vendredi 1 juillet 2016

Quelques commentaires critiques de Gaza sur la normalisation entre la Turquie et Israël

point de passage de RafahHaidar Eid            

Israël et la Turquie ont conclu un accord visant à normaliser leurs relations, six ans après une agression navale israélienne qui avait tué dix militants turcs et neuf ans après le début d’un siège mortel qui a rendu Gaza invivable.

Que ressentons-nous à ce propos, nous, les Palestiniens de Gaza ?

Pour le dire sans emphase, nous sommes consternés et en colère, comme ce doit également être le cas des familles des dix victimes du drame du Mavi Marmara. Cet accord nous laisse soumis à un état de siège hermétique et médiéval qui équivaut à ce que l’historien israélien Ilan Pappé appelle un « génocide incrémentiel ». Inutile de dire qu’il constitue également une violation des directives de boycott énoncées par la société civile palestinienne en 2005. En fait, la chose n’est pas sans ressembler à une normalisation des liens diplomatiques et économiques avec le gouvernement d’apartheid de l’Afrique du Sud.
L’AKP est l’homologue turc de l’Ikhwan (Frères musulmans), qui a dirigé l’Égypte pendant un an et qui n’a ni ouvert le passage de Rafah ni levé l’état de siège, et le Hamas, l’homologue palestinien, a ajouté plus de misère encore à l’existence des assiégés de Gaza par le biais de sa domination sévère et de son absence de toute vision politique. Et, aujourd’hui, l’Ikhwan de Turquie signe un accord avec l’apartheid israélien au détriment des droits fondamentaux des Palestiniens !
Pour ajouter l’insulte à la blessure, le Hamas a sorti une déclaration « exprimant sa gratitude envers les efforts de M. Erdogan pour aider les résidents de Gaza, qui sont en ligne avec le soutien de principe de la Turquie à la cause palestinienne » ! Et le dirigeant du Hamas, Ahmed Yousuf, a expliqué clairement que « la Turquie a fait tout ce qu’elle pouvait pour lever le siège et aider les Palestiniens de Gaza. Au lieu de cela, les changements régionaux l’ont contrainte à modifier sa politique et à accepter l’allègement du siège. Nous ne pouvons espérer davantage de la part de la Turquie. »
Les défenseurs du gouvernement turc, à savoir les islamistes, se dressent en armes pour justifier l’injustifiable. L’accord de réconciliation israélo-turc n’a rien à voir avec Gaza et tout à voir avec les intérêts d’Israël et, jusqu’à un certain point, ceux de la Turquie.
En fait, l‘Ikhwan n’a jamais manqué de nous laisser tomber ! Il ne veut pas reconnaître que l’accord de réconciliation entre Israël et la Turquie est une gifle dans le visage de la décence éthique et morale, pour le simple fait que la Turquie a fini par demander l’aide d‘Israël pour lever le siège de Gaza !

Et, ainsi donc, que signifie « lever le siège » ?

Cela signifie essentiellement l’ouverture des six passages, dont les clés sont dans les mains d’Israël, et le flux de toutes sortes de marchandises, surtout des denrées essentielles, vers Gaza et depuis Gaza ; cela signifie également fournir de l’électricité et de l’eau potable à Gaza, et garantir la liberté de mouvement des deux millions de Palestiniens de l’enclave.
Cela signifie aussi l’ouverture permanente du passage de Rafah. Ceci incombe à la puissance occupante, autrement dit Israël. Mais même cela ne couvre pas le minimum des droits élémentaires du peuple palestinien, à savoir la liberté, l’égalité et la justice. Aucune relation avec l’État d’apartheid d’Israël ne devrait être reprise sans que ce dernier se plie aux lois internationales qui garantissent les droits fondamentaux palestiniens.
Une lecture rapide de l’accord prouve qu’il s’agit bel et bien d’un coup de couteau dans le dos de Gaza ! Améliorer les conditions de l’oppression, ou plutôt ralentir le génocide, c’est une forme de complicité, parce que, pour le gouvernement turc, Gaza est tout simplement un cas humanitaire. En résumé, le gouvernement turc nous a trahis et il voudrait que nous lui en soyons reconnaissants !
Et le « génocide incrémentiel » se poursuit.

Photo : Trente mille (30.000) palestiniens dont 9.500 malades et 2.700 étudiants,bloqués au point de passage de Rafah le 20 mai 2016 (Ochoa)
haidar eid 2 
Publié le 28 juin 2016 sur The Palestine ChronicleTraduction : Jean-Marie Flémal

Le Dr Haidar Eid est professeur associé de littérature anglaise de l’Université Al-Aqsa dans la bande de Gaza en Palestine.
Le Dr Eid est un des membres fondateurs du Groupe pour un seul Etat démocratique (One Democratic State Group (ODSG)) et il est également membre de la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel.

pourlapalestine.be

Aucun commentaire: