Tom Dispatch
La semaine
dernière s’est éteint à l’âge de 93 ans, Theodore Van Kirk dit le «
Hollandais », le dernier des douze hommes qui composaient l’équipage de l’Enola Gay
(ainsi nommé en l’honneur de la mère du pilote), l’avion qui largua la
bombe atomique sur Hiroshima.
Quand cette première bombe A a été larguée
de la soute du bombardier à 8h15 le 6 août 1945 et a commencé sa
descente vers son objectif, le pont Aioi (« Vivre Ensemble » en
japonais), elle portait une série de messages adressés au Japon, dont
certains étaient choquants : « Salutations à l’Empereur, de la part de l’équipage de l’Indianapolis
». (L’Indianapolis était le nom du navire qui avait convoyé jusqu’à
l’île de Tinian, dans le Pacifique, les pièces détachées de la bombe qui
allait transformer Hiroshima en enfer de fumée et de feu – « cet
affreux nuage » selon les mots de Paul Tibbetts Jr., le pilote de
l’Enola Gay – L’Indianapolis fut par la suite torpillé par un sous-marin
japonais, entraînant la perte de plusieurs centaines de marins).
La bombe, surnommée Little Boy, en gestation dans le ventre de l’Enola Gay,
ne représentait pas seulement la fin d’une âpre guerre mondiale qui
avait causé une destruction presque inimaginable, mais aussi la
naissance de quelque chose de nouveau. Son utilisation s’était inscrite
dans la lignée d’une évolution de la tactique militaire : prendre de
plus en plus les populations civiles comme cible d’attaques aériennes
(une chose qui peut être encore observée aujourd’hui avec le carnage à
Gaza). L’histoire de cette sinistre évolution remonte aux bombardements
aériens de Londres par l’Allemagne (1915), en passant par Guernica
(1935), Shanghai (1937) et Coventry (1940), jusqu’aux bombardements
incendiaires de Dresde (1945) et Tokyo (1945) dans la dernière année de
la Seconde Guerre mondiale. Cette tendance a même eu une histoire
évolutive dans l’imaginaire des hommes, puisque pendant des décennies,
des écrivains (entre autres) avaient rêvé de la libération sans
précédent de formes d’énergie inconnues à des fins militaires.
Le 7 août 1945, une époque s’achevait et une autre commençait. À
l’ère du nucléaire, les armes capables de détruire des villes entières
allaient proliférer et se propager depuis les superpuissances vers de
nombreux autres pays, dont la Grande-Bretagne, la Chine, l’Inde, le
Pakistan, la Corée du Nord et Israël. Parmi les cibles des plus grands
arsenaux nucléaires de la planète allaient figurer non seulement les
civils non pas d’une seule, mais de dizaines de villes, voire de la
planète entière. Le 6 août, il y a 70 ans, la possibilité d’une
apocalypse est passée des mains de Dieu ou des dieux à celles des
hommes, ce qui voulait dire qu’une nouvelle page d’Histoire avait
commencé, à l’issue imprévisible. Nous savons cependant qu’un conflit
nucléaire même « limité » entre l’Inde et le Pakistan dévasterait non
seulement l’Asie du Sud, mais sèmerait une famine étendue sur toute la
planète, en raison du phénomène connu sous le nom d’hiver nucléaire.
En d’autres termes, 70 ans après, l’apocalypse, c’est nous. Pourtant
aux États-Unis, la seule bombe nucléaire dont vous entendrez jamais
parler est celle de l’Iran (même si ce pays ne possède pas une telle
arme).
Pour une discussion sérieuse à propos de l’arsenal nucléaire
américain, soit plus de 4 800 armes de moins en moins bien entretenues
qui pourraient vitrifier plusieurs planètes de la taille de la Terre, il
ne faut pas lire les principaux journaux du pays ou écouter les
journaux télévisés, mais plutôt écouter le comique John Oliver ou encore
lire le chroniqueur régulier du site Tom Dispatch, Noam Chomsky.
Lire : Combien de minutes avant minuit ? Hiroshima Day 2014 par Noam Chomsky ICI
Les Crises
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire