L’ascension apparemment inexorable d’Avigdor Lieberman dans la politique israélienne se poursuit.
Ce
nationaliste fanfaron, ancien videur de boîte de nuit et laïque
sectaire qui préférerait un Etat purement juif plutôt que d’autoriser
l’égalité des droits entre Juifs et non-juifs, détient maintenant le
deuxième ministère le plus puissant du pays.
Ce
qu’on sait de Lieberman laisse entendre que ceci pourrait se terminer
de façon anodine ou, en réalité, très très mal. Entre réagir
instinctivement et se plier aux vents dominants – connu aussi sous
l’appellation de pragmatisme politique – il ne semble pas y avoir une
grande marge.
Même
selon les standards discutables de la politique israélienne, le
portefeuille de la défense est un énorme cadeau pour un homme qui a été
reconnu coupable d’agression sur un jeune garçon de 12 ans en 1999 et
qui a été impliqué dans une enquête de corruption majeure.
Et
ceci sans tenir compte d’innombrables déclarations incendiaires sur les
Palestiniens, pour lesquels il essaie de faire adopter l’application de
la peine de mort, les Palestiniens citoyens d’Israël, qu’il veut
expulser, et les politiques étrangers.
Quand
Hosni Mubarak était président de l’Egypte, Lieberman lui a dit qu’il
devrait soit venir en Israël, soit « aller au diable ».
Plus récemment, il a couvert d’insultes la ministre des affaires étrangères suédoise, Margot Wallstrom.
Répondant
à une demande de Wallstrom d’une enquête sur les exécutions
extrajudiciaires de Palestiniens par Israël plus tôt cette année,
Lieberman a prétendu que la « seule chose » qu’elle n’avait pas encore
faite, c’était de « rejoindre physiquement les terroristes palestiniens
et poignarder les Juifs ».
Et
pourtant, dans une carrière politique de presque 30 ans, commencée au
parti du Likoud, Lieberman n’a cessé de prendre du pouvoir.
Il
a gravi les échelons du gouvernement, de ministre de l’infrastructure
au transport – dont on a dit qu’il proposait de fournir des bus pour
pouvoir emmener les Palestiniens jusqu’à la Mer Morte et les noyer – à
ministre des questions stratégiques et de la politique étrangère.
Et il a été à deux reprises vice-premier ministre.
Né en Moldavie, Lieberman a créé Israel Beiteinu, parti dominé par les immigrés russes.
Il
avait quitté le Likoud pour protester contre ce qu’il considérait comme
des concessions faites aux Palestiniens par le premier ministre
Benjamin Netanyahu en 1997 lors des négociations de Wye River.
« Graines de fascisme »
En
tant que patron d’Israël Beiteinu, il a joué un rôle décisif dans la
formation des gouvernements successifs ces dix dernières années. C’est
la raison pour laquelle on lui a offert le portefeuille de la défense.
Sans
les six sièges du parti, la difficile coalition de Netanyahu entre
ultra-nationalistes et ultra-religieux aurait dépendu d’un seul siège de
majorité au parlement israélien, la Knessett.
N’étant
pas personne à négliger l’opportunisme politique pour d’autres
considérations, Netanyahu a donc volontiers ignoré la dernière pique de
Moshe Yaalon à son départ, disant que « des éléments extrémistes et
dangereux ont envahi » Israël.
Yaalon avait démissionné de son poste de ministre de la défense et Netanyahu a cherché à le remplacer.
Bien
sûr, Yaalon était éconduit, lui ancien chef d’état major obligé de
laisser la place à un civil pour se charger d’une armée qui se vante
d’être la « plus morale » du monde, afin de consolider une coalition
gouvernementale en dysfonctionnement.
Mais Yaalon ne faisait pas qu’alléger l’embarcation, et il ne fut pas le seul.
Ehud
Barak, ancien premier ministre, a dit à la télé israélienne cette même
nuit où Yaalon avait démissionné qu’Israël avait été « contaminé par les
graines du fascisme ».
Lieberman,
qui vit dans la colonie de Nokdim au sud de Bethléem, est le symptôme
très volubile de l’extrémisme israélien, un homme qui exprime ce qui
était jugé autrefois politiquement inacceptable.
Sa
vision d’une solution à deux Etats implique le transfert des citoyens
palestiniens d’Israël vers un nouvel Etat palestinien en échangeant les
zones à majorité palestinienne de l’intérieur d’Israël contre les blocs
de colonies de Cisjordanie occupée.
Il
a demandé que les députés palestiniens de la Knesset soient poursuivis
pour trahison, préconisant de « couper » la tête de « quiconque est
contre nous ». Et il met continuellement en question la loyauté des
Palestiniens qui vivent dans l’actuel Israël.
Il
est aussi à la tête d’un groupe grandissant de colons de la ligne dure
qui critiquent l’armée pour n’être pas assez rude avec les Palestiniens.
Ceci
en dépit de décennies d’enquêtes simulées ou inexistantes sur des
allégations de mauvaise conduite de soldats qui n’ont fait que servir à
blanchir l’occupation, selon l’organisation des droits de l’Homme
B’Tselem, et la quasi impunité dont jouissent les colons en Cisjordanie
sous un système juridique à deux niveaux.
Les
colons vivent nommément sous juridiction civile israélienne, tandis que
les Palestiniens sont soumis à la juridiction militaire.
En
mars, Lieberman a demandé la destitution de Yaalon quand des poursuites
ont été engagées contre un soldat filmé à Hébron en train de tuer par
balles un Palestinien immobilisé et désarmé.
Il a aussi dénoncé la façon dont Netanyahu a mené l’attaque sur Gaza en 2014 comme insuffisamment agressive.
Volte-faces
En fait, il a dénoncé Netanyahu plein de fois. En avril, on dit qu’il a qualifié Netanyahu de « menteur dégénéré et escroc ».
Un mois avant, il a décrit le premier ministre comme « manquant de caractère ».
Ce
genre de revirements, de la condamnation sans nuances au partenariat
complaisant, dévoile aussi un autre aspect de la personnalité de
Lieberman. En politique, cela s’appelle du pragmatisme.
Cela veut dire qu’il est prêt à dire et à faire tout quoiqu’il en coûte pour surfer sur le vent dominant.
Cet
aspect de son personnage est celui qui est apparu il y quelques jours
alors qu’il se tenait à côté de Netanyahu quand le premier ministre a
dit qu’il était prêt à négocier avec les pays arabes et les Palestiniens
sur la base de l’initiative arabe de paix de 2002, qui est en réalité
une reformulation de la législation internationale assortie de compromis
potentiels.
Ceci
laisse entendre que Lieberman sera beaucoup moins hardi en actes qu’en
paroles. Cela peut modérer son temps au ministère de la défense parce
qu’il vise peut-être la récompense suprême, la tête du gouvernement –
position dont il suggérait en 2014 qu’elle reviendrait bientôt à un
citoyen de langue russe.
Et
encore, c’est aussi l’homme qui a dit l’année dernière que les attaques
majeures sur le Liban et sur Gaza étaient « inévitables ».
Et qui plus est, il a préalablement plaidé en faveur d’un « nettoyage drastique » de Gaza.
Il est maintenant dans la meilleure position pour y arriver.
Omar Karmi est un ancien correspondant du journal The National à Jérusalem et Washington, DC.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : Electronic Intifada
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