mercredi 29 juin 2016

Du Royaume Uni à Notre-Dame-des-Landes, les bons référendums, et les autres

Daniel  Schneidermann    

Qu'on se le dise, il y a les bons référendums, et les autres. Le référendum sur Notre-Dame-des-Landes (remporté par les partisans du transfert de l'aéroport avec 55%, et une participation de 51%) est un bon référendum, hautement démocratique, irréfutable. Et pour ne pas s'incliner assez profondément devant son résultat, Cécile Duflot se fait rosser comme elle le mérite par Patrick Cohen.

Le référendum britannique, en revanche, n'était pas un vrai référendum. D'abord (et sur ce point, c'est incontestable) parce que la campagne a été viciée par les mensonges des Brexiteurs (1), et les prévisions apocalyptiques des anti-Brexiteurs (2). Mais surtout, à en croire la déploration médiatique quasi-unanime, il a été biaisé par les électeurs eux-mêmes. Comment dit-on un instant d'égarement, en anglais ? Ils se mordent les doigts, les Brexiteurs. Ah, si c'était à refaire ! Tout le week-end, dans la foulée des medias britanniques anti-Brexit, les correspondants à Londres des medias français sont partis à la chasse aux indices de ce remords des Brexiteurs. La palme à cet article du blog Big browser du Monde (3). « Je ne pensais pas que mon vote compterait autant que ça, parce que je pensais que le maintien l’emporterait. La démission de David Cameron m’a surpris », a ainsi déclaré en direct sur la BBC un certain "Adam", citoyen de Manchester, se disant « choqué » du résultat. Jamais un micro-trottoir n'aura eu de telles reprises. Il est vrai qu'il est renforcé par cette pétition de trois millions de signatures (4) (qui pourrait bien être partiellement une blague), qui a tenu l'Europe en haleine tout le week-end, elle-même renforcée par une autre pétition, réclamant l'indépendance de Londres (blague revendiquée, pour sa part, mais traitée dans le même lot que l'autre, pour faire le bon poids).
Ça ne suffit pas ? Les correspondants à Londres interviewent eux-mêmes des Londoniens (5) : un "Peter, 45 ans, banquier de la City", un "designer de vêtements", le "patron d'une petite entreprise de construction", et "le propriétaire d'un magasin de sucreries et d'un petit business sur E-Bay".Ça ne suffit toujours pas ? Le Monde se précipite pour reprendre dans un article sur "l'amertume de jeunes Britanniques" (6), un clip larmoyant de jeunes bouleversés par le résultat, concocté par le Guardian (et encore le titre initial, corrigé par une main anonyme, mais trahi par l'URL, parlait "des" jeunes Britanniques).

Un seul problème : cette tranche d'âge n'est pas allée voter. Ce qui n'est d'ailleurs pas entièrement de sa faute, mais aussi de celle du gouvernement Cameron qui, pour lutter contre la fraude, avait durci les conditions de participation au scrutin, comme le signalait également Le Monde (7), avant le vote. Ce qui constitue encore un indice du génie politique de Cameron, seul enseignement à peu près indiscutable de ce scrutin.



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