Je ne sais plus par où commencer... Ces derniers temps, j'ai un peu
abandonné ce blog pour informer plus succinctement, et plus directement,
sur les réseaux sociaux, twitter et facebook,
qui permettent d'écouler plus facilement le flux que m'impose
l'actualité. Du coup, rattrapper toutes ces infos sur un billet devient
une gageure.
Cette rentrée a été si bousculée, renversée à titre humain
par la disparition d'un membre de ma famille qui m'a déboussolée et
tenue éloignée de l'actualité des claviers, puis soumise à une
accélération inouie du fait de la rentrée à la Région, avec une session
dure, longue et particulièrement pénible jeudi dernier. Je vais essayer
de suivre le conseil d'un ami philosophe, selon lequel le meilleur moyen
de démêler une pelote est de la scinder en plusieurs morceaux (en
gros).
Commençons donc par le gros morceau : Laurent Wauquiez, le FN et
l'accueil des réfugiés. Sur ce sujet la période est particulièrement
inquiétante de surenchère et d'amalgames. On a beau commencer à en être
familiers, hélas, les propos de Laurent Wauquiez et de sa mère, Eliane Wauquiez, Maire du Chambon sur Lignon,
ont du mal à passer. Le refus d'accueillir 1784 femmes, hommes et
enfants persécutés, dans une Région qui compte près de 8 millions
d'habitants, est une déchéance morale à laquelle s'ajoute une flopée de
mensonges et d'omissions comme l'ont montré les Décodeurs du Monde.
Dernière en date, un voeu déposé par la majorité de Laurent Wauquiez
lors de notre assemblée plénière du 22 septembre, qui laisse
sous-entendre que les communes de la Région n'auraient pas les moyens
d'accueillir les réfugiés, alors que cette prise en charge est du
ressort non des communes, mais de l'Etat. Et que des villes se sont portées volontaires, à commencer par Saint Etienne, dont le maire est pourtant LR,
il y a déjà un an. Clairement, le gouvernement s'y est pris comme un
pied et porte une lourde responsabilité dans le marasme ambiant. Mais
là, la question doit pour l'heure s'effacer devant la responsabilité
républicaine, constitutionnelle, humaine, d'accueillir ces réfugiés avec
décence et dignité, comme la France s'y est engagée par la Convention
de Genève, comme la dignité du présent nous y oblige.
Près de chez moi à Allex, dans la Drôme, les onze premiers réfugiés
sont arrivées. Onze personnes, dont trois enfants, accueillis
temporairement dans un bâtiment vide, ancien centre d'accueil pour
personnes fragilisées. Ils seront cinquante à terme, installés là pour
quelques semaines, comme l'a précisé la préfecture de la Drôme : "encadrés
par l'équipe du Diaconat protestant, ces personnes bénéficieront d'un
temps de répit pour entreprendre les démarches nécessaires et vérifier
qu'elles remplissent les contions pour obtenir le statut de demandeur
d'asile". En transit donc, dans un bâtiment vacant, à cinquante. Sérieusement. Où est la "jungle" là-dedans ? Comme l'a souligné Thomas Legrand dans son excellent edito
: "ce qui frappe dans cette réaction c’est la disproportion, « de la
folie » comme si on lui annonçait que les ingénieurs de Tchernobyl
allaient construire une centrale nucléaire sur un volcan d’Auvergne ! ».
Mais évidemment le Front National a sauté sur l'aubaine
et accouru pour défiler et provoquer un point de cristallisation. Un
abcès de fixation. Laurent Wauquiez a annoncé qu'il irait également,
cédant ainsi après s'être fait tancer sur twitter par l'extrème droite,
prenant le risque d'exacerber par sa dimension nationale la tension d'un
village qui n'en demandait pas tant. Puis s'est, semble-t-il, ravisé.
Voilà où on en est, à une course. Le Front National lance un
manifeste pour des communes sans migrants, Laurent Wauquiez lance une
pétition. Le Front National dégaine ses pancartes en plein hémicycle
régional, Laurent Wauquiez met dix minutes avant de faire appliquer le
règlement. Voici la photo, postée sur twitter par ma camarade élue Fabienne Grebert, violemment prise à partie depuis par la fachosphère
lui conseillant par exemple, juste pour que vous puissiez apprécier le
niveau, de prendre un migrant chez elle pour "activer sa libido". Voilà
pour la "France apaisée" de madame Le Pen.
Laurent Wauquiez, Député, Président de Région, chef par interim de
Les Républicains, s'étale sur les chaines de télévision. Et nous, nous
sommes condamnés à nous exprimer, sur un sujet aussi essentiel, en une
minute avant d'être coupés. Comment dire... C'est éprouvant. De parler
sous les huées d'élus du Front National déchainés, incapables de se
tenir correctement, traitant les écologistes de "khmers verts" - quand
Laurent Wauquiez parle de "fatwa", contribuant ainsi à élever le niveau
de nos débats - accusant à gorge déployée les communistes d'avoir
collaboré avec les nazis pendant la seconde guerre mondiale, bordelisant
l'assemblée et donnant à nos débats une image à pleurer. C'est odieux
et éprouvant. Mais on le fait. Au milieu du chaos, des huées et de
l'indignité.
Je suis intervenue en réaction à l'enfumage délibéré de Laurent
Wauquiez entretenant la confusion entre réfugiés et clandestins, et les
amendements ignobles - curieusement retirés en session par le FN -
amalgamant pêle-mêle réfugiés, casseurs, travailleurs détachés.
Du grand n'importe quoi. Je ne crois pas malheureusement que ces gens
soient incompétents au point de confondre ces notions. Ils attisent
cyniquement les peurs irrationnelles de cet air du temps navrant, et, en
nommant mal les choses, ajoutent au malheur du monde sciemment.
Voici le texte complet de mon intervention (également ici sur le site des élu-e-s du Rassemblement)
Et la lettre ouverte que nous avons signée avec les autres élu-e-s
et responsables régionaux du Parti de Gauche, Andrea Kotarac, Emilie
Marche, Elisa Martin, Benoit Schneckenburger, Didier Thevenieau. :
"Monsieur Wauquiez, nous ne nous laisserons pas faire".
Voilà où on en est. Le principe d'accueil des réfugiés ne règle
certes pas toutes les questions, ni l'ambiance de rejet de l'autre
généralisé qui résulte de décennies de politique antisociale, de mise en
concurrence des précaires contre les chômeurs, des chômeurs contre les
travailleurs détachés, des travailleurs détachés contre les
sans-papiers, des titulaires contre les intérimaires, des étudiants
contre les retraités, de dérives lexicales du RSA qualifié d'assistanat
et de "cancer de la société", aux cotisations qui deviennent des charges
sociales, et tout ce qui s'ensuit quand on ne s'attaque ni au chômage,
ni à la libéralisation, ni aux traités européens, ni à rien.
Certes, mais c'est une question de dignité.
Les petits pois sont rouges
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