Parlons clair. Je suis pour l’union des peuples d’Europe qui le
souhaitent, mais sur un fondement totalement méprisé par l’UE : la
souveraineté populaire, cette conquête historique de 1789 confirmée en
1945 par « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
Rien à voir avec cette caricature qu’est l’UE où les principes
fondamentaux de la démocratie sont bafoués : pas de séparation des
pouvoirs, pas de contrôle de l’Exécutif (le Conseil des Ministres de
l’UE) par une assemblée parlementaire, pas de Parlement digne de ce nom,
c’est-à-dire en capacité d’avancer ses propres propositions, pleinement
indépendant pour adopter des normes législatives et protégé
efficacement contre l’influence perverse des lobbies. Un trait d’humour
révélateur circule dans les milieux européens les plus lucides : si l’UE
en tant que telle était candidate à entrer dans l’UE, sa candidature ne
répondrait pas aux critères de démocratie exigés pour l’adhésion à
l’UE.
Alors, me dira-t-on, plutôt que de
détruire l’UE, réformons-là. J’ai cru à cela pendant de très nombreuses
années. C’est sur cet espoir que je me suis opposé en 2005 au projet de
traité constitutionnel européen. C’est dans cette même perspective que
j’ai rassemblé un ensemble de propositions dans un livre intitulé
« Quelle Europe après le non ? » (2007). Mais depuis, il m’a fallu
déchanter. Le traité de Lisbonne qui est à 99,9 % le projet de traité
constitutionnel rejeté par les peuples de deux Etats qui ont eu la
chance de pouvoir s’exprimer, illustre le mépris des dirigeants
européens pour l’opinion des peuples qu’ils prétendent représenter. Et
tous les traités qui ont suivi, semestre européen, TSCG, MES, ont, à
l’inverse des attentes démocratiques exprimées en France et aux Pays-Bas
en 2005, renforcé les pouvoirs d’institutions européennes sur
lesquelles les peuples n’ont aucun pouvoir : Commission européenne,
Banque Centrale Européenne, Cour de Justice européenne. Le formidable
déni de démocratie est aussi illustré par l’Euro-groupe, une structure
aux pouvoirs considérables, mais sans aucune existence légale, et qui
peut provoquer des souffrances immenses comme celles imposées au peuple
grec. Pire encore, cette UE qui prétend exprimer des valeurs, a montré
qu’il n’existe pas de valeurs dès lors que les intérêts particuliers et
les égoïsmes prévalent : au nom de l’union des peuples, on les met en
concurrence les uns contre les autres ; au nom de prétendues valeurs, on
viole les Conventions internationales qui protègent les victimes de
conflits ou de tyrannies. L’UE et ses supposées valeurs est aujourd’hui
traversée de murs hérissés de barbelés et la liberté de circulation ne
vaut que pour les travailleurs qu’on « détache » pour mieux les
exploiter.
Ce refus de réformer l’UE a été formalisé par l’actuel président de
la Commission européenne, un homme qui pendant plus de quinze ans, à la
tête du gouvernement luxembourgeois, a organisé l’évasion fiscale. Il
s’est permis de déclarer « il n’y a pas de vote démocratique contre les traités européens ».
On ne peut mieux signifier que l’UE n’est pas réformable. En fait, elle
a été conçue pour qu’il en soit ainsi. Elle s’est faite au nom des
peuples, mais sans eux et très souvent contre eux.
Dès lors, il ne reste qu’une seule option : provoquer le
démantèlement de ce monstre oligarchique qu’est l’UE pour construire une
union des peuples qui le voudront sur les bases indiquées en début
d’article. Pour y parvenir et hâter le processus, le Brexit offre une
opportunité qui, j’en suis convaincu, aura plus d’efficacité que les
rejets de 2005.
C’est peut-être paradoxal, mais la meilleure chance pour les peuples
d’Europe qui voudront s’unir dans le respect des principes fondamentaux
de la démocratie, c’est la sortie d’un pays qui, à bien des égards, est
un des fondateurs de la démocratie parlementaire.
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