dimanche 12 juin 2016

Lieberman va-t-il ordonner une nouvelle attaque sur Gaza ?

mu_je_00_3Omar Karmi, The Electronic Intifada           

L’ascension apparemment inexorable d’Avigdor Lieberman dans la politique israélienne se poursuit.

Ce nationaliste fanfaron, ancien videur de boîte de nuit et laïque sectaire qui préférerait un Etat purement juif plutôt que d’autoriser l’égalité des droits entre Juifs et non-juifs, détient maintenant le deuxième ministère le plus puissant du pays.
Ce qu’on sait de Lieberman laisse entendre que ceci pourrait se terminer de façon anodine ou, en réalité, très très mal. Entre réagir instinctivement et se plier aux vents dominants – connu aussi sous l’appellation de pragmatisme politique – il ne semble pas y avoir une grande marge.
Même selon les standards discutables de la politique israélienne, le portefeuille de la défense est un énorme cadeau pour un homme qui a été reconnu coupable d’agression sur un jeune garçon de 12 ans en 1999 et qui a été impliqué dans une enquête de corruption majeure.
Et ceci sans tenir compte d’innombrables déclarations incendiaires sur les Palestiniens, pour lesquels il essaie de faire adopter l’application de la peine de mort, les Palestiniens citoyens d’Israël, qu’il veut expulser, et les politiques étrangers.
Quand Hosni Mubarak était président de l’Egypte, Lieberman lui a dit qu’il devrait soit venir en Israël, soit « aller au diable ».
Plus récemment, il a couvert d’insultes la ministre des affaires étrangères suédoise, Margot Wallstrom.
Répondant à une demande de Wallstrom d’une enquête sur les exécutions extrajudiciaires de Palestiniens par Israël plus tôt cette année, Lieberman a prétendu que la « seule chose » qu’elle n’avait pas encore faite, c’était de « rejoindre physiquement les terroristes palestiniens et poignarder les Juifs ».
Et pourtant, dans une carrière politique de presque 30 ans, commencée au parti du Likoud, Lieberman n’a cessé de prendre du pouvoir.
Il a gravi les échelons du gouvernement, de ministre de l’infrastructure au transport – dont on a dit qu’il proposait de fournir des bus pour pouvoir emmener les Palestiniens jusqu’à la Mer Morte et les noyer – à ministre des questions stratégiques et de la politique étrangère.
Et il a été à deux reprises vice-premier ministre.
Né en Moldavie, Lieberman a créé Israel Beiteinu, parti dominé par les immigrés russes.
Il avait quitté le Likoud pour protester contre ce qu’il considérait comme des concessions faites aux Palestiniens par le premier ministre Benjamin Netanyahu en 1997 lors des négociations de Wye River.

« Graines de fascisme »

En tant que patron d’Israël Beiteinu, il a joué un rôle décisif dans la formation des gouvernements successifs ces dix dernières années. C’est la raison pour laquelle on lui a offert le portefeuille de la défense.
Sans les six sièges du parti, la difficile coalition de Netanyahu entre ultra-nationalistes et ultra-religieux aurait dépendu d’un seul siège de majorité au parlement israélien, la Knessett.
N’étant pas personne à négliger l’opportunisme politique pour d’autres considérations, Netanyahu a donc volontiers ignoré la dernière pique de Moshe Yaalon à son départ, disant que « des éléments extrémistes et dangereux ont envahi » Israël.
Yaalon avait démissionné de son poste de ministre de la défense et Netanyahu a cherché à le remplacer.
Bien sûr, Yaalon était éconduit, lui ancien chef d’état major obligé de laisser la place à un civil pour se charger d’une armée qui se vante d’être la « plus morale » du monde, afin de consolider une coalition gouvernementale en dysfonctionnement.
Mais Yaalon ne faisait pas qu’alléger l’embarcation, et il ne fut pas le seul.
Ehud Barak, ancien premier ministre, a dit à la télé israélienne cette même nuit où Yaalon avait démissionné qu’Israël avait été « contaminé par les graines du fascisme ».
Lieberman, qui vit dans la colonie de Nokdim au sud de Bethléem, est le symptôme très volubile de l’extrémisme israélien, un homme qui exprime ce qui était jugé autrefois politiquement inacceptable.
Sa vision d’une solution à deux Etats implique le transfert des citoyens palestiniens d’Israël vers un nouvel Etat palestinien en échangeant les zones à majorité palestinienne de l’intérieur d’Israël contre les blocs de colonies de Cisjordanie occupée.
Il a demandé que les députés palestiniens de la Knesset soient poursuivis pour trahison, préconisant de « couper » la tête de « quiconque est contre nous ». Et il met continuellement en question la loyauté des Palestiniens qui vivent dans l’actuel Israël.
Il est aussi à la tête d’un groupe grandissant de colons de la ligne dure qui critiquent l’armée pour n’être pas assez rude avec les Palestiniens.
Ceci en dépit de décennies d’enquêtes simulées ou inexistantes sur des allégations de mauvaise conduite de soldats qui n’ont fait que servir à blanchir l’occupation, selon l’organisation des droits de l’Homme B’Tselem, et la quasi impunité dont jouissent les colons en Cisjordanie sous un système juridique à deux niveaux.
Les colons vivent nommément sous juridiction civile israélienne, tandis que les Palestiniens sont soumis à la juridiction militaire.
En mars, Lieberman a demandé la destitution de Yaalon quand des poursuites ont été engagées contre un soldat filmé à Hébron en train de tuer par balles un Palestinien immobilisé et désarmé.
Il a aussi dénoncé la façon dont Netanyahu a mené l’attaque sur Gaza en 2014 comme insuffisamment agressive.

Volte-faces

En fait, il a dénoncé Netanyahu plein de fois. En avril, on dit qu’il a qualifié Netanyahu de « menteur dégénéré et escroc ».
Un mois avant, il a décrit le premier ministre comme « manquant de caractère ».
Ce genre de revirements, de la condamnation sans nuances au partenariat complaisant, dévoile aussi un autre aspect de la personnalité de Lieberman. En politique, cela s’appelle du pragmatisme.
Cela veut dire qu’il est prêt à dire et à faire tout quoiqu’il en coûte pour surfer sur le vent dominant.
Cet aspect de son personnage est celui qui est apparu il y quelques jours alors qu’il se tenait à côté de Netanyahu quand le premier ministre a dit qu’il était prêt à négocier avec les pays arabes et les Palestiniens sur la base de l’initiative arabe de paix de 2002, qui est en réalité une reformulation de la législation internationale assortie de compromis potentiels.
Ceci laisse entendre que Lieberman sera beaucoup moins hardi en actes qu’en paroles. Cela peut modérer son temps au ministère de la défense parce qu’il vise peut-être la récompense suprême, la tête du gouvernement – position dont il suggérait en 2014 qu’elle reviendrait bientôt à un citoyen de langue russe.

Et encore, c’est aussi l’homme qui a dit l’année dernière que les attaques majeures sur le Liban et sur Gaza étaient « inévitables ».
Et qui plus est, il a préalablement plaidé en faveur d’un « nettoyage drastique » de Gaza.
Il est maintenant dans la meilleure position pour y arriver.

Omar Karmi est un ancien correspondant du journal The National à Jérusalem et Washington, DC.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine


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