La lutte contre le mouvement pour boycotter Israël (BDS – Boycott,
désinvestissement, sanctions) a atteint en Israël un niveau inédit –
celui de la criminalisation.
À partir de maintenant il ne s’agit pas
simplement d’une campagne de propagande contre BDS (qui ne fait
d’ailleurs que le renforcer), ni de l’attitude habituelle qui consiste à
se poser en victime, ni même des bobards colonialistes prétendant que
le boycott fait du tort aux travailleurs palestiniens. Il ne s’agit même
plus d’une diabolisation, qui implique d’accuser les partisans du boycott d’antisémitisme, soit la mère de toutes les accusations.
Non, maintenant le boycott est devenu un crime. C’est devenu un crime
de boycotter le criminel [l’Etat colonisateur]. C’est un crime d’éviter
d’acheter des denrées produites dans des territoires du crime. C’est un
crime d’éviter de soutenir une fabrique de crime. C’est un crime de
lutter contre les violations du droit international.
Le puissant travail du lobby juif-israélien est en train de marquer
des points. Le feu vert a été donné par la Cour suprême en France, qui,
l’année dernière, a jugé – cela paraît incroyable – que le fait de
boycotter Israël était un « crime de haine » [1]. Ce ne sont donc ni les
colonies ni les exécutions aux check-points, ni la violence des colons
ni les arrestations de masse qui sont un crime. Non, c’est le fait de
les boycotter qui constitue un crime.
Les Etats-Unis ne sont bien sûr pas à la traîne. Ils ne manquent
jamais une opportunité de cultiver, de financer et d’encourager
l’occupation. Vingt Etats ont promulgué – ou sont sur le point de le
faire – des amendements contre le boycott d’Israël. Le gouverneur de New
York, Andrew Cuomo, a même été jusqu’à annoncer cette semaine qu’il
avait signé un décret administratif stipulant que son Etat boycottera
toute organisation ou compagnie qui oserait participer au boycott. « Nous
voulons qu’Israël sache que nous sommes de son côté », a déclaré ce
pseudo-ami d’Israël lors d’une conférence juive à Manhattan. Dans un
tweet il clarifie: « Si vous boycottez Israël, New York vous boycottera ».
Merci New York ! Merci monsieur le gouverneur ! Votre action a prouvé
que New York était du côté des occupants, du côté du crime. Une fois de
plus vous avez prouvé à quel point les Etats-Unis sont indignes de
porter le titre de « leader du monde libre ». Une fois de plus vous avez
prouvé que, lorsqu’il s’agit d’Israël, toutes les valeurs que vous
préconisez sont du coup déformées. Qui peut imaginer qu’un décret de ce
genre aurait pu être publié contre le mouvement international
anti-apartheid en Afrique du Sud ? Qui peut imaginer une criminalisation
des sanctions contre la Russie suite à son invasion de la Crimée ?
On peut ne pas soutenir le boycott, on peut aussi ne pas croire à son
efficacité. Mais il faut admettre qu’on ne peut pas être une personne
dotée de conscience et acheter des produits des colonies. Au même titre
où des personnes soucieuses de respecter la loi n’achèteraient pas des
produits volés doivent de même éviter d’acheter des biens produits sur
des terres volées et tenter de dissuader les gens de le faire. On a le
droit d’encourager les gens à boycotter de tels produits. Mais c’est
très difficile, car il est devenu impossible d’établir une distinction
claire entre les colonies et Israël, ce qui a estompé la Ligne verte
[établie par l’Etat Israélien après 1967].
Israël est totalement investi dans l’entreprise d’occupation, au
point qu’il est devenu impossible de distinguer entre l’Etat d’Israël et
l’occupation. Quelle banque israélienne n’a pas des comptes en
Cisjordanie ? Quelle structure de santé n’a pas une branche à Ariel
[colonie établie en Cisjordanie] ? Quelle chaîne de supermarchés n’a pas
des filiales desservant les colons ?
Même ceux qui ne croient pas au boycott ou qui pensent qu’il y a de
meilleures manières de combattre l’occupation (lesquelles ?) ne doivent
pas se joindre à cette entreprise dévastatrice de criminalisation. Le
boycott est un moyen légitime, non-violent, qui a été – et est encore –
utilisé par de nombreux Etats, y compris par Israël.
En effet, que sont les sanctions internationales contre Hamas,
encouragées par Israël, sinon un boycott ? Et qu’en est-il des mesures
contre l’Iran ? Est-ce qu’Israël n’a pas également violé la loi
internationale ? Les propagandistes israéliens se délectent des réussites
contre BDS. La semaine passée, le commandant de ce combat, l’ambassadeur
d’Israël auprès des Nations Unies, Danny Danon, a tenu une conférence
propagandiste dans le bâtiment de l’ONU, où ses efforts visaient à
briefer quelque 1500 étudiants juifs crédules en récitant : « Chaque
deuxième mot qui sort de vos bouches doit être “paix” ».
Cela est bien sûr très émouvant. Mais l’heure de vérité arrivera et
alors tous ceux qui ont agi pour criminaliser le boycott devront
répondre honnêtement à quelques questions : Qui est le criminel ici ? Quel
est le véritable crime, et qu’avez-vous entrepris pour lutter contre ce
crime ?
Note
[1] Selon l’article du Monde du 6 novembre 2015 : « Pour la haute
juridiction française, cela est néanmoins constitutif du délit de « provocation
à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou
un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance
à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée » (article 24 alinéa 8 de la loi sur la presse).» (Réd. A l’Encontre)
Traduction : À l’Encontre
alencontre.org
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