"Dès
qu’un crachat, réel ou fantasmé, retombe sur la tête d’un cracheur
habituel, patenté, labellisé ; intouchable, hyper-médiatisé, tous les
« ils » crient tous au scandaaale, au totalitarisme."
Faut-il essuyer tous les crachats ? Cela devrait être la norme, mais elle se révèle sélective.
Il y a crachat et crachat. Il y a même selon plusieurs témoins, des crachats virtuels.
On peut cracher dans l’air du temps, cracher sur les Gitans, les
cocos, les mélenchonniens, les syndicalistes (de classe), les
« satrapes », les « populistes », la gauche « radicale », les
révolutions latino-américaines, les immigrés, les révolutionnaires, les
fonctionnaires, les faignasses de chômeurs, les jeunes « beurs » des
banlieues ; on peut ethniciser, « racialiser » leurs révoltes, répandre
la haine. On peut, et même l’on doit, cracher son venin contre les
tyrans à la Chavez, Maduro, Morales, Castro, cracher
contre les « Noirs », les « musulmans », les « gauchistes », les
nationalisations, les retraites, le code du travail... Crachez sur ces
cibles, et visez bien !
Ces crachats-là, légitimes, mérités, fielleux, quotidiens, de mots
dits -et qui tuent-, n’ont pas à être essuyés. Ces « blasphèmes anti
Républicains » (Emmanuel Todd), contre les « Noirs et les Arabes »
(2005), contre l’équipe nationale de foot qui serait
« black-black-black », « ce qui provoque des ricanements dans toute
l’Europe », et des flatulences au bar des fachos. Quel talent, quelle
finesse de pensée, quelle hauteur de vue !... L’Académie, cela se
mérite. « Et moi et moi et moi ». Ces crottes-là, jadis maoïstes, ne
nécessitent pas aujourd’hui de motocrottes. Elles sont salutaires,
saluées par la « classe politique » et ses médias de soi(e). En
espagnol, les « medias » ce sont les « bas » ; ces chaussettes hautes
blindent contre les crachats.
Dès qu’un crachat retombe sur la tête d’un cracheur habituel,
patenté, labellisé ; intouchable, hyper-médiatisé, tous les « ils »
crient tous au scandaaale, au totalitarisme. Ils croassent, ils
vacarment, ils crapautent à tue-mots.
Quel émoi ! Quelle indignation ! Que de sermons, d’esclandres,
d’apitoiements sincèèèères! C’est pire que lors des bombardements de
Gaza ! La condamnation coule à flots, de toutes parts. « Et moi et moi
et moi ».
Enfant, fils d’immigré pauvre, je crachais - évidemment- souvent...
mais par terre. « El padre » et les hussards de la République,
m’engueulaient, me tapaient sur la bouche. « Cela est mal élevé »,
« impoli », « ne se fait pas ». C’est vrai. J’adoptai donc le mouchoir,
les bonnes manières. Je finis même par comprendre que cracher en l’air
(s’auto-cracher) peut vous salir la tête, vous souiller, que les mots
peuvent criminaliser et tuer davantage que les crachats, que lorsque
l’on sème la bave, la discrimination, une certaine forme de racisme,
l’intolérance, la provocation, on récolte la pire des cracheries : le
mépris, le rejet, la violence (« inexcusable »).
Et la République, qui
se doit d’assurer le pluralisme des idées, des médias, leur expression
publique, leur confrontation (sans crachats), fait tout le contraire.
Pensée unique et bâillon. Alors, alors, alors...
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