vendredi 17 juin 2016

La guerre du foot a commencé

Olivier Cabanel                    

L’Euro-foot vient à peine de commencer, et la guerre est déjà déclarée : les hooligans de tous pays avaient annoncé la couleur, mais il semble qu’en haut lieu, on n’ait pas pris totalement la mesure des risques...

Comment expliquer cette impréparation de la part des responsables politiques et sportifs, alors que les hooligans viennent d’ouvrir le score : un homme blessé à coup de barre de fer, à Marseille, lutte entre la vie et la mort. lien
Ajoutons-y 35 autres blessés...
À quelques heures du coup d’envoi du match Angleterre Russie, un handicapé en béquille a été frappé à coup de chaises avant de s’écrouler. lien
Quant aux chaises, elles pleuvaient. vidéo
Mais qui sont ces hooligans ?
Contrairement à une idée reçue, s’il est vrai que le hooliganisme est né chez nos voisins outre-manche, cette pratique s’est largement répandue dans toute l’Europe.
Ceux qui ont frappé à Marseille étaient, pour la plupart des Russes, dont le profil a été décrit par Ronan Evain, doctorant en politique et spécialisé en hooliganisme : « Ce sont des durs, très entraînés, très organisés, et ils considèrent leur activité comme un sport ».
Du Lokomotiv de Moscou, au Spartak, en passant par ceux du Torpedo, ils se réunissent pour ce qu’ils ne peuvent pas faire chez eux : se battre en pleine ville (lien), leur but est clair, se payer des hooligans anglais, mais au-delà de cet affrontement, d’autres sont à craindre... imaginons un match qui opposerait la Russie et l’Ukraine... raison pour laquelle l’UEFA a « arrangé » les tirages au sort de manière à éviter un match entre Russes et Ukrainiens, sauf que le risque demeure. lien
D’après les experts du journal « l’Equipe  », il y aurait encore au moins 4 matchs à risque : Turquie/Croatie, Allemagne/Pologne, Angleterre/Pays de Galles, et Ukraine/Pologne, dont il est dit qu’ils sont classés niveau 3 sur une échelle qui en compte 4. lien
Ce pauvre De Coubertin doit se retourner dans sa tombe, lui qui pensait que le sport devait justement rapprocher les hommes, les magnifier, malgré leurs conflits et leurs divergences : c’est exactement le contraire qui se produit, ces matchs devenant l’occasion de « régler des comptes ».
Il imaginait que « le sport pouvait être considéré comme un moyen de rapprocher les hommes et de s’épanouir personnellement  ».
L’occasion de rappeler ce match mythique entre le Honduras et le Salvador, un certain 28 juin 1969, lequel a donné la victoire au Salvador, et qui a débouché le lendemain sur une authentique guerre entre les 2 états, guerre qui a provoqué en quelques jours la mort de plusieurs milliers de personnes. lien
Le foot peut aussi semer la discorde dans les familles, et les disputes entre conjoints se multiplient : mâles assoiffés de buts, programmes quotidiens chamboulés, cornes de brume et fumigènes, il ne faut pas chercher bien loin pour comprendre comment peuvent naître les conflits dans les couples.
Le foot, c’est beaucoup d’énergie et d’argent dépensé, rappelle un blog : hurlements, beuglements, mugissement, l’Homme devient barbare, quitte à détruire le tympan de sa chère et tendre, laquelle est condamnée à vivre en ermite si elle n’est pas foot. lien
Quand l’on voit l’état de dégradation physique et morale de ces foules avinées, débraillées, injuriant à tour de bras les supporters adverses, on peut se permettre de douter sur la finalité du sport voulue par le « Baron olympique ».
Il y a même des élections pour nommer les supporters les plus débiles : cette année, ce sont ceux du Standard de Liège qui ont décroché le pompon. lien
Cette vidéo mérite le détour...celle là aussi...ou celle-ci...
Chacun sait qu’avant chaque match, les hymnes nationaux sont chantés, rien de tel pour exacerber le patriotisme.
Mais revenons à l’Euro Foot 2016, et à ses dérapages marseillais.
L’UEFA menace... il serait question d’exclure de la compétition Russie et Angleterre... le ministre de l’intérieur évoque l’interdiction de vente d’alcool...
Mais soyons sérieux, face à des hooligans très organisés, quel pourrait être l’effet de ces menaces sur ces extrémistes ?
On se souvient que lors de l’euro 2012, Polonais et Russes s’étaient affrontés à Varsovie, amenant une pénalité de 6 points avec sursis destinée à la Russie... lors du Mondial 1998, un gendarme, Daniel Nivel, avait été grièvement blessé par des hooligans allemands, à Lens, lors du match Allemagne/Yougoslavie... lors de ce même mondial, on avait compté une centaine de blessés à l’occasion du match Angleterre/Tunisie. lien
