lundi 6 juin 2016

CFDT : Berger, l’idiot utile du gouvernement

L.D.         

Face à la mobilisation contre la loi travail qui enfle et qui s’installe, la quasi-totalité de la classe politique et des médias, détenus à 95 % par les grandes fortunes du CAC 40, se déchaînent en général contre ceux qui osent relever la tête, en particulier contre la CGT. Quand le système agite à plein ses serviteurs, le syndicalisme d’accompagnement n’est pas en reste, comme en témoignent les récentes déclarations de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, pour qui le retrait serait inacceptable...

En ne communiquant que sur les rares points positifs du texte comme l’extension de la période de protection des femmes enceintes ou celle de la garantie jeune − dont on ne sait toujours pas comment elle serait financée − au profit de reculs gigantesques comme la fixation de durées motivant le licenciement économique en cas de baisse d’activité ou la création d’accords offensifs de maintien dans l’emploi, ce dernier assure sans état d’âme le service après-vente du gouvernement, se focalisant même sur l’utilisation du 49-3 qualifiée de problème de méthode. Plus encore, il fustige non seulement les prétendus fantasmes et postures des opposants à la loi El Khomri, à commencer par la CGT, mais ose même soutenir que celle-ci serait une source de progrès social.

La lutte des places plutôt que celle des classes

Expliquer que le conflit en cours est avant tout motivé par le fait que la CFDT peut rafler en 2017, date de la prochaine mesure de la représentativité au plan national, la place actuellement occupée par la CGT en perte de vitesse au plan électoral, est réducteur. Comme l’a bien résumé Hollande, « ce qui est en jeu, c’est une clarification entre deux syndicalismes, un syndicalisme de contestation ou un syndicalisme de responsabilité », avec une inclinaison évidente de sa part pour le second...
Avec l’article 2 de la loi qui consacre l’entreprise comme cadre primordial de l’élaboration de la norme sociale et la dérogation comme règle et non plus comme exception, le ver est dans le fruit : il faut être naïf comme Berger pour croire que ce qui serait réservé au temps de travail ne puisse pas demain être étendu au salaire minimum (la majoration des heures supplémentaires serait déjà impactée par la réforme) ou aux instances représentatives du personnel, ce que permet déjà pour partie la loi Rebsamen.
Quant à la disposition relative au référendum d’entreprise, seule la CFDT la soutient mordicus, ses alliés de la CGC et de l’UNSA la refusant, et pour cause : elle lui permettrait, là où elle est minoritaire, de pouvoir imposer ses vues. De la sorte, elle ouvre la porte à la remise en cause du rôle même des organisations syndicales : pour preuve, l’amendement déposé par des députéEs LR permettant de déclencher un référendum faute d’accord…pour peu que 10 % des salariéEs le demande !

La base se rebiffe

La CFDT a connu des départs successifs de ses militantEs les plus à gauche à l’occasion des précédentes grandes mobilisations sociales (vers SUD en 1995 puis vers la CGT en 2003), ou plus récemment sur la question du travail dominical la désaffiliation de son syndicat francilien du commerce, le SCID. C’est donc une organisation « normalisée », et pourtant la contestation de l’accompagnement par la confédération de la loi travail suscite des réactions hostiles en son sein. Celles-ci s’expriment par l’intermédiaire de structures locales comme l’union locale de Montpellier, ou professionnelles (Betor Pub, culture ou métallurgie), n’hésitant pas à braver les « consignes » nationales en participant aux manifestations décidées par l’intersyndicale en faveur du retrait du texte.
Ces structures CFDT ne demandent pas pour autant ce retrait mais considèrent qu’il est trop déséquilibré et raisonne classiquement, à savoir qu’il faut construire un rapport de forces pour obtenir des avancées significatives.

En se mettant dans la roue du gouvernement et quelle que soit l’issue du mouvement en cours, il est certain que le choix de la CFDT, à contre-courant d’une opinion majoritairement hostile à la loi, aura un impact sur son développement et son audience.


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