Les pantalonnades de Valls sur la loi El Khomri et l’agonie du PS
dans cette bataille ne doivent pas capter tout notre temps de cerveau
disponible. Gardons-en dans l’immense panne médiatique sur ce thème pour
observer le comportement du FN sur le sujet. Et pour le faire
connaître. Évidemment, il faut lire son interview au journal « Valeurs actuelles » aussi où elle marque son ancrage à droite.
« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ».
Cette phrase d’Edgar Faure s’applique parfaitement à Marine Le Pen. On
l’a vu à propos de l’interdiction des manifestations. Il y a un mois et
demi, le 20 mai, sur Europe1, Marine Le Pen réclamait l’interdiction de toutes les manifestations contre la loi El Khomri. Avec un argument catégorique « pendant l’état d’urgence, il n’y a pas de manifestations ».
Marine Le Pen voulait empêcher le peuple de dire non au Medef, à
Hollande et à la Commission européenne ! Un mois plus tard, voilà la
même Le Pen critiquant la volonté du gouvernement d’interdire la
manifestation parisienne du 23 juin ! Un coup de zig, un coup de zag.
Comme sur l’euro ou sur la retraite. Mais la boussole du FN reste la
même : dans les deux assemblées, leurs parlementaires ont fait assaut de
propositions encore plus libérales que la loi El Khomri et toujours
violemment anti-syndicales ! Comme de bons fachos de la tradition.
Marion Maréchal-Le Pen n’a-t-elle pas déclaré le 11 mars que « La réforme du droit du travail est une partie de la solution » au chômage ? De l’El Khomri dans le texte !
Bien sûr, le FN a surtout joué du cor de chasse anti-syndical, comme à chaque mouvement social. Marine Le Pen, le 20 mai sur Europe 1
réclamait l’interdiction de toutes les manifestations. Puis, consciente
que le mouvement entrainait en profondeur le peuple des salariés parmi
les plus humbles, elle a radicalement inversé sa position et dénoncé une
« atteinte grave à la démocratie » après l’annonce de
l’interdiction de la manifestation du 23 juin. Peu importe la girouette
en chef. Toute la tribu a continué à vomir sa haine. Pour Louis Aliot,
vice-président du parti « la grève est un système archaïque » et « les revendication de la CGT et Sud sont corporatistes » comme il l’a déclaré le 12 juin dans Le journal du centre.
Et quoi qu’ait dit la chef suprême, la nièce Marion Maréchal-Le Pen
assume jusqu’au bout l’interdiction des manifestations syndicales, même
si sa tante a changé d’avis. Le 17 juin sur France info, elle l’assumait tranquillement : « c’est
une chose qui peut être envisagée. Moi j’ai dit que je n’étais pas
particulièrement choquée par le fait que le gouvernement puisse
envisager […] que certaines manifestations puissent être, évidemment
temporairement, interdites ». Cette nouvelle amie de Hollande et Valls était au diapason de la propagande de son parti.
Car au cœur de la grève, fin mai, le FN pilonnait sans trêve les
syndicats. Une vidéo sur le site du parti affirmait clairement que « Le verrou syndical est le premier verrou à faire sauter pour débloquer l’économie » avant même le verrou européen ! Marion Maréchal-Le Pen a notamment violemment ciblé la CGT, premier syndicat du pays : « Nos
compatriotes sont pris en otage par deux minorités : le Gouvernement,
dépourvu d’une réelle majorité parlementaire, et la CGT, syndicat
groupusculaire, organisation d’extrême-gauche, ultimes adeptes d’une
lutte des classes périmée ». Et dans la discussion parlementaire,
tous les amendements FN s’attaquaient frontalement aux syndicats. Ils
visaient notamment à supprimer le monopole syndical au premier tour des
élections professionnelles, protection contre les candidatures
organisées par le patronat. Une proposition défendue également par le
Medef et un amendement déposé par le chef des Républicains au Sénat,
Bruno Retailleau !
Car bien sûr, en réalité, le FN est d’accord avec la loi El Khomri.
D’ailleurs à l’Assemblée comme au Sénat, aucun des parlementaires FN n’a
voté les motions de rejet préalables du projet de loi à l’ouverture du
débat parlementaire. Et l’examen des amendements déposés par Marion
Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard à l’Assemblée, et par les cumulards
Stéphane Ravier et David Rachline au Sénat, est éclairant. Au Sénat, les
amendements des sénateurs FN étaient tellement libéraux qu’un censeur
du parti a exigé qu’ils soient retirés entre l’examen en Commission et
l’examen en séance publique ! Même chose à l’Assemblée ou Marine Le Pen a
dû intervenir pour faire retirer les amendements déposés par sa nièce
Marion Maréchal-Le Pen.
Mais que les ultra-libéraux, se rassure, Marion-Maréchal Le Pen fait
bien partie de leur famille. Sur BFMTV le 27 juin dernier, elle a redit
« J’assume parfaitement ces amendements. Je les ai déposés en bonne
connaissance de cause. Néanmoins, nous avons fait une réunion de travail
suite à cela et Marine Le Pen, en effet, a souhaité que nous ne
déposions pas d’amendement, non pas tant pour des raisons de fond mais
parce que comme elle souhaitait le retrait de la loi, par souci de
cohérence, le fait d’amender pouvait ne pas être particulièrement clair.
Mais je vous rassure : j’assume parfaitement ces amendements, je les
soutiens. »
Les parlementaires FN n’ont déposé aucun amendement contre les
principes de la loi El Khomri. Aucun amendement contre l’inversion de la
hiérarchie des normes qui ouvre la voix au dumping entre entreprises
d’une même branche et au chantage patronal. Aucun amendement contre la
baisse de la paie des heures supplémentaires. Aucun amendement contre la
facilitation des licenciements économiques. Çà ne leur pose pas de
problème. Ils ont même proposé de durcir la loi. Comment ? Par exemple
en proposant d’autoriser un employeur à imposer unilatéralement le
passage au « forfait-jour » comme décompte du temps de travail ! Ou
encore en supprimant les obligations patronales et les droits sociaux
automatiques en cas de franchissement du seuil de 50 salariés pour les
repousser à 100 salariés. C’est-à-dire priver des centaines de milliers
de salariés d’un comité d’entreprise par exemple ! Ou encore en
supprimant le famélique « compte pénibilité » pour la retraite. Le FN a
même proposé de faciliter encore plus les licenciements que ce que
prévoit le projet de loi EL Khomri ! Le sénateur David Rachline a ainsi
proposé de permettre à une PME de licencier dès deux mois de baisses de
chiffres d’affaires contre trois dans le projet de loi ce qui est déjà
ridicule !
Enfin, encore une fois, le FN n’a pas raté une occasion de s’en
prendre aux droits des femmes en proposant ni plus ni moins que de
supprimer l’article traitant de la dénonciation du harcèlement sexuel en
entreprise. Patriarcal, anti-syndical, libéral et opportuniste, le FN
reste un parti calé dans le terreau des fondamentaux de l’extrême
droite. Heureusement que les médias sont là pour inviter continuellement
les ouvriers à voter pour lui comme le font la majorité de leurs
collègues. Mais là encore ils « mentent utile ». Mentir pour inciter. En
vérité, 60% des ouvriers s’abstiennent.
Les médias ont donc beaucoup de
mal à les faire voter FN. Et si ce qui vient de se passer à propos de
la loi El Khomri venait à être connu d’eux, sans doute en auront-ils
encore moins envie. Mais, ouf ! Les médias n’en diront rien.
Jean-Luc Mélenchon
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