Sans surprise, l’OMS classe cancérigène la charcuterie et
probablement cancérigène la viande rouge. Une viande dont la
consommation croissante participe aussi au changement climatique
explique le JDLE.
Le carnivore est-il un inconscient? On est tenté de le croire à la
lecture de l’évaluation de la cancérogénicité de la viande, publiée ce
lundi 26 octobre par le Centre international de recherche sur le
cancer (Circ).
Dans sa note, complétée par un article publié par The Lancet Oncology,
le Circ fait la synthèse de plus de 800 études sur le cancer chez
l’homme. Conclusion : la consommation de viande peut provoquer certains
types de cancer. Conséquence : l’agence lyonnaise de l’Organisation
mondiale pour la santé (OMS) classe comme «probablement cancérogène pour l’homme» (groupe 2A) la consommation de viande rouge[1] et comme «cancérogène pour l’homme» (groupe 1) la charcuterie. «Les
experts ont conclu que chaque portion de 50 grammes de viande
transformée consommée quotidiennement accroît le risque de cancer
colorectal chez l’homme de 18%», notent les chercheurs.
Pas de surprise
Ces résultats ne surprennent guère les spécialistes. Voilà de
nombreuses années que les oncologues considèrent qu’une trop grande
consommation de viande et de «produits carnés transformés» peut engendrer le cancer colorectal, de la prostate, des ovaires, voire du poumon. Dans un rapport publié en juin dernier, l’Institut national du cancer
(Inca) estimait convaincants les liens entre consommation de viande et
de charcuterie et cancer colorectal. Des suspicions, plus ou moins
fortes, existent pour les cancers du pancréas, du poumon, de la vessie
et du sein.
En 2006, rappelle l’Inca, la moyenne de consommation de viande
rouge chez les adultes est de 370 grammes par semaine, soit 53 g/jour.
Elle est plus importante chez les hommes (460 g/semaine) que chez les
femmes (285 g/semaine). Un quart de la population consomme au moins 500 g
de viande rouge par semaine: 39% des hommes et 13% des femmes.
Si les mécanismes cancérogènes ne sont pas encore bien identifiés,
certains pointent du doigt le glycane Neu5Gc. Présent chez de nombreux
mammifères, mais pas chez l’homme, ce polymère de sucre induirait (une
fois ingéré par le consommateur) la production d’anticorps.
L’interaction de ceux-ci avec cet antigène produirait une inflammation,
favorisant la survenue de cancers.
Pas de recette miracle
Plus élevé pour les viandes transformées par salaison, maturation,
fermentation et autre fumaison, le risque est aussi important lorsque la
viande rouge est cuite à feu vif. «La cuisson à température élevée
ou avec la nourriture en contact direct avec une flamme ou une surface
chaude, comme dans le barbecue ou la cuisson à la poêle, produit
davantage de produits chimiques cancérogènes», tels les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les amines aromatiques hétérocycliques.
Selon les estimations du Global Burden of Disease Project,
34.000 décès pourraient être attribuables chaque année dans le monde à
une surconsommation de viande transformée, soit 16.000 de moins que pour
la viande rouge. «Ces chiffres contrastent avec un million de décès
par cancer par an environ à l’échelle mondiale imputables à la
consommation de tabac, 600.000 à la consommation d’alcool, et plus de
200.000 à la pollution atmosphérique», temporise toutefois le Circ.
Incidence climatique
Coïncidence, cette étude est publiée en pleine rédaction du projet
d’accord de Paris. Quel rapport entre la viande et le changement
climatique? Simple. A cause de son système digestif particulier, le
bétail rote (bien plus qu’il ne pète) plus de 3 milliards de tonnes de
CO2 par an: 6 fois plus que la France toute entière.
A l’autre bout de la chaîne, ses déjections émettent aussi 18 Mt de
méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le gaz
carbonique. On le sait peu, mais nos animaux domestiques sont de gros
consommateurs d’énergie. Utilisant tous les modes de transport
possibles (avec une prédilection pour le camion et le bateau), se
prélassant à loisir dans les chambres froides, nos amies les bêtes à
viande usent et abusent de combustibles fossiles et d’électricité. De
quoi relarguer plusieurs dizaines de millions de tonnes d’équivalent CO2
par an estiment, à la louche, les experts.
Compostage et pâturage
Autre détail peu connu, le bétail est également un contributeur net
en protoxyde d’azote (N2O). Ses prairies et ses champs de céréales sont
de gros consommateurs d’azote qui, en se décomposant, rejettent du N2O
dans l’atmosphère, encore un GES dont le pouvoir de réchauffement
global (PRG) fait frémir: 296 fois celui du CO2. Les terres ne sont pas
seulement enrichies à coup d’engrais chimiques.
Compostées ou non, les déjections des animaux d’élevage sont épandues
sur la surface agricole utile. Le processus de dégradation de l’azote
contenu dans ces rejets étant identique à celui des engrais, l’opération
rejette de même du N2O dans l’air. En cumulant toutes les émissions de
GES, conjuguées avec leur PRG, l’industrie de la viande émet chaque
année environ 7 Mdt équCO2, 14,5% de la totalité des gaz à effet de
serre anthropiques, estiment les statisticiens de la FAO. Plus que le secteur des transports !
Note
[1]
Contrairement aux cuisiniers, l’OMS considère le bœuf, le veau, le
porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre comme viande rouge.
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