Claude-Marie Vadrot
La cour suprême sud-africaine vient de relancer le commerce de la corne
de rhinocéros sur un continent qui voit ses espèces emblématiques
disparaître de plus en plus rapidement en confortant de puissants
réseaux de trafiquants.
Malgré les efforts des autorités sud-africaines, le massacre des
rhinocéros continue d'augmenter, dépassant chaque année le millier
d’animaux abattus par des braconniers. Dans le seul but de récupérer la
corne qui, une fois broyée et réduite en poudre, se vend jusqu’à 70.000
euros le kilogramme sur les marchés clandestins, en Asie et au
Moyen-Orient. Parce que cette substance, largement plus rentable que la
cocaïne, est (faussement) réputée restaurer les ardeurs sexuelles des
hommes. Les marchés sont également approvisionnés par des rhinocéros
d'élevage, sans qu’il soit possible de discerner la provenance de la
corne prélevée – c'est-à-dire sciée. Considérant que cette production
contribuait à entretenir un trafic qui, à terme, risque de provoquer la
disparition de l’espèce sauvage, le gouvernement de Pretoria avait
décrété un moratoire suspendant cette surprenante « production » qui
fait la fortune de quelques fermiers. Malheureusement, le 24 mai, la
Cour suprême sud-africaine, a définitivement contesté la légalité du
moratoire. Ce qui ne rendra pas service aux rhinocéros, qu’ils soient
abattus en Afrique-du-sud ou dans les autres pays africains où ils
subissent un braconnage intense. Au point d’être menacés de disparition.
Éléphants abattus à la mitrailleuse
Cette histoire illustre parfaitement les difficultés éprouvées par de
nombreux pays pour faire respecter les interdictions d’exportation (ou
d’importation) d’animaux sauvages (ou des produits prélevés sur eux)
édictées par la Convention sur le commerce d’espèces sauvages menacées
(CITES) qui existe depuis 1973. Ainsi, les récents autodafés à grand
spectacle de défenses d’éléphant, organisés il y a quelques semaines au
Kenya (105 tonnes) ou en Malaisie (60 tonnes), ne peuvent pas masquer
l’intensification du massacre des éléphants africains désormais abattus à
la mitrailleuse au Congo. Au point que rien qu’en 2015, d’après la
CITES, 20.000 éléphants ont été tués par les braconniers alimentant le
trafic mondial de l’ivoire. Un trafic en nette augmentation parce que le
prix de l’ivoire brut a atteint le prix record de 800 euros le kilo, ce
qui porte celui d’une défense moyenne à 80.000 ou 100.000 euros. Manne
qui représente une évidente tentation dans des pays dont de nombreux
habitants sont victimes de la sous-nutrition et survivent avec quelques
euros par jour.
Des centaines d'espèces illégalement exportées
Les éléphants et les rhinocéros ne sont pas les seuls victimes de
l’exploitation mondiale des espèces sauvages, qu’il s’agisse d’animaux
ou de plantes. Sont illégalement prélevés par des réseaux de
trafiquants, des félins pour leur peau (guépards, panthères ou ours) ou
des zoos privés, des orchidées et des cactus du Mexique pour les
collectionneurs, des oiseaux comme les perroquets pour les mettre en
cage ou encore des œufs d’oiseaux pour d’autres collectionneurs ; sans
oublier les mains de gorilles naturalisées recherchées par des amateurs
morbides. La liste de ces pillages est infinie et les prix montent
chaque année. À cause des touristes qui rapportent ces trophées au
retour de leurs vacances exotiques et des réseaux très structurés.
Ce trafic des espèces sauvages a atteint un tel niveau que le chiffre
d’affaires de ce commerce est évalué par les services de douanes et la
CITES, à au moins 10 milliards d’euros par an et plus probablement à 15
milliards. Ce qui le place au quatrième rang mondial, juste après celui
de la drogue, le trafic des êtres humains et le commerce des armes.
Cela
s’explique facilement : les dépouilles d’animaux et les espèces
interdites de commercialisation arrivent dans des valises par les
aéroports ou les bateaux. Grâce à des filières dont les acteurs ne
risquent pas grand-chose, souvent de simples amendes jamais payées, même
s’ils sont interceptés par les douaniers. Bien moins que s’ils
transportaient de la drogue.
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