Seul de tous les dirigeants arabes – on évitera de parler encore de “leader” à son propos – Mahmoud Abbas a donc assisté aux funérailles nationales de Shimon Peres que Mahmoud Abbas s’est senti obligé de qualifier de “lourde perte pour l’humanité et pour la paix dans la région”.
À deux jours près, ce message survenait à point nommé pour le 31ème anniversaire du bombardement par l’aviation israélienne du quartier général de l’OLP, dans la banlieue de Tunis, destinée à éliminer d’un coup tous les principaux dirigeants de l’OLP,
à commencer par Yasser Arafat. Le premier ministre israélien était à
l’époque celui-là même en l’honneur de qui on a vu, lors des
funérailles, Abbas verser quelques larmes.
Pour pouvoir se mêler aux quelque 70 chefs d’État et de gouvernement venus rendre hommage au criminel de guerre Peres, Abbas et sa suite avaient humblement sollicité de l’occupant de leur patrie l’autorisation de se rendre à Jérusalem occupée, où le chef de l’Autorité palestinienne n’avait plus été admis depuis des années. Grand seigneur, Netanyahou avait consenti.
Voici les images de la fugace rencontre entre les deux hommes (et Mme
Netanyahou) [2], 54 secondes au cours desquelles ne sont échangées que
des banalités (style “ça faisait des années…”) et durant lesquelles ils
ont soigneusement évité de se regarder dans les yeux, mais auxquelles la
presse internationale a accordé une importance qui frise le grotesque :
#Abbas,"ému"présente ses condoléances à #Netanyahu,aux obsèques d #ShimonPeres à #Jerusalem-occupée— Opération Boycott (@opBoycott) 30 septembre 2016
à vomir#StopColaboration#boycottIsrael pic.twitter.com/XwizRrd2xE
Abbas était à ce point le bienvenu parmi les chefs
d’État, que le Secrétaire d’État étatsunien – probablement peu soucieux
que les images d’un shake hand se retrouvent dans les spots télé de Donald Trump dès le lendemain – à défaut de pouvoir l’éviter complètement a soigneusement évité de lui serrer la main :
— Middle East Monitor (@MiddleEastMnt) 30 septembre 2016
Comme le relève le correspondant politique de Haaretz, Barak Ravid,
tous les hommes politiques israéliens qui ont pris la parole pour
rendre hommage à Peres ont complètement ignoré Abbas. Dans son allocution (en anglais) Netanyahou,
qui a eu soin de saluer la présence du Grand Duc du Luxembourg (en tant
que grande puissance, sans doute), n’a pas trouvé une seconde pour
signaler celle du chef de l’Autorité Palestinienne. Barak Ravid note
d’ailleurs que la plupart des orateurs israéliens ont complètement fait
l’impasse sur les 25 dernières années, celles du prétendu “processus d’Oslo” qui constitue l’essentiel de l’héritage politique de Peres. Le seul à le mentionner fut l’écrivain Amos Oz.
Comme il se doit, le patron de tous les autres représentants de la
communauté internationale rassemblés pour verser des larmes de
crocodiles sur la dépouille de l’un d’entre eux, a pris la parole en
dernier.
Barack Obama fut l’un des seuls à ne pas ignorer la présence d’Abbas, dont il a salué la présence comme “un geste et un rappel du processus de paix inachevé”.
Une magistrale leçon de cynisme de la part de celui qui vient
d’accorder à Israël – sous la forme de 38 milliards de dollars d’aide
militaire pour les dix prochaines années – les moyens de continuer à
s’asseoir impunément sur le droit international et tout ce que peut dire
l’ONU et de poursuivre la colonisation du peu qu’il reste encore de la
Palestine.
Shimon Peres aurait apprécié, à n’en pas douter. L.D.
Les Palestiniens choqués par l’attitude de Abbas, qui n’accorde
pas tant d’égards aux victimes palestiniennes de l’occupant
L’agence de presse palestinienne Ma’an rapporte que le mouvement des Jeunes du Fatah de l’Université palestinienne Birzeit a réclamé samedi la démission de Mahmoud Abbas, en raison de sa participation “humiliante” aux funérailles de l’ancien Président israélien et criminel de guerre Peres.
Il ne s’agit là que de la dernière en date
des condamnations qui ont fusé de tout l’éventail politique des factions
palestiniennes, qui n’ont en général pas eu de mots assez durs pour
stigmatiser Abbas pour avoir présenté des condoléances à Netanyahou.
Les jeunes militants du Fatah de Birzeit
soulignent, dans un communiqué, que le Président de l’Autorité
Palestinienne ne manifeste pas autant d’égards envers les Palestiniens
abattus par l’armée ou la police israélienne, qu’il n’assiste pas à
leurs funérailles et n’accorde guère d’attention à leurs familles. “Nous
condamnons cette participation humiliante, qui est hostile au peuple
palestinien et que nous considérons comme une forme de trahison”, ajoutent-ils en précisant qu’ils s’adressent à Abbas en sa triple qualité de “leader général du mouvement Fatah, de dirigeant de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et de président de l’Autorité palestinienne”.
Ils rappellent que la Constitution du Fatah prévoit en son article 12 que le but de l’organisation est “la
libération complète de la Palestine et la fin de l’occupation
économique, politique, militaire et culturelle par les sionistes”. La participation d’Abbas à l’hommage rendu à Peres constitue une violation grave de cet article fondamental, estiment-ils.
“En tant que chef de l’OLP, Abbas a
violé la loi fondamentale de l’OLP. En tant que président, Abbas a
commis un crime contre le peuple palestinien en traitant le persécuteur
et sa victime sur un pied d’égalité”.
Après la publication de cette prise de position, un officiel du Fatah a immédiatement fait savoir qu’elle “ne représente pas la position des jeunes du Fatah à l’égard de Son Excellence le président” et que des dispositions ont été prises pour écarter ses auteurs, qui seront soumis à une enquête.
Le raidissement autoritaire d’Abbas
– dont il faut rappeler qu’il vient de repousser à plus tard des
élections qui n’auraient pas manqué de faire apparaître une fois de plus
le profond discrédit dont il souffre dans la population palestinienne –
n’est pas une surprise.
Les forces palestiniennes aux ordre de
l’Autorité de Ramallah ont appréhendé un officiel de liaison palestinien
à son domicile de Jénine, après qu’il ait diffusé sur Facebook un texte critique à propos de la participation de Abbas aux funérailles de Peres. Cet officier, Osama Abu Arab, a immédiatement été suspendu de ses fonctions au bureau de liaison.
Il avait notamment écrit : « Qu’il [Peres] ait ou non été un terroriste, qu’il ait ou non inventé la politique du “brisez leur les os”
durant la première Intifada, qu’il ait ou non été impliqué dans le
massacre du camp de réfugiés de Jénine et celui du quartier al-Yasmeen à
Naplouse, ou dans le massacre de Qana
– qui est-il pour que vous participiez à ses funérailles tandis que la
grande majorité du peuple que vous représentez s’oppose à lui ?»
Le Hamas lui aussi a dénoncé l’attitude de Abbas, estimant qu’il “a encouragé la normalisation avec Israël au détriment de la cause palestinienne”.
Les Comités de la Résistance Populaire considèrent quant à eux que “en rendant hommage à “un des plus grands criminels israéliens” Abbas a démontré son “mépris pour les sentiments et pour les sacrifices du peuple palestinien” et a délivré à Israël “un laissez-passer pour ses crimes”.
Notes
[1] L’opération avait échoué mais fait une centaine de blessés.
[2] ils se sont pratiquement téléscopés dans la foule, note Haaretz
pourlapalestine.be
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