Face à la mobilisation contre la loi travail qui enfle et qui
s’installe, la quasi-totalité de la classe politique et des médias,
détenus à 95 % par les grandes fortunes du CAC 40, se déchaînent en
général contre ceux qui osent relever la tête, en particulier contre la
CGT. Quand le système agite à plein ses serviteurs, le syndicalisme
d’accompagnement n’est pas en reste, comme en témoignent les récentes
déclarations de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, pour
qui le retrait serait inacceptable...
En ne communiquant que
sur les rares points positifs du texte comme l’extension de la période
de protection des femmes enceintes ou celle de la garantie jeune − dont
on ne sait toujours pas comment elle serait financée − au profit de
reculs gigantesques comme la fixation de durées motivant le licenciement
économique en cas de baisse d’activité ou la création d’accords
offensifs de maintien dans l’emploi, ce dernier assure sans état d’âme
le service après-vente du gouvernement, se focalisant même sur
l’utilisation du 49-3 qualifiée de problème de méthode. Plus encore, il
fustige non seulement les prétendus fantasmes et postures des opposants à
la loi El Khomri, à commencer par la CGT, mais ose même soutenir que
celle-ci serait une source de progrès social.
La lutte des places plutôt que celle des classes
Expliquer
que le conflit en cours est avant tout motivé par le fait que la CFDT
peut rafler en 2017, date de la prochaine mesure de la représentativité
au plan national, la place actuellement occupée par la CGT en perte de
vitesse au plan électoral, est réducteur. Comme l’a bien résumé
Hollande, « ce qui est en jeu, c’est une clarification entre deux
syndicalismes, un syndicalisme de contestation ou un syndicalisme de
responsabilité », avec une inclinaison évidente de sa part pour le second...
Avec
l’article 2 de la loi qui consacre l’entreprise comme cadre primordial
de l’élaboration de la norme sociale et la dérogation comme règle et non
plus comme exception, le ver est dans le fruit : il faut être naïf
comme Berger pour croire que ce qui serait réservé au temps de travail
ne puisse pas demain être étendu au salaire minimum (la majoration des
heures supplémentaires serait déjà impactée par la réforme) ou aux
instances représentatives du personnel, ce que permet déjà pour partie
la loi Rebsamen.
Quant à la disposition relative au référendum
d’entreprise, seule la CFDT la soutient mordicus, ses alliés de la CGC
et de l’UNSA la refusant, et pour cause : elle lui permettrait, là où
elle est minoritaire, de pouvoir imposer ses vues. De la sorte, elle
ouvre la porte à la remise en cause du rôle même des organisations
syndicales : pour preuve, l’amendement déposé par des députéEs LR
permettant de déclencher un référendum faute d’accord…pour peu que 10 %
des salariéEs le demande !
La base se rebiffe
La
CFDT a connu des départs successifs de ses militantEs les plus à gauche
à l’occasion des précédentes grandes mobilisations sociales (vers SUD
en 1995 puis vers la CGT en 2003), ou plus récemment sur la question du
travail dominical la désaffiliation de son syndicat francilien du
commerce, le SCID. C’est donc une organisation « normalisée », et
pourtant la contestation de l’accompagnement par la confédération de la
loi travail suscite des réactions hostiles en son sein. Celles-ci
s’expriment par l’intermédiaire de structures locales comme l’union
locale de Montpellier, ou professionnelles (Betor Pub, culture ou
métallurgie), n’hésitant pas à braver les « consignes » nationales en
participant aux manifestations décidées par l’intersyndicale en faveur
du retrait du texte.
Ces structures CFDT ne demandent pas pour
autant ce retrait mais considèrent qu’il est trop déséquilibré et
raisonne classiquement, à savoir qu’il faut construire un rapport de
forces pour obtenir des avancées significatives.
En se mettant dans la
roue du gouvernement et quelle que soit l’issue du mouvement en cours,
il est certain que le choix de la CFDT, à contre-courant d’une opinion
majoritairement hostile à la loi, aura un impact sur son développement
et son audience.
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