Il n’y a pas que la suprématie géopolitique
des États-Unis qui est aujourd’hui menacée. Il y a son contrôle sur les
réserves énergétiques de la planète, déstabilisé par la lente
dissolution de l’allié saoudien, contesté par la Russie et la Chine.
D’où la récente offensive américaine, un brin désespérée, contre trois
pays producteurs de pétrole récalcitrants : le Nigeria, le Brésil et le
Venezuela.
Pour les États-Unis, tous les moyens
sont bons pour ramener les régimes politiques récalcitrants à la raison.
Aujourd’hui le Nigeria, le Brésil et le Venezuela traversent une grave
période de chaos politique. Mais sur le terrain, comme le raconte le
webmedia allemand Deutsche Wirtschafts Nachrichten (DWN), les choses ne se passent pas si bien pour l’ogre américain sur la défensive.
Au Nigeria, un voyage en Chine du président Muhammadu
Buhari courant avril irrita fortement les autorités américaines. Des
accords économiques mirifiques y furent conclus : construction au
Nigeria de 300 centrales solaires, d’une usine d’extraction de granit,
d’un vaste parc industriel, d’une route stratégique, de nouvelles lignes
de métro à Lagos. Le tout avec l’aide précieuse de la banque chinoise
de développement AIIB. Cerise sur le gâteau amer pour le maître
d’Empire, la Chine s’est engagée à augmenter de façon substantielle ses
achats déjà considérables de pétrole nigérian.
Mais, rapporte le DWN, les intérêts occidentaux sont aussi menacés
par le mouvement séparatiste ”Émancipation du Delta du Niger” (MEND),
actif sur ce delta stratégique pour la production et l’acheminement du
pétrole nigérian. Les attaques du MNED contre les oléoducs et les
plateformes constituent une grave menace pour l’industrie pétrolière
nigériane, mais aussi pour les intérêts et la sécurité des grandes
compagnies occidentales présentes sur place : Royal Dutch Shell Plc,
Chevron Corp., Exxon Mobil Corp., Total SA.
Au Brésil, nul ne songe plus à contester que
l’éviction de la présidente Dilma Roussef a été orchestrée en sous-main
par Washington. En cause, l’interdiction faite aux grandes compagnies
pétrolières occidentales d’un accès sans limite au marché pétrolier
brésilien et la présence du pays du pays parmi les BRICS
(Brésil+Russie+Inde+Chine+Afrique du sud). Ce n’est guère une surprise
si Wikileaks a révélé que le “président par intérim”, Michel Temer,
était depuis longtemps un informateur zélé son oncle Sam. Et il est
désormais de notoriété publique qu’avant la destitution officielle de
Dilma Roussef, une délégation de l’opposition brésilienne s’était rendue
à Washington pour discuter avec les sénateurs américains des modalités
d’une coopération “renforcée” dans le secteur pétrolier.
Pourtant, à peine intronisé, le nouveau président Temer se heurtent à de premières grosses difficultés
pour s’imposer. Sa popularité auprès de la population brésilienne est
réduite à peau de chagrin et la contestation descend déjà dans les rues.
Plus que son rôle d’intrigant auprès de Washington, c’est sa corruption
manifeste et ses nombreuses condamnations qui font taches. Ce handicap
ajouté à celui de se retrouver les mains dans le cambouis des affaires
courantes, rend très hypothétique son adoubement dans les urnes quand il
lui faudra affronter les électeurs. Pendant ce temps-là, Dilma Roussef a
désormais les mains — et la parole — libres pour remobiliser ses partisans.
Au Venezuela, l’entreprise concertée de
déstabilisation menées contre le président Nicolas Maduro est trop
grossière et surtout trop éventées pour qu’on ne devine pas qui en est à
l’origine. L’opposition activiste de droite Mesa de la Unidad
Democrática (MUD) est ouvertement financée par le gouvernement américain
et l’organisation de façade de la CIA l’USAID, écrit le DWN.
Là encore, le différend pétrolier arrive en premières lignes. Le
Venezuela de Chavez et Maduro n’a-t-il pas eu l’outrecuidance de
nationaliser le secteur pétrolier dès 2007 et de chasser sans manière
les grandes compagnies américaines comme Exxon Mobil ? Mais là encore la
résistance va bien au-delà de ce qu’en attendaient les barbouzes
américains et leurs complices vénézuéliens : samedi 14 mai, le président
Maduro a ordonné la saisie des usines « paralysées par la bourgeoisie » et l’emprisonnement des entrepreneurs qui « sabotent le pays ».
Comme plusieurs malheurs n’arrivent jamais seuls, l’Arabie saoudite et les autres États du Golfe,
alliés douteux mais stratégiques des États-Unis au Moyen-orient, sont
en train de prendre un vilain bouillon. La guerre des prix du pétrole,
initiée en grande partie par ces monarchies hors d’âge, est en train de
se retourner contre ses initiateurs, au point de menacer l’OPEP
d’éclatement. Pour ne rien n’arranger, note le site de géopolitique Chroniques du Grand jeu, les
régimes wahhabites de la région n’en finissent plus de s’enliser dans
des conflits qui les dépassent. Les mésaventures de l’Arabie saoudite au
Yémen ou en Syrie en sont un cinglant exemple.
Pressentant la déroute de leurs archaïques alliés, les États-Unis
préfèrent prendre les devants en les lâchant sans façon et en
en profitant pour essayer de réanimer leur industrie chancelante du gaz
de schiste. Pas sûr, cependant, que cela suffira à renverser une tendance
de l’Histoire qui leur est contraire. Dans leurs coins, Poutine, les
Chinois et les Iraniens peuvent tranquillement compter les points.
Photo : Le président Obama lors d’un dîner pour les pays nordiques à la Maison Blanche le 13 mai.
Le Yéti
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