mardi 27 septembre 2016

Allex, la rentrée, le FN, les réfugiés et Laurent Wauquiez

Corinne Morel Darleux        

Je ne sais plus par où commencer... Ces derniers temps, j'ai un peu abandonné ce blog pour informer plus succinctement, et plus directement, sur les réseaux sociaux, twitter et facebook, qui permettent d'écouler plus facilement le flux que m'impose l'actualité. Du coup, rattrapper toutes ces infos sur un billet devient une gageure.

Cette rentrée a été si bousculée, renversée à titre humain par la disparition d'un membre de ma famille qui m'a déboussolée et tenue éloignée de l'actualité des claviers, puis soumise à une accélération inouie du fait de la rentrée à la Région, avec une session dure, longue et particulièrement pénible jeudi dernier. Je vais essayer de suivre le conseil d'un ami philosophe, selon lequel le meilleur moyen de démêler une pelote est de la scinder en plusieurs morceaux (en gros).
Commençons donc par le gros morceau : Laurent Wauquiez, le FN et l'accueil des réfugiés. Sur ce sujet la période est particulièrement inquiétante de surenchère et d'amalgames. On a beau commencer à en être familiers, hélas, les propos de Laurent Wauquiez et de sa mère, Eliane Wauquiez, Maire du Chambon sur Lignon, ont du mal à passer. Le refus d'accueillir 1784 femmes, hommes et enfants persécutés, dans une Région qui compte près de 8 millions d'habitants, est une déchéance morale à laquelle s'ajoute une flopée de mensonges et d'omissions comme l'ont montré les Décodeurs du Monde. Dernière en date, un voeu déposé par la majorité de Laurent Wauquiez lors de notre assemblée plénière du 22 septembre, qui laisse sous-entendre que les communes de la Région n'auraient pas les moyens d'accueillir les réfugiés, alors que cette prise en charge est du ressort non des communes, mais de l'Etat. Et que des villes se sont portées volontaires, à commencer par Saint Etienne, dont le maire est pourtant LR, il y a déjà un an. Clairement, le gouvernement s'y est pris comme un pied et porte une lourde responsabilité dans le marasme ambiant. Mais là, la question doit pour l'heure s'effacer devant la responsabilité républicaine, constitutionnelle, humaine, d'accueillir ces réfugiés avec décence et dignité, comme la France s'y est engagée par la Convention de Genève, comme la dignité du présent nous y oblige.
Près de chez moi à Allex, dans la Drôme, les onze premiers réfugiés sont arrivées. Onze personnes, dont trois enfants, accueillis temporairement dans un bâtiment vide, ancien centre d'accueil pour personnes fragilisées. Ils seront cinquante à terme, installés là pour quelques semaines, comme l'a précisé la préfecture de la Drôme : "encadrés par l'équipe du Diaconat protestant, ces personnes bénéficieront d'un temps de répit pour entreprendre les démarches nécessaires et vérifier qu'elles remplissent les contions pour obtenir le statut de demandeur d'asile". En transit donc, dans un bâtiment vacant, à cinquante. Sérieusement. Où est la "jungle" là-dedans ? Comme l'a souligné Thomas Legrand dans son excellent edito : "ce qui frappe dans cette réaction c’est la disproportion, « de la folie » comme si on lui annonçait que les ingénieurs de Tchernobyl allaient construire une centrale nucléaire sur un volcan d’Auvergne ! ». Mais évidemment le Front National a sauté sur l'aubaine et accouru pour défiler et provoquer un point de cristallisation. Un abcès de fixation. Laurent Wauquiez a annoncé qu'il irait également, cédant ainsi après s'être fait tancer sur twitter par l'extrème droite, prenant le risque d'exacerber par sa dimension nationale la tension d'un village qui n'en demandait pas tant. Puis s'est, semble-t-il, ravisé.
FNpancartes22092016.jpgVoilà où on en est, à une course. Le Front National lance un manifeste pour des communes sans migrants, Laurent Wauquiez lance une pétition. Le Front National dégaine ses pancartes en plein hémicycle régional, Laurent Wauquiez met dix minutes avant de faire appliquer le règlement. Voici la photo, postée sur twitter par ma camarade élue Fabienne Grebert, violemment prise à partie depuis par la fachosphère lui conseillant par exemple, juste pour que vous puissiez apprécier le niveau, de prendre un migrant chez elle pour "activer sa libido". Voilà pour la "France apaisée" de madame Le Pen.
Laurent Wauquiez, Député, Président de Région, chef par interim de Les Républicains, s'étale sur les chaines de télévision. Et nous, nous sommes condamnés à nous exprimer, sur un sujet aussi essentiel, en une minute avant d'être coupés. Comment dire... C'est éprouvant. De parler sous les huées d'élus du Front National déchainés, incapables de se tenir correctement, traitant les écologistes de "khmers verts" - quand Laurent Wauquiez parle de "fatwa", contribuant ainsi à élever le niveau de nos débats - accusant à gorge déployée les communistes d'avoir collaboré avec les nazis pendant la seconde guerre mondiale, bordelisant l'assemblée et donnant à nos débats une image à pleurer. C'est odieux et éprouvant. Mais on le fait. Au milieu du chaos, des huées et de l'indignité.
Je suis intervenue en réaction à l'enfumage délibéré de Laurent Wauquiez entretenant la confusion entre réfugiés et clandestins, et les amendements ignobles - curieusement retirés en session par le FN - amalgamant pêle-mêle réfugiés, casseurs, travailleurs détachés. 
Du grand n'importe quoi. Je ne crois pas malheureusement que ces gens soient incompétents au point de confondre ces notions. Ils attisent cyniquement les peurs irrationnelles de cet air du temps navrant, et, en nommant mal les choses, ajoutent au malheur du monde sciemment.
Voici le texte complet de mon intervention (également ici sur le site des élu-e-s du Rassemblement)
 
Voilà où on en est. Le principe d'accueil des réfugiés ne règle certes pas toutes les questions, ni l'ambiance de rejet de l'autre généralisé qui résulte de décennies de politique antisociale, de mise en concurrence des précaires contre les chômeurs, des chômeurs contre les travailleurs détachés, des travailleurs détachés contre les sans-papiers, des titulaires contre les intérimaires, des étudiants contre les retraités, de dérives lexicales du RSA qualifié d'assistanat et de "cancer de la société", aux cotisations qui deviennent des charges sociales, et tout ce qui s'ensuit quand on ne s'attaque ni au chômage, ni à la libéralisation, ni aux traités européens, ni à rien.
Certes, mais c'est une question de dignité.

Les petits pois sont rouges

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