Le premier congrès des vétérinaires européens
opposés à la corrida s’est tenu à Paris. Entretien avec Roger Lahana,
vice-président du Comité radicalement anti-corrida pour la protection de
l’enfance (Crac Europe).
JDLE – À quel moment interviennent les vétérinaires dans une corrida ?
Roger Lahana – Au début, pour vérifier que le
taureau est en état de combattre et à la fin, pour contrôler la carcasse
avant qu’elle ne soit découpée pour être consommée. Il n’est donc pas
du tout là pour veiller au bien-être de l’animal ! D’ailleurs, le serment
de Bourgelat –l’équivalent pour les vétérinaires du serment
d’Hippocrate pour les médecins- ne parle que de droiture et d’honneur,
sans jamais mentionner le terme ‘animal’. La seule mention de leur
devoir envers les animaux apparaît dans une sous-section de leur code de
déontologie, de façon plutôt vague: «Le vétérinaire respecte les animaux.» Il existe une association de vétérinaires pro-corrida[1]
regroupant 70 personnes, qui publie des textes dans lesquels ils
s’extasient, par exemple, de la façon dont on peut faire couler le sang
plus vite si on plante la lance de façon différente. C’est d’un cynisme
repoussant. Alors que de ‘vrais’ vétérinaires devraient se préoccuper
que les animaux n’aient pas mal : ce sont des médecins, normalement…
JDLE – Pourquoi rassembler tous ces praticiens ?
Roger Lahana – Ces vétérinaires ont publié un
certain nombre de travaux sur la nature des lésions, des souffrances et
des différentes maltraitances que subissent les taureaux et les chevaux
pendant une corrida. Le but, c’est d’établir avec des faits objectifs,
scientifiques, quelque chose qui devrait être évident pour tout le
monde : si on plante des objets contendants dans un animal, bien sûr
qu’on le fait souffrir et qu’il va mourir.
JDLE – Aujourd’hui, il y a encore débat autour de cette question ?
Roger Lahana – Les vétérinaires s’occupent, dans
leur grande majorité, des animaux d’élevage ou de compagnie. Investiguer
le thème de la corrida n’était effectivement pas une évidence. Mais
d’un côté et de l’autre des Pyrénées[2],
des vétérinaires anti-corrida –qui sont peut-être anti-corrida parce
qu’ils sont vétérinaires !- ont senti la nécessité d’établir clairement
que ce que racontent les aficionados[3]
est faux. Ils prétendent contre toute évidence qu’une corrida ne fait
pas souffrir le taureau, que c’est un combat noble, entre l’homme et
l’animal, qui montre sa bravoure, etc.... Par exemple, ils disent qu’une
banderille, c’est comme une piqûre de moustique pour un humain. Alors
que c’est un harpon avec une pointe retour en acier de 4 centimètres :
c’est un très très gros moustique ! Et quand il est enfoncé, il n’y a
qu’une seule façon de l’enlever, c’est de tout arracher.
JDLE – Sentez-vous une montée, dans l’opinion publique, de la
sensibilité à la souffrance animale, qui contribuerait à faire
régresser la corrida ?
Roger Lahana – Absolument. Nos amis de L214 y ont
énormément contribué. Leurs vidéos dans plusieurs abattoirs et dans les
élevages ont réussi à faire prendre conscience que manger de la viande,
c’est manger un animal qui a été tué dans des conditions
systématiquement atroces. Tout le monde aimerait que les animaux soient
tués sans s’en rendre compte, mais ça n’existe pas. Et la corrida, c’est
un cran de plus dans l’horreur : on procède au supplice et à la mort
ritualisée d’un animal simplement pour en faire un spectacle. Ce n’est
pas au prétexte de se nourrir, de découvrir de nouveaux médicaments, ou
de s’habiller : c’est juste pour se réjouir du spectacle de leur agonie.
La prise de conscience actuelle devrait aider à pousser dehors la
corrida. Il existe 7 propositions de loi en attente (5 qui demandent son
abolition, 2 qui demandent au minimum l’interdiction d’entrée aux
mineurs) venues de 5 groupes parlementaires différents, pour supprimer
l’exception de peine qui ‘autorise’ de fait la corrida. Aficionado
patenté, Manuel Valls ne facilite pas leur inscription à l’ordre du jour
du Parlement. En outre, ce sujet est toujours considéré comme moins
urgent que tout le reste. En fait, les citoyens s’accommoderont toujours
du fait qu’il faut tuer des animaux pour les manger : on ne va pas
passer à 40% de végétariens dans les trois semaines qui viennent. Mais
il y a des choses qui peuvent disparaître si on est soucieux de la
souffrance animale, comme par exemple la corrida et la chasse à courre.
De fait, la corrida recule : il y a de moins en moins de spectateurs et
elles ne vivent plus que grâce aux subventions, même en Espagne. Mais
nous, nous souhaitons plus que leur effondrement économique : nous
demandons leur interdiction totale.
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