Tout ça ne va pas faire les affaires des commerçants qui commencent à la trouver saumâtre : matériel cassé, vente d’alcool menacée, et insécurité galopante, ce n’est pas bon pour le commerce.
De plus, on sait que la corruption s’est invitée depuis longtemps dans le milieu du foot, depuis qu’Andrew Jennings, journaliste d’investigation, mena une patiente enquête de 4 ans, balançant un pavé dans la mare lequel a éclaboussé les dirigeants de la FIFA, chiffrant la corruption à 100 millions d’euros.
Le documentaire proposé par Arte (Fifa : du foot et du fric) méritait le détour. lien
Le principal accusé par Jennings est le président de la Fifa, le suisse Sepp Blatter.
Le journaliste accuse ce dernier d’avoir truqué les élections internes de la FIFA et d’avoir détourné une partie de l’argent des billets de la Coupe du Monde de football.
Il raconte : « un jour, un virement d’un million de francs suisses est arrivé au siège de la FIFA.
Erwin Schmid, le directeur financier, a soumis le problème à Blatter. Finalement, l’argent n’a pas été encaissé par la FIFA. En revanche, il est allé discrètement sur un compte particulier. J’ai une copie de ce bordereau ».
Ce n’est pas tout : Jennings affirme que TV Globo (chaine brésilienne) a versé 60 millions de dollars, lesquels ne sont jamais arrivés dans les caisses de la FIFA.
Il affirme : «  Blatter savait qu’ISL (international sports and leisure, l’entreprise qui gère le sponsoring) était en faillite et que l’argent était utilisé pour se remettre à flot, comme le milliard de dollars payé pour obtenir les droits de l’ATP Tour (tennis) en 1999. Malgré cela, Blatter n’est pas intervenu, il a fermé les yeux  ». lien
Jennings a publié son enquête (Foul 2007 édition Harper Collins), enquête dont Blatter a essayé d’empêcher la parution, n’obtenant en fin de compte qu’une interdiction limitée à la Suisse. lien
Et puis il y a les paris truqués : L’Europe est en effet au cœur d’un vaste scandale, et récemment les enquêteurs ont découvert que 200 matchs de foot avaient été truqués.
Karl Dhont, commissaire à la corruption de l’organisme européen assure posséder un dossier portant sur une quarantaine de rencontres truquées, lequel dossier gênerait beaucoup la Belgique.
Ye, homme d’affaire chinois est soupçonné d’avoir truqué des rencontres du championnat belge depuis 2004. lien
Le prix d’un match truqué est connu : 5000 € par joueur. lien
Pourtant l’UEFA, lors de son séminaire de décembre 2008, prétend avoir mis en place des systèmes de détection de fraudes liés aux paris. lien
Ce qui n’a pas empêché les Tchèques d’être pris la main dans le sac, le « sigma Olomouc » étant accusé d’avoir remis aux joueurs des « Bohemians  » une enveloppe de 12 000 euros. lien
Les anglais ne font pas mieux : Un allemand (Knut auf dem Berge) à joué les enquêteurs dans le milieu du football professionnel anglais à coup de caméras cachées.
On y découvre les pots de vins, la corruption à coup de commissions diverses et un film de la BBC en est ressorti : « les secrets sales du football » donnant une image glauque de ce sport et des trafics en tout genre qui y sont mêlés. lien
Ce film a obligé Newcastle à licencier son co-entraineur Kevin Bond, piégé par une caméra cachée, et que l’on entend dire qu’il est prêt à accepter un « dessous de table ». lien
Il n’y a pas si longtemps, un joueur du National a reconnu avoir participé à un match truqué. lien
N’oublions pas non plus le scandale qui touche entre autres la Russie, soupçonnée de dopage lors des manifestations sportives, dopage qui, on le sait, touche aussi le monde du foot. lien
Comme l’explique Dorian Martinez, expert en la matière, « avec un peu de bon sens, on comprend que malgré tout son talent, un joueur sera meilleur s’il peut courir toute la durée du match comme un lapin, plutôt que s’il tire la langue dès la 65ème minute... ». lien
Alors, entre ces débordements peu citoyens, ces affrontements hooliganesques, le risque de paris truqués, de corruption, de dopage et les menaces terroristes, il est probable que cet euro foot ne laissera pas que des bons souvenirs.
À voir et revoir, le match philosophique imaginé par les Monty Python. vidéo

Car comme dit mon vieil ami africain : « plus on essaye de se glisser dans le moule, plus on ressemble à une tarte ».

Le dessin illustrant l’article est de Nawak

agoravox.fr

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