José Fort
On en reste béat d’admiration. On a même envie de dire : chapeau les
artistes. La politique étrangère de la France, hier avec Sarkozy,
aujourd’hui avec Hollande restera dans les annales comme exemplaire,
forte, créative. À coup sûr, des années fondatrices d’une nouvelle
démarche originale et conquérante.
Déjà, avant, tout avait
fonctionné à merveille avec l’équipe rapprochée de Sarkozy : l’ancien
gauchiste transféré au PS, le Thénardier de la politique, je veux dire
Bernard Kouchner aujourd’hui dans le « conseil » aux dictatures
africaines, et son copain Bernard Henri Levy, le « philosophe » en panne
de lecteurs, reconverti lui aussi dans le « conseil » en matière de
géopolitique toujours du côté du manche. Si possible, bien huilé.
Ah,
la belle époque, celle où l’on s’extasiait de l’efficacité de Sarkozy
dans la crise géorgienne avec comme résultat 20% du territoire de
l’ancienne patrie de Staline passant du côté russe. Ah, la formidable
construction que cette « Union pour la Méditerranée », un flop se
terminant par le printemps arabe et la France généreuse, par la voix de
sa ministre des Affaires étrangères, Mme Alliot-Marie, offrant « notre
savoir faire en matière de sécurité » à Ben Ali. Que du bonheur, que du
succès. Sans conteste, c’est bien l’aventure libyenne qui a marqué la
capacité propulsive de la politique internationale française de cette
époque. On se souvient du général en chef BHL appelant à l’assaut contre
Tripoli du haut des marches de l’Elysée et Sarkozy donnant le top
départ aux Rafales. Avec le splendide résultat que nous vivons
aujourd’hui et alors qu’un parachutage de BHL sur Benghazi serait du
meilleur effet. Pourtant, des diplomates français avaient eu
l’outrecuidance de rouspéter dans une tribune publiée dans Le Monde.
Ils se présentaient comme "un groupe de diplomates français de
générations différentes, certains actifs, d’autres à la retraite, et
d’obédiences politiques variées". Ils affirmaient : "L’Europe est
impuissante, l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la
Chine nous a domptés et Washington nous ignore". "La voix de la France a
disparu dans le monde."
La raison profonde de cet enlisement ?
"Notre politique étrangère est placée sous le signe de l’improvisation
et d’impulsions successives qui s’expliquent souvent par des
considérations de politique intérieure" (...) des erreurs auraient pu
être évitées, imputables à l’amateurisme, à l’impulsivité et aux
préoccupations médiatiques à court terme." Dans leur viseur, pêle-mêle :
une Union pour la Méditerranée "sinistrée", une politique au
Moyen-Orient "devenue illisible". « Nous sommes à l’heure où des préfets
se piquent de diplomatie, déploraient-ils, où les « plumes » conçoivent
de grands desseins, où les réseaux représentants des intérêts privés et
les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés".
Les
signataires ne connaissaient pas encore le parcours d’un « exemple » de
la diplomatie sarkoziste, le dénommé Boris Boyon : mafiosi à Bagdad,
insultant à Tunis, pour finir trafiquant à Paris en se faisant arrêter
Gare du Nord avec près de 400.000 euros en liquide dans les poches.
J’oubliais la libération des infirmières bulgares « obtenue » par
l’ancienne épouse du président, où plutôt par Claude Guéant qui avait
ses entrées sous la tente de Kadhafi et d’amicales relations avec les
porteurs de mallettes argentées ainsi que la presque rupture avec le
Mexique pour une sombre affaire de rapt. Que du succès, que du prestige.
Et rien, rien du tout – pour Salah Hamouri, notre compatriote enfermé
sept ans dans les geôles israéliennes pour de simples supputations. En
fait, la voix de la France est devenue la risée du monde. On aurait pu
se dire « Mais ça, c’était avant. »
Avec l’arrivée de Hollande on
allait voir ce qu’on allait voir. Or, ce n’est plus seulement du
bling-bling auquel nous assistons, c’est aussi une série d’engagements
politiques à faire se retourner dans sa tombe le célèbre et talentueux
diplomate Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.
Comme pour la
Libye et avec le même « conseiller spécial », le sinistre BHL, alors
qu’il fallait écouter et aider l’opposition laïque et démocratique
syrienne, les nouveaux chefs de guerre parisiens frémissaient à l’idée
de bombarder Damas. Patatras, Washington n’a pas suivi. À Kiev, le très
modeste et humble Fabius se vantait d’avoir été le « moteur » d’un
accord qui en fait a favorisé l’arrivée au pouvoir du roi du chocolat
et sa clique plus réac tu meurs, et une guerre dans l’est de l’Ukraine.
Le couple Hollande-Fabius roule des mécaniques devant les Russes, envoie
des avions de chasse en Pologne tandis que les rusés Allemands
composent une autre musique avec Poutine. Faut-il ajouter l’Afrique et
l’enlisement au Mali, la protection du nouveau pouvoir corrompu et
répressif en Côte d’Ivoire ; faut-il ajouter l’interdiction de survol du
territoire français de l’avion présidentiel bolivien...
C’est
surtout l’alignement de la politique française sur celle de Netanyahou
qui marquera désormais et pour longtemps la politique internationale de
la France : une complicité écrasante avec les massacreurs du peuple de
Gaza qui devront un jour où l’autre comparaître pour crimes contre
l’humanité.
Les mêmes diplomates français qui, sous Sarkozy,
critiquaient une politique internationale marquée par « l’amateurisme »,
la qualifient aujourd’hui « d’inaudible ».
Inaudible, quand elle se
limite à la « retenue » alors que plus de mille Gazaouis parmi lesquels
de nombreux enfants sont morts sous les bombes israéliennes ? Inaudible,
lorsqu’on laisse des jeunes Français incorporer l’armée de Tel-Aviv ?
Inaudible, lorsqu’on accepte que 6000 prisonniers politiques
palestiniens croupissent dans les geôles israéliennes ? Inaudible,
lorsqu’on refuse d’entendre la voix de Marwan Barghouti, le Mandela
palestinien ? Inaudible, lorsqu’on se range derrière les assassins ? Le
bruit n’est que trop lourd. On entend la mort...
humanite.fr


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