Après la votation de voisinage sur l’aéroport
de Notre-Dame-des-Landes, je sais ce que disent nos amis et notamment
ceux de la ligne de front sur place, dans les comités locaux ou
nationaux d’opposition à l’aéroport inutile.
Je converge avec eux comme
certains d’entre eux avec notre défilé des insoumis du 5 juin dernier.
Si j’en reste à ce que j’ai déjà eu l’occasion d’écrire ici, le
référendum local n’a guère de valeur à nos yeux. Certes, il s’agit de
l’expression de l’opinion majoritaire des personnes qui sont allées
voter dans une petite partie de la zone concernée par ce grand projet
inutile.
Mais l’aéroport, décidé il y a quarante ans pour faire atterrir le
Concorde arrivant des États-Unis, n’est pas un projet local. Il est
argumenté comme projet d’intérêt national. Il implique d’ailleurs le
maillage général du système des transports en France. Il n’existe que
sous la prétention de l’intérêt général. Et celui-ci ne peut avoir
d’autre source en république que le suffrage du souverain : le peuple
tout entier.
Si cela vous parait trop abstrait, je vais vous présenter l’affaire
sous un autre angle. J’habite non loin de la gare de l’Est. C’est une
source de pollution atmosphérique non négligeable pour les riverains. Et
une source de trafic automobile très substantielle. Sans oublier la
présence des populations abandonnées qui dorment dans la rue ou mendient
aux alentours dans l’indifférence générale des services publics. Et
puis il y a la gare du Nord, deux cent mètres plus haut, dont les
faisceaux ferroviaires sont certainement connectables. Pourquoi
maintenir la gare de l’Est, qui nuit à la santé de tous les riverains du
10ème à Paris ? Un référendum dans l’arrondissement devrait permettre
de savoir ce qui est bon pour tous, non ?
D’autres exemples peuvent encore illustrer la vanité du cas de la
votation réservée à la seule Loire-Atlantique. Parlons des riverains du
champ de Mars, à Paris encore. N’ont-ils pas à souffrir de l’ombre de la
tour Eiffel ? Ne pâtissent-ils pas de la présence d’innombrables
touristes et de leur agitation alors que la tour ne sert strictement à
rien ? Un referendum dans l’arrondissement ne serait-il pas légitime
pour savoir si la tour doit rester là où elle encombre alors qu’elle
serait bienvenue dans un endroit où il n’y aurait personne ? Que
l’absurdité de ces questions permette de comprendre la manipulation du
référendum organisé par les élus amis de la concession aéroportuaire de
Vinci à Nantes et dans le département.
Bien sûr, ceux qui ont demandé ce référendum doivent respecter sa
conclusion. Ce n’est pas notre cas. Nous ne sommes donc nullement tenus.
Mais au-delà de cela, voyons le fond. La démocratie et le vote sont un
système de décision, pas un mode de conviction. On vote, une majorité
est réunie, sa décision s’applique. Mais personne n’est obligé de
changer d’avis. Ni de stopper son action d’opposition. C’est bien
pourquoi les partis qui perdent les élections ne se dissolvent pas après
leur défaite et continuent à défendre leur point de vue.
Ici, il en va de même. D’autant que les recours déposés par les
opposants au projet ne relèvent pas de l’opinion mais invoquent le
respect de la loi qui serait bafouée ici. Dans ces conditions, tant que
les recours ne sont pas épuisés, l’action d’opposition reste totalement
légitimiste en quelque sorte. Et si les recours venaient à être épuisés
sans résultat favorables pour ceux qui les ont déposés, cela ne
changerait rien au droit de ne pas être d’accord avec la réalisation du
projet, compte tenu des arguments d’intérêt général que nous invoquons.
Au total, donc, le référendum ne change rien à notre opposition, ni
aux méthodes d’action qui ont permis de tenir si longtemps contre une
telle conjuration de forces de l’argent, du pouvoir et du pourrissement
de la situation.
Jean-Luc Mélenchon
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