régulier du site Tom Dispatch, Noam Chomsky.

Source : Tom, 5 aout 2014

Lire : Combien de minutes avant minuit ? Hiroshima Day 2014 par Noam Chomsky ICI


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