dimanche 29 mai 2016

Insurrection : bloquer le système là où ça lui fait mal pour qu'une autre vie soit possible

ILLUSTRATIONPierrick Tillet            

À voir la panique qui s’empare du gouvernement devant le blocage du pays en à peine huit jours de grève, on se dit finalement que ça n’est pas si difficile. Il faut juste le vouloir, en avoir le courage… et trouver le talon d’Achille du système. 

Dans une excellente interview accordée au site Reporterre, Mathieu Burnel, un ancien de la bande de Tarnac, décrit très bien ce point faible de l’organisation capitaliste moderne. Il ne s’agit plus, comme au bon vieux temps, de bloquer la production de richesses (une bonne partie de celle-ci a désormais été délocalisée hors des frontières), mais d’en empêcher la circulation.
Et c’est exactement ce à quoi s’emploient les grévistes sous la houlette d’un syndicat soudain ragaillardi, la CGT. Blocage des dépôts de carburant et des raffineries pour commencer, puis aujourd’hui, blocage des ports, des trains, des routes, des ponts, des villes… Le talon d’Achille du système, ce sont les flux capitalistes des richesses.
Mais, selon Mathieu Burnel, bloquer les flux capitalistes n’atteint sa pleine efficacité que si les insurgés parviennent aussi à « réorganiser techniquement l’existence de manière à ne plus dépendre des structures de pouvoir, donc des flux capitalistes ». En bref, la minorité agissante ne peut espérer rallier les majorités silencieuses à sa cause que si elle leur ouvre une porte de sortie acceptable.
Paradoxalement, la situation actuelle de blocage des flux capitalistes par une minorité de grévistes offre une opportunité pour une autre vie possible :
« La grève, le blocage ou le sabotage permettent d’infliger des dommages économiques et ainsi de créer un rapport de force. Mais surtout, et c’est là toute leur richesse, ils permettent de dégager du temps et de suspendre la normalité. D’un seul coup, quand tout s’arrête, des espaces s’ouvrent : un autre rapport au temps, aux autres peut se faire jour. Il ne peut y avoir de remise en cause des rapports sociaux sans bouleversements ni suspension de la normalité. Quand tout s’arrête, tout commence : une autre vie est possible. »

L’unité et la solidarité face à la répression policière

Dans ce contexte, la violence policière initiée par le régime rentre presque dans l’ordre “normal” des choses, constate Mathieu Brunet. Le rôle de la police a toujours été de faire « le tampon entre le peuple et le gouvernement ». Mais toujours au service des seconds, ce qui fait que la police s’est toujours trouvée du mauvais côté de l’Histoire.
Face à une répression de plus en plus insupportable, les insurgés n’ont d’autres solutions que de trouver d’urgence des terrains d’entente dans les répliques à apporter, entre une CGT dont la stratégie est ouvertement de contraindre le pouvoir à négocier, et une Nuit Debout plus prompte à rejeter la globalité du système en place, mais avec le seul discours publique comme unique arme.de destruction massive.
Dans ce contexte, conclut Mathieu Burnel, faire bloc face à la répression organisée par le système est essentiel. La question de l’unité et de la solidarité entre les insurgés est primordiale, tant entre les ouvriers grévistes et les noctambules de la Nuit Debout, qu’entre les masses non-violentes et les fameux “casseurs”. Quand ils ne sont pas de vulgaires provocateurs policiers, ceux-là, qu’on le veuille ou non, font aussi partie du mouvement insurrectionnel.
« Parce que c’est la stratégie du pouvoir : sélectionner des gens, les viser, les frapper pour faire peur aux autres et qu’ils arrêtent. Or, dans les manifestations, il n’y a pas d’un côté un groupuscule de gens violents et de l’autre des gens bien gentils pris en otage. C’est bien plus nuancé. Il y a une pluralité de personnes, avec une modulation d’engagements très grande : ceux qui jettent un caillou, ceux qui jettent un cocktail Molotov, ceux qui vont faire masse »
Lire l’interview de Mathieu Brunet sur Reporterre

Pour mémoire, l’intervention de Mathieu Burnel sur le plateau de l’émission “Ce soir ou jamais” en novembre 2014 : ICI

Photo : Mathieu Burnel.

Le Yéti

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