Le missile israélien a transpercé la voûte séculaire. La frappe
directe a fait exploser la mosquée Omari de Jabaliya et réduit encore un
peu plus en miettes le peu qu’il reste du patrimoine culturel de la
bande de Gaza.
Certaines parties des lieux passaient pour remonter au XIVe
siècle. Une mosquée se serait dressée sur le site depuis le VIIe siècle,
peu après l’apparition de l’islam. La mosquée Omari était l’un des
derniers bâtiments historiques encore debout dans Gaza, cette ville
dense dans laquelle les blocs d’immeubles en parpaings bruts s’alignent
le long de rues poussiéreuses. La mosquée est en ruines à présent. Il
n’en reste que le minaret. Le muezzin a été fauché par le missile alors
qu’il appelait à la prière, disent les riverains.
La bande de Gaza a abrité des communautés humaines sédentaires depuis 3 300
ans avant J.-C. Mais des siècles de guerres et la surpopulation
galopante de l’enclave depuis la création de l’État d’Israël en 1948 en
ont effacé les traces sur cette langue de territoire méditerranéen
coincé entre l’Égypte et Israël aux richesses historiques
considérables. La ministre palestinien du Tourisme et des
Antiquités, Rula Ma’ayah, a appelé hier l’Unesco à dénoncer la
destruction « intentionnelle » selon lui du patrimoine palestinien
par l’armée israélienne, et à l’assimiler à un « crime de guerre ».
Mais à Gaza même, « ce n’est une priorité pour personne », dit Yasmine
al-Khoudari, qui prête la main à son père pour tenir le petit musée
privé qu’il a monté. « Quand vous pensez à Gaza, ce n’est pas à son
histoire que vous pensez, à Gaza l’antique ou à l’archéologie, vous
pensez urgence alimentaire ou médicale, camps de réfugiés, Hamas »,
dit-elle. Pour compenser le manque de musée public, son père, Jawdat
al-Khoudary, s’est mis un jour à collectionner les objets qu’il
a découverts en creusant la terre au cours de ses chantiers et qui
datent des Cananéens jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Le musée privé qu’il a ouvert en 2008
sur le front de mer à Gaza expose des vestiges de poteries anciennes,
des pièces de monnaie, des objets en bronze et des armes. Il a associé
au musée un restaurant et un hôtel dans lesquels il a intégré
certaines de ses trouvailles : les piliers de sa véranda faisaient
partie de la voie de chemin de fer qui autrefois traversait Gaza. Les
Khoudary projetaient d’élargir leur collection et de rénover le musée
et avaient reçu en avril la visite de deux archéologues français, dit
Yasmine. L’une d’entre eux est revenue en juillet mais est repartie
quand la guerre a éclaté.
La guerre a causé des dégâts directs mais aussi indirects au
patrimoine gazaoui, observe Ahmad al-Barsh, du ministère du
Tourisme. « Indirects parce qu’il est impossible d’entrer pour les
visiteurs, les étrangers, les étudiants ou les chercheurs ». Avant
même la guerre en cours, le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza
lui rendait le travail impossible, dit-il. « Israël a interdit
l’importation de matériaux de restauration, du coup les fondations
et les organisations internationales travaillant dans ce secteur
ont cessé de nous soutenir », dit-il.
La mosquée al-Mahkamah, datant du XVe siècle, a elle aussi été
anéantie à Chajaya, l’un des quartiers de Gaza les plus durement
touchés par les bombardements. Dans un chaos de gravats, de câbles
électriques et de métal, ne se dresse plus que le minaret de l’ère Mamelouke à la maçonnerie compliquée. Le hammam al-Samara, dernier
bain turc de Gaza, a dû fermer avec la guerre. Les Gazaouis y ont pris
les eaux depuis plus de 1 000
ans. Il est devenu l’une des ultimes attractions encore intactes pour
les rares touristes. Mohammad al-Ouazir, dont la famille tient le
hammam depuis presque un siècle, essaie de se projeter dans un avenir
pourtant sombre et parle de rouvrir. Il réduira le prix d’entrée de
moitié, à 10 shekels (environ 2 euros),
« par solidarité avec les gens et à cause de ce qu’ils ont enduré ».
Il pourrait ne pas attendre l’instauration d’un cessez-le-feu
durable, simplement parce que les Gazaouis manquent d’eau et ne savent
plus où se laver.
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