C.Parfait
L’accord national
interprofessionnel (ANI) rend obligatoire au 1er janvier 2016
l’adhésion des salariés à une complémentaire santé d’entreprise. Malgré
les apparences, cette disposition n’est pas une avancée sociale : elle
ouvre un énorme marché aux assurances privées au détriment de la
protection sociale collective.
Pour répondre aux dispositions européennes relatives aux services d’assurance et aux
services financiers à l’obligation de constituer des réserves
financières d’un même niveau que les assurances, les mutuelles ont dû
fusionner entre elles et avec des assurances. Elles étaient des
milliers, et on en comptait encore 630 fin 2012. L’ANI va accélérer le
processus, et elles ne seront plus qu’une centaine en 2018 à relever
réellement du statut de mutuelles… avant de se retrouver quelques années
plus tard avec deux ou trois grands groupes qui se partageront le
gâteau !
Il est difficile aujourd’hui de distinguer les mutuelles et les assurances.
Des mutuelles créent des filiales sous forme de sociétés anonymes pour
prendre des activités qui étaient autrefois spécifiques aux assurances.
Les sociétés d’assurance mutuelle (les « mutuelles d’assurances »)
dépendent du code des assurances et non de la mutualité. Elles sont à
but non lucratif, mais ont la possibilité de sélectionner les risques,
d’appliquer des tarifs différents pour les risques considérés comme
« aggravés ». Des groupes de protection sociale (GPS) comme
Malakoff-Méderic rassemblent dans une même entité des institutions de
retraites complémentaires, de prévoyance, des mutuelles, des sociétés
d’assurance…Pour capter « le marché de la santé », les assurances se
concentrent et proposent des offres alléchantes, parfois moins chères
que les mutuelles. Les mutuelles s’adaptent en renonçant à leurs
principes pour proposer « une gamme d’offre de contrats ». On se
soignera selon ses moyens…
La généralisation
des complémentaires santé d’entreprise va obliger des millions de
salariés, adhérents individuels à des mutuelles, à souscrire à des
contrats collectifs gérés en grande majorité par les assurances. Le
Conseil constitutionnel a en effet imposé qu’en absence d’accord
d’entreprise ou de branche, la complémentaire santé soit choisie par
l’employeur. Des mutuelles vont donc disparaître, d’autres se
« démutualiser » et intégrer les structures marchandes. La Mutualité
pourrait disparaître d’ici quelques années au profit de groupes
capitalistes qui bénéficieront du monopole des complémentaires santé.
Les inégalités entre les salariés
vont s’accroître. Les cotisations sociales, les garanties accordées
seront différentes d’une entreprise à l’autre. La couverture pourra être
limitée à un panier de soins minimum,
et ceux qui le pourront devront payer une sur-complémentaire, un gain
supplémentaire pour les assureurs privés. L’employeur, lui, pourra
déduire sa part de cotisations de la masse salariale au détriment des
rémunérations. Notez au passage que si vous êtes un salarié protégé par
une mutuelle d’entreprise, les députés ont supprimé l’année dernière
l’exonération fiscale sur les cotisations des employeurs. Résultat, vos
impôts ont augmenté cette année de 50 à 200 € à cause de ceci. Après
avoir obtenu le quasi-monopole de la couverture complémentaire, les
assurances vont continuer leur offensive pour accroître leur part du
« marché de la santé » au préjudice d’une Sécurité sociale affaiblie par
les contre-réformes successives.
J’ai même entendu
que notre ministre de la santé, Marisol Touraine, pense que les
mutuelles devraient rembourser moins afin que par ricocher les
professionnels diminuent leurs tarifs, car d’après elle, « les complémentaires trop généreuses finissent par entretenir des honoraires trop élevés. », et qu’elle faisait « le pari de l’autorégulation ».
C’est quand même très original de se dire que quand le patient sera peu
remboursé, le médecin baissera gentiment ses tarifs, d’autant que
beaucoup de patients sont déjà mal remboursés ! C’est en effet vraiment
méconnaître le fait économique élémentaire que la consommation de santé
est la consommation désirée par excellence, sur laquelle le consommateur
n’a aucune prise. A ce niveau, je ne sais pas si c’est de la naïveté,
de l’incompétence ou la preuve que ces gens là vivent dans une bulle et
sont complètement déconnectés des réalités !
Une seule réponse est possible :
le remboursement à 100 % par la Sécurité sociale, la gratuité des
soins… pour cela c’est très simple, supprimer toutes les exonérations de
cotisation dont ont profité les entreprises jusqu’à maintenant et
nationaliser ou plutôt socialiser tout le secteur de la santé et
notamment toute l’industrie du médicament. La santé ne doit pas être une
marchandise, l’accès aux soins doit être garanti à chacun de nous quel
que soit ses revenus. Les entreprises auraient assez d’argent pour
financer des contrats de mutuelles d’entreprises mais pas assez pour
payer des cotisations de sécurité sociale !!!
D’autre part, on ne parle
jamais assez des caisses d’Assurance Maladie Alsace-Moselle qui
remboursent mieux par exemple à 90% une visite chez un généraliste sur
le tarif conventionné ? Caisses qui sont bénéficiaires ? Comment ?
Pourquoi ?
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