Selon
l’expression, l’enquête commence, alors attendons, attendons ce que
diront les témoins, l’ordinateur, les téléphones portables… mais le
procureur de la République du TGI de Paris en a dit hier assez pour que nous puissions un peu en parler.
L’auteur
des faits était tout sauf un inconnu en matière de terrorisme. Détenu
depuis son arrestation en 2011, il avait été condamné en 2013 pour sa
participation à une filière de recrutement pour Al Qaeda vers les zones
pakistano-afghanes, à trois ans de prison dont six mois avec sursis mis à
l’épreuve. Toujours
d’après le procureur, «pendant son incarcération, il s'était livré à
des actes de prosélytisme d'islamisme radical qui lui avaient valu
d'être remarqué pour cela par l'administration pénitentiaire.»
Par ailleurs, il avait été classé S, ce qui veut tout et rien dire, et n’est pas une charge pénale, mais quand même...
Pendant ce sursis, ses principales obligations étaient de justifier d’un domicile et d’un travail.
Le procureur explique que pendant la longue période entre 2013 et
novembre 2015, il s’inscrivait dans ce cadre socialisant. Il avait
respecté ses obligations, et les quelques fois où il avait fait reporter
un rendez-vous, c’était en le justifiant par ses horaires de travail.
Le
11 février 2016, un magistrat instructeur, agissant dans le cadre de
poursuites pour l'infraction d’association de malfaiteurs terroristes,
infraction qui commence avec trois fois rien, avait décidé un placement
sous écoutes judiciaires : des écoutes légales, qui font l’objet de
scrupuleux PV de retranscription. Mais rien ne laissait apparaître
le risque d’un passage à l’acte violent. Et pourtant...
Nous
sommes donc bien clairs : une personne condamnée pour l’organisation
d'un réseau, réputée radicale, placée sur écoutes téléphoniques par un
juge instruction, s’est jouée très simplement de cette surveillance. Le
mythe de la surveillance informatique comme solution nec plus ultra
- voir toutes les législations et les pratiques des services de
renseignements - en prend un sacré coup : dans le cas présent, aucune
efficacité.
C’est
toute la question : la puissance du crime. A force de tout confondre,
de monter en épingle n'importe quel fait divers, on oublie ce qu’est un
crime, ce qu’est sa puissance destructrice...
Dans
notre affaire, l’une des questions qui se pose est de savoir pourquoi
dans le cadre de l’état d’urgence, aucune mesure n’avait été prise :
ni perquisition, ni assignation à résidence, alors qu’objectivement cet
homme était à surveiller. Pourquoi ? Evidemment, je n’en sais rien. Sauf
que, comme on l’a plusieurs fois expliqué, les mesures de police
administrative prises dans le cadre de l’état d’urgence sont très
inefficaces sur le plan judiciaire : la personne concernée est
immédiatement avisée qu’elle est sous surveillance, et il est impossible
de faire un travail d’enquête sérieux, de remonter les réseaux.
À 48 heures des faits, il n’y a aucun bilan à tirer, juste des questions à poser, et elles sont sérieuses.
Mais
la grande vraie bataille se joue là-bas, dans ces pays que nous avons
détruits : Afghanistan, Irak, Syrie, Libye et Yémen, ce qui pose aussi
la question de la responsabilité pénale pour ces choix intéressés. Que
ça plaise ou non, tout passe par la restauration de ces puissances
étatiques.
Actualités du Droit
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