Ce n’est pas la chose la plus infamante que l’on puisse dire
de la police israélienne en général, et de celle des districts de Judée
et de Samarie en particulier : Sur un mur du bureau de police de Hébron /
Kyriat Arba, on peut voir une carte officielle de la « région de Hébron » sur laquelle les noms de plus de 200 communautés palestiniennes ont été effacés.
La colonie de Negohot, par exemple, est reprise sur la carte. Les villages à l’ouest de cette colonie, tels Beit Mirsam et Beit Awwa, n’existent pas. Naturellement, Betar Ilit figure sur la carte, mais les villages de Wadi Fukhin et de Nahalin, dont les terres ont été absorbées avec un appétit solide par la vaste colonie, ont été effacés.
Laissez-moi vous dire ceci bien en face : La carte en elle-même
n’efface pas la réalité. Les gens existent et sont profondément
enracinés dans leurs communautés, leur histoire et leur société, ils
n’ont pas besoin d’une confirmation de leur existence par la police
israélienne ou par un journaliste israélien. En d’autres termes, la
carte ne témoigne aucunement de la situation des Palestiniens mais uniquement de celle des Israéliens.
Le fait de savoir que la police a été négligente dans le repérage et l’arrestation des émeutiers juifs qui s’en prennent à des Palestiniens et qu’elle ne dissuade pas les autres, est bien plus rageant que cette carte falsifiée. (La police partage avec les FDI, le service de sécurité du Shin Bet
et le bureau du Ministère public la responsabilité de la négligence et
de l’encouragement indirect des hooligans juifs.) Mais il se fait que,
lorsque la population lésée est effacée d’une carte que les policiers
ont sous les yeux quotidiennement, il est plus facile d’ignorer les
agressions dont elle fait l’objet.
L’avocate Yehudit Karp a écrit sur la non-application de la loi contre les Juifs en Cisjordanie en 1982. En 1994, la Commission Shamgarn, qui enquêtait sur le massacre de fidèles musulmans perpétré par le Dr Baruch Goldstein, avait été outrée par le manque de coordination entre les divers corps censés faire appliquer les lois.
Aujourd’hui, des organisations comme Al-Haq, B’Tselem et Yesh Din
collectent des informations et enquêtent sur cette inaction. La
négligence et l’impuissance apparente qui perdurent depuis un
demi-siècle, ne constituent pas les preuves d’un manque de
professionnalisme, mais bien d’une intention délibérée.
Les gouvernements israéliens ont poussé leurs citoyens à violer les
lois internationales et à s’implanter. Les transgresseurs de la loi –
dont le but est d’effrayer les gens et de les chasser de leurs terres –
complètent le travail de l’Administration civile. Quand celle-ci vole de
plus en plus de terres aux Palestiniens et qu’elle les déclare « terres de l’Etat »,
elle suit les ordres de ceux qui sont au-dessus d’elle. Dans sa
négligence, la police agit elle aussi dans l’esprit de ses supérieurs au
gouvernement.
Israël est un État démocratique et juif. Les dirigeants suprêmes sont élus pour faire ce qui est bon pour les Juifs. Tel est le contexte sociologique et politique qui sous-tend la carte.
La carte, naturellement, a conservé les noms de Bethléem, de Halhul et de Hébron,
mais leurs résidents ont été effacés du tableau d’information à
l’arrière-plan. La carte fait remarquer que 81 000 personnes vivent dans
la région (dont quelque 99,6 pour 100 de Juifs) et un astérisque nous renvoie à la note suivante : « Sans prendre en considération la population palestinienne. » Cette honnêteté littérale qui jaillit directement de l’inconscient est impressionnante. Après tout, l’auteur aurait pu écrire « non compris quelque 800 000 Palestiniens ». Mais il a choisi les termes extrêmement précis « sans prendre en considération… ».
La carte de la région de Hébron moins les Arabes n’est pas la création personnelle de la personne qui y a apposé sa signature, le général de division Daniel Hen,
commandant du département de planification de la police. Il s’agit
d’une création collective israélienne qui reflète le génie colonialiste
des accords d’Oslo. Les négociations d’Oslo et leurs suites dans les accords « temporaires » qui, depuis, sont devenus éternels et sacrés, ont laissé Israël
avec la majeure partie du territoire et de ses ressources naturelles,
sans prendre les résidents en considération. Ils ont rejeté les gens et
la responsabilité de ces mêmes gens sur le dos des dirigeants
palestiniens, qui manquent de ressources et d’autorité réelles. En
d’autres termes, ils ont délivré Israël de ses responsabilités en tant
que force d’occupation, ce qu’il était et est d’ailleurs resté.
Les transgresseurs de la loi et leurs prédécesseurs israéliens au
sein de l’aile droite israélienne, qui devient de plus en plus
extrémiste, veulent effacer l’existence des Palestiniens
de la réalité aussi, et pas seulement sur la carte. Et c’est ici que se
situe le danger de cette carte. Elle reflète l’inconscient et le
non-dit israéliens, qui aspirent à faire disparaître les Palestiniens et, ce faisant, elle crée et renforce l’impression qu’en pratique, les Palestiniens n’existent pas.
Publié le 1 octobre 2016 sur Haaretz
Traduction : Jean-Marie Flémal
pourlapalestine.be
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