Malgré le tumulte provoqué par le nouveau projet de loi « d’État-nation
juif » passé devant le cabinet du Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu, le contenu raciste de ce projet fait partie intégrante de la
longue histoire israélienne de marginalisation et de discrimination de
la minorité palestinienne du pays.
Le projet de loi, qui doit encore
être adopté par le parlement israélien, la Knesset, définit Israël comme
« État-nation pour le peuple juif » et consacre les principes sionistes
selon lesquels l’État a été fondé au détriment de tous les Palestiniens
il y a de cela plus de six décennies.
Ses partisans prétendent que cette loi protège « les droits de la
personne de tous les citoyens [de l’État] », ignorant qu’elle ne
garantit de « droits collectifs » qu’aux juifs, qui, indépendamment de
leurs origines ancestrales, ont toujours été autorisés à immigrer en
Israël et à en prendre la citoyenneté.
Dans le cabinet de Netayahu, le projet de loi a été adopté par un
vote de 14 contre 6 et aurait suscité un débat passionné. Comme
d’habitude, ce débat n’a pas porté sur les droits des citoyens
palestiniens d’Israël, qui représentent 20% de la population totale,
mais a été centré sur la déclaration d’indépendance de l’État et
l’idéologie fondatrice du sionisme.
Pour les 1,7 millions de Palestiniens qui ont été forcés de prendre
la citoyenneté israélienne et qui continuent à vivre dans ce qui est
devenu Israël après la Nakba, ce projet de loi n’est rien de plus
qu’Israël qui tombe enfin le masque devant le monde entier.
Indépendamment du débat suscité, cela ne signifie rien de nouveau :
malgré notre citoyenneté nominale, nous avons toujours été traités en
citoyens de seconde zone avec des droits limités, pour la seule raison
de ne pas être nés juifs.
La discrimination dès le premier jour
Si la dernière proposition de Netanyahu est adoptée, elle ne
signifiera absolument rien pour les Palestiniens où qu’ils soient - dans
l’actuel Israël, les territoires palestiniens occupés et la Diaspora,
où des millions de réfugiés attendent de retourner sur les terres d’où
ils ont été violemment expulsés en 1948.
Pour ceux d’entre nous qui vivent dans l’Israël d’aujourd’hui, la loi
est purement formelle car il y a déjà des dizaines de lois qui
« imposent la discrimination contre les citoyens palestiniens d’Israël
dans tous les domaines de la vie, y compris leurs droits à la
participation à la vie politique, l’accès à la terre, à l’éducation ,
les ressources budgétaires de l’État, et les procédures pénales », comme
l’explique Adalah, l’organisation de défense de nos droits.
N’était-il pas déjà évident que les Palestiniens en Israël vivent
sous la même occupation que les Palestiniens en Cisjordanie - y compris
Jérusalem - et dans la bande de Gaza emprisonnée ? Israël nous traite
comme une « menace démographique », tout en vantant notre citoyenneté en
face du monde comme une prétendue preuve de son caractère démocratique,
mais en voulant dans le même temps limiter notre présence et notre
influence dans la société.
Après la déclaration d’indépendance de l’État sioniste, le premier
Premier ministre David Ben Gourion, consterné par le nombre de
Palestiniens qui étaient parvenus à rester sur leurs terres ancestrales,
a déploré qu’Israël ne soit pas en mesure de « nettoyer sans une
nouvelle guerre l’ensemble de la région centrale Galilée » des 100 000
résidents palestiniens autochtones.
Mais les dirigeants israéliens ont effectivement tenté de le faire,
même en temps de paix. Au cours des dernières années, le plan de
démolition du village de Ramiyya en Galilée, avec l’expulsion de ses
habitants, est un exemple des tentatives de faire du rêve de Ben Gourion
une réalité. Comme l’a dit le professeur Hilel Cohen, de l’Université
hébraïque : « Le projet de ’judaïsation de la Galilée’ a commencé
lorsque l’État [d’Israël] a été fondé, et il s’est poursuivi sous
diverses formes jusqu’à nos jours ».
