dimanche 14 décembre 2014

Vive l’entreprise « décadenassée » à 2,22 euros de l’heure

Gérard Filoche                            



C’est moderne hein, la transition énergétique ? C’est nécessaire de mettre en oeuvre des énergies renouvelables, n’est ce pas ?

À ce titre, par exemple, à Arsac en Gironde, à la frontière du Médoc et de la banlieue bordelaise, le chantier d’une ferme photovoltaïque présente beaucoup d’intérêt : commencé en juillet, il s’étale sur 160 hectares et devait être achevé en début d’année 2015.
Mais ce qui n’est pas « moderne », c’est que la société « Solaire direct » maitre d’ouvrage, prenne en sous-traitance une entreprise hongroise Olp Tech, elle-même sous-traitante d’une entreprise allemande Krinner, ce qui aboutit à ce que 31 ouvriers hongrois « détachés » y travaillaient à des prix défiant toute concurrence. Leur “rémunération” reposait sur une base quotidienne de 8 heures pour une durée effective de travail de 11 h 30, 6 jours sur 7 soit un salaire de 2,22 € par heure effectuée.
Selon le Préfet : « Le fait que des salariés d’autres pays, comme la Hongrie qui est dans l’Union européenne, viennent chez nous, n’est pas en soi critiquable. Ce n’est pas ça. C’est le détournement des règles. Et derrière cela, des prix tirés vers le bas dans tous les appels d’offres. C’est un dumping social que l’on ne peut pas cautionner ».
Mais qui fait ce dumping social ? En Hongrie, le montant du Smic mensuel est de 344, 24 euros. En France, il est de 1 445, 38 euros. Il ne faut pas s’en prendre à “l’Europe” qui, hélas, est libérale, pas sociale et n’a pas de Smic européen. Mais bel et bien au fraudeur, là, qui est bien un patron français lequel opère sciemment un “montage” entre des “sociètés-écrans” hongroise et allemande pour réduire à un quasi esclavage des salariés qui n’ont pas le choix.
Monsieur le Préfet, ça, “c’est en soi critiquable” !  Ca s’abrite derrière la scandaleuse notion de  “travailleurs détachés” : la directive européenne du 16 décembre 1996 précisait bien « que les États membres de l’Union doivent veiller à ce que les entreprises garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi qui sont fixées dans l’État sur le territoire duquel le travail est exécuté ». Mais il a été accepté ensuite que le paiement du salaire brut, des cotisations sociales, soit aligné, lui, sur le taux des cotisations du pays d’origine. Autrement dit, la partie sociale du salaire est payée au niveau hongrois, polonaise, bulgare ou roumain. C’est artificiel et ce n’est pas contrôlable. Après, il ne reste plus qu’à ne pas compter les heures supplémentaires. On en arrive à 2,22 euros de l’heure. Ce qui fait qu’en France, les patrons se ruent sur l’occasion : il y a 350 000 travailleurs détachés – au moins – selon les chiffres officiels du Ministère du travail. Et c’est avec ça que les “grands majors” du bâtiment, “nos” Bouygues, Vinci, Eiffage, etc… se font des montagnes d’or. Ce n’est pas une affaire de mondialisation, sinon à l’envers. Ce n’est pas une affaire de “crise”. Non c’est une affaire de pillage cynique, violent et de gros sous.

Parions qu’en plus ils reçoivent le CICE, et qu’ils réclament de “dé-cadenasser” leur entreprise, qu’ils veulent encore moins de code du travail, moins de contrôle, qu’ils veulent simplifier leur feuille de paie, et qu’ils manifestent contre le gouvernement !

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