Dans la région du Néguev, les Bédouins palestiniens de nationalité
israélienne ont enduré les démolitions de maisons et se sont vus refuser
les services de base comme l’eau, l’électricité et l’éducation. On
estime que 53 000 hommes, femmes et enfants qui vivent dans plus de 40
villages « non reconnus » dans cette région, sont confrontés à une
expulsion imminente.
Al-Araqib, par exemple, a été rasé par les bulldozers israéliens 78
fois depuis juillet 2010. Mais ses habitants refusent de partir,
reviennent et reconstruisent leur village à chaque fois. N’est-il pas
suffisamment clair pour eux que les dirigeants d’Israël nous ont
considérés comme des citoyens de seconde classe dès le premier jour ? Et
un projet de loi sur « l’État-nation » exclusivement juif, largement
dépourvu de contenu pratique, peut-il encore rendre leur vie quotidienne
plus difficile ?
L’opposition à la loi par les prétendus « centristes » et
« libéraux » en Israël, comme le ministre des Finances Yair Lapid et la
ministre de la Justice Tzipi Livni, met en évidence qu’une nouvelle fois
l’establishment politique israélien débat des moyens de contrôler notre avenir sans que nous ayons le moindre mot à dire.
Un projet en échec
Néanmoins, les partis politiques palestiniens en Israël continuent de
siéger en tant que députés à la Knesset. Apparemment convaincus qu’ils
peuvent avoir un impact sur les lois à partir du parlement, ils
continuent à lutter pour gagner nos voix et nous encouragent à les
soutenir à chaque campagne électorale.
Mais ce projet s’est avéré être un échec. Bien que nous leur ayons
donné l’occasion de s’exprimer à la Knesset, ils n’ont pu imposer aucune
amélioration de notre quotidien. La déferlante de lois racistes n’a pas
ralenti, l’incitation à la haine par les politiciens israéliens n’a
fait qu’augmenter et notre capacité à nous organiser comme force
politique unifiée a été entravée par les divisions internes et la
concurrence entre les partis politiques arabes.
Hanin Zoabi, députée palestinienne, a récemment été expulsée de la
Knesset pour une période de six mois après avoir fait observer que les
Palestiniens qui avaient capturé et tué trois colons israéliens l’été
dernier n’étaient pas des « terroristes ».
Maintenant, Netanyahou et ses cohortes de fachos enragés poussent en
avant un nouveau projet de loi pour expulser les membres de la Knesset
« qui, en temps de guerre ou lors d’une action militaire contre un État
ennemi ou une organisation terroriste, affichent un soutien public à la
lutte armée ». Ce projet de loi a été fort justement nommé par ses
auteurs le « projet de loi Hanin Zoabi ».
La prétention d’Israël de ne pas être considéré comme un État
d’apartheid a toujours compté sur le fait que les citoyens palestiniens
d’Israël pouvaient voter et participer à la Knesset. Avons-nous besoin
d’une preuve supplémentaire que dès le début il ne s’agissait que d’une
façade ?
Avec une loi qui déclare d’emblée que cet État existe uniquement pour
le peuple juif, il est grand temps que les Palestiniens en Israël
abandonnent l’idée de participer à ce théâtre de l’absurde où la
participation au processus politique israélien permettrait d’améliorer
nos vies et ferait avancer notre cause.
Il est temps de prendre des mesures pour résoudre nos divisions
politiques et renforcer les relations avec nos compatriotes dans les
territoires palestiniens sous occupation et dans la Diaspora, afin de
construire une lutte commune capable de poser un sérieux défi au dernier
État colonial du monde contemporain.

* Waad Ghantous est palestinienne et vit à Haïfa. Elle milite dans l’organisation Al-Awda qui défend le droit au retour pour les Palestiniens chassés de la Palestine historique en 1949.
27 novembre 2014 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu
Photo : Femmes palestiniennes interdites d’accès au site -d’al-Aqsa par les flics de l’occupation - Photo : AFP